En détention, le pilotage de l'organisation des soins en addictologie relève de l'unité sanitaire (US). Chaque établissement pénitentiaire doit cependant disposer d'un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) référent [1], désigné pour assurer l'accompagnement et l'élaboration du projet de soin et d'insertion des personnes détenues, ainsi que l'articulation avec l'extérieur en vue de la préparation à la sortie. « Le travailleur social du Csapa référent carcéral n’a pas vocation à remplir les missions du Csapa à lui seul, mais il veille à ce que l’approche pluridisciplinaire puisse être reformée en milieu carcéral avec les ressources présentes. Il est l'interface entre l'usager, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) et l'US, et entre l'intérieur et l'extérieur, le suivi des peines et la réinsertion », résume Franck Lecas, chargé de mission à l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). La répartition des rôles et missions doit faire l'objet d'un protocole organisationnel local, validé par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS).
Bientôt un cahier des charges
Il y aurait actuellement environ 130 Csapa référents. Faute de liste officielle, difficile d'effectuer un dénombrement plus précis. « C'est tout le problème de ce dispositif : depuis sa création en 2010, aucun texte n'a apporté de précisions, souligne Marine Gaubert, chargée de projet à la Fédération Addiction. Il n'existe pas de cahier des charges, ce qui ne facilite pas sa lisibilité par les partenaires. » Chargée par la Direction générale de la santé (DGS) de rédiger une synthèse, la fédération devrait rendre sa copie en fin d'année, après deux ans de travaux, et espère que ce document pourra servir de trame à l'élaboration d'un référentiel.
En attendant, les modalités d'action varient d'un établissement pénitentiaire à l'autre, en fonction notamment de la place occupée par les autres intervenants. Là, le référent pourra rencontrer tous les détenus arrivants. Ailleurs, seules lui seront orientées les personnes faisant état de problématiques addictives. Dans telle maison d'arrêt, le travailleur social pourra déposer des demandes de permission pour accompagner le patient auprès des structures de milieu ouvert. Dans l'établissement voisin, faute de temps, il devra se contenter de contacts téléphoniques. Pour Franck Lecas, ces fluctuations doivent inciter directeurs et professionnels à « instaurer un cadre clair et formalisé à travers une convention, prévoyant notamment une instance de coordination entre les intervenants ».
Face à un environnement complexe
Chaque Csapa référent est doté d'un « demi-équivalent temps plein (ETP) d'éducateur », un temps plein si l'établissement pénitentiaire accueille plus de 500 détenus [2]. Généralement éducateur spécialisé ou assistant de service social – des profils privilégiés pour leur capacité à proposer un accompagnement global et animer un réseau de partenaires –, l'intéressé doit surtout « bien connaître le secteur de l'addictologie, être en mesure de s'adapter à un environnement complexe, faire preuve d'autonomie et ne pas douter de sa légitimité », estime Nabintou Mendy, de la Fédération Addiction. Enfin, le soutien de sa hiérarchie et de sa structure d'appartenance sont déterminants pour écarter tout risque d'isolement.
[1] Instruction DGS/MC2/DGOS/R4 n° 2010-390 du 17 novembre 2010
[2] Selon les circulaires budgétaires de 2011 et 2015.
Clémence Dellangnol
Point de vue
Maxime Ruby, chef de service, Csapa Pierre Nicole (Croix-Rouge française), à Paris
« Le poste de travailleur social en Csapa référent carcéral est difficile à pourvoir. Beaucoup de professionnels éprouvent de l'intérêt pour la détention, mais tous ne sont pas en mesure d'y travailler tous les jours. En prison, tout fonctionne différemment : les codes, la temporalité… Il faut environ un mois pour comprendre où l'on se trouve, et six mois pour savoir si on peut y travailler. Outre la violence intrinsèque de l'univers carcéral, certains ont du mal à surmonter la frustration liée au fonctionnement judiciaire : tout le travail peut être mis à néant à cause d'un transfèrement, d'une sortie anticipée, d'une nouvelle condamnation qui éloigne la perspective de libération… Mais une fois la phase d'adaptation passée, la mission peut s'avérer très enrichissante. On voit beaucoup de nouveaux patients, qui connaissent là leur premier contact avec le secteur de l'addictologie, ce qui permet de casser les représentations, notamment auprès des jeunes qui ne s'identifient pas comme des usagers de drogues. Et puis, les détenus sont à l'abri de leurs problèmes du dehors, et donc plus à même de s'inscrire dans un projet de soins. »
A lire aussi
Csapa « référent carcéral ». Partage de pratiques professionnelles et repères pour agir, guide repères réalisé par l’Anpaa, décembre 2015, à télécharger sur http://anpaa.asso.fr
Publié dans le magazine Direction[s] N° 163 - avril 2018