Ces dernières années, les gestionnaires – ou « référents » ou « coordinateurs » – de parcours se multiplient. Leur rôle ? Débrouiller et mettre en cohérence les interventions des professionnels et institutions du système social et de santé. « C’est une conséquence de la politique européenne en faveur de l’inclusion, de la désinstitutionalisation, expose Jean-René Loubat, psychosociologue et consultant [1]. Ce n’est pas encore un métier, mais c’est plus qu’une mission. On peut parler de "fonction". »
Une bonne connaissance du territoire
Son développement récent est indirectement porté par les pouvoirs publics via divers dispositifs coexistant mais indépendants : gestion de cas pour les malades d’Alzheimer, expérimentation de référents de parcours dans le cadre du plan d’action interministériel pour le travail social, démarche « Une réponse accompagnée pour tous » dans le champ du handicap… Il est aussi le fruit d’actions menées par des organismes gestionnaires du secteur social et médico-social sur certaines zones et pour certains publics.
« L’objectif est souvent d’agir sur des situations complexes. Même si l’idéal est, en prévention, de proposer un accompagnement global à tous. Le référent de parcours peut être en contact direct avec les usagers ou se positionner à un niveau intermédiaire entre le terrain et le politique, comme ressource pour les professionnels », signale Ghislaine Libéros, formatrice indépendante.
Son intervention se structure généralement en trois étapes : l’évaluation de la situation, l’élaboration d’un plan d’action individualisé et la mise en œuvre de ce dernier. « Une excellente connaissance du territoire est nécessaire : savoir quel médecin prend en charge tel type de patient, quel service est en tension ou non…, remarque Marc Weissmann, directeur des plateformes de santé du GCS Maison des réseaux de santé de l'Isère (MRSI) et président de l'Union des réseaux de santé Auvergne Rhône-Alpes. Il faut aussi faire preuve de créativité, pour construire des solutions avec les professionnels et les patients : négocier une dérogation d’âge à l’entrée d’un établissement, convaincre un libéral de se déplacer à domicile… »
Quelle évolution de carrière ?
« Nous utilisons beaucoup le téléphone, mais c’est aussi un travail de terrain : visites d’évaluation à domicile, déplacements chez les professionnels concernés pour mieux réaliser leurs contraintes, obtenir davantage que leur accord de principe, réunions de concertation avec l’ensemble des parties prenantes… », poursuit Marc Weissmann. L’exercice de la fonction est plutôt autonome, mais pas isolé. « L’équipe est fondamentale, considère Catherine Raveneau, qui fait partie des quatre référents parcours de santé du service régional Pays de la Loire de l’association AFM-Téléthon (lire l'encadré). Nous échangeons sur les situations que nous rencontrons pour faire éclore de nouvelles idées. Comme nous venons de métiers différents, nos regards sont complémentaires. »
Éducateur spécialisé, infirmier, assistant de service social, psychologue… Les gestionnaires de parcours sont habituellement soignants ou travailleurs sociaux de formation. « Face à l’usure professionnelle, ce type de poste constitue une perspective intéressante d’évolution de carrière », constate Ghislaine Libéros. Pour se perfectionner, des formations spécifiques à la coordination de parcours existent. « Cette fonction sera de plus en plus exigeante, prédit Jean-René Loubat. Pour l’instant, la rémunération est généralement déterminée par le métier de base, avec parfois un complément. Ce qui pose la question de la reconnaissance, du statut des personnes concernées. »
[1] Auteur de « Coordonner parcours et plans personnalisés en action sociale et médico-sociale », Dunod, 2017.
Aurélia Descamps
À l’AFM-Téléthon, des référents Parcours depuis 1988
Depuis trente ans, des référents Parcours de santé (RPS) officient à l’AFM-Téléthon, même s’ils n’ont pas toujours été nommés ainsi. Au sein des services régionaux de l’association, ils accompagnent des enfants et des adultes atteints d’une maladie neuromusculaire : pour eux, ils font le lien avec les réseaux professionnels aussi bien sur le plan médical que social (accès au droit à la compensation, à l’école, au travail…). « Parfois, on répond juste à une question précise, d’autres fois, quand la situation est complexe, on reste à leur côté pendant longtemps. C’est très varié », témoigne Catherine Raveneau, RPS. Tous bénéficient de formations en interne, plusieurs semaines par an : sur la maladie elle-même, l’éducation thérapeutique… Ils appartiennent à la catégorie « agent de maîtrise » et sont payés 2300 euros brut par mois en début de carrière. « Pour les familles, ce n’est pas juste un intervenant de plus, mais un proche sur qui on peut compter, souligne Xavier Falaise, directeur inter-régional Sud des services régionaux. Le militantisme n’est jamais loin : les RPS se battent pour les malades et à leurs côtés. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 166 - juillet 2018