Corinne Benzekri, directrice du pôle Ressources, Autonomie et Citoyenneté de la Fondation Casip-Cosajor, à Paris
Qu'on les appelle directeurs de pôle, de filière ou encore de territoire, les directeurs multisites incarnent un nouvel échelon d'encadrement, à la charnière entre l'opérationnel et le stratégique, au périmètre et aux fonctions très variables. Leur entrée dans les organigrammes est un effet de l'évolution du secteur social et médico-social, qu'il s'agisse du gonflement des organisations – nécessitant la création d'une nouvelle strate de délégation – ou de restructurations stratégiques – visant à acquérir davantage de cohérence ou d'homogénéité des prestations.
Une fonction politique
Selon les configurations, leurs tâches s'apparenteront davantage à celles d'un directeur multisites, ou bien prendront une dimension plus transversale. « À la tête de deux instituts médico-éducatifs (IME), on aura un quotidien très proche de celui d'un directeur d'établissement. Mais s'il s'agit de piloter un pôle thématique ou toutes les institutions d'un département, la fonction devient beaucoup plus politique », illustre Patrick Correggio, directeur d'un cabinet de recrutement spécialisé dans le secteur.
En Loire-Atlantique, l'association de protection de l'enfance Linkiaa compte cinq directeurs de pôles territoriaux multi-activités, chacun à la tête d'une centaine de salariés. Responsables du pilotage et du fonctionnement des structures (qualité des prestations, maîtrise des budgets, liens avec l'environnement…), ils disposent d'un service administratif et s'appuient directement sur des chefs de service. Exit l'échelon de direction. « À eux de mettre en place un système de délégation qui responsabilise leurs services supports et leurs cadres intermédiaires », affirme le directeur général, Cyril Durand. Membres du comité de direction, les directeurs de pôle sont associés à la conduite stratégique de l'association, et peuvent être chargés de missions transversales, par exemple sur l'évolution de l'offre de service en maisons d'enfants à caractère social (Mecs). À Paris, la Fondation Casip-Cosajor a, quant à elle, opté pour une organisation plus classique : des pôles thématiques (Autonomie, Intervention sociale, Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – Ehpad…), chapeautant des directions d'établissements (lire l'encadré).
Des profils expérimentés
Point commun à tous les directeurs multisites ? Une position intermédiaire pas toujours confortable. « Pris en étau entre l'équipe opérationnelle et les injonctions stratégiques et politiques, ils peuvent vite se retrouver mal à l'aise, surtout si les marges de manœuvre ne sont pas fixées avec précision », observe Patrick Correggio. Pour surmonter ces écueils, la plupart des organisations misent sur des profils expérimentés, ayant eu l'occasion de diriger des cadres, de s'être montrés de bons interlocuteurs pour les partenaires institutionnels, dotés d'une vision d'ensemble et d'une solide capacité de travail. « Il faut beaucoup d'engagement et d'agilité intellectuelle », insiste le consultant. « Dans la même semaine, je rencontre l'agence régionale de santé (ARS), je recrute des chefs de service, je travaille avec des experts sur les lumières ou les couleurs d'un futur bâtiment pour respecter les besoins sensoriels des usagers… C'est passionnant », s'enthousiasme un directeur fraîchement recruté par une association sanitaire pour créer et développer un pôle Autisme médico-social. Dans ces conditions, pas étonnant que la plupart des directeurs de pôle « présentent la capacité de devenir directeurs généraux », signale Patrick Correggio, pour qui la fonction constitue bien souvent un marchepied vers le sommet.
Clémence Dellangnol
Point de vue
Corinne Benzekri, directrice du pôle Ressources, Autonomie et Citoyenneté de la Fondation Casip-Cosajor, à Paris
« L'une de mes principales missions est d'animer et piloter le collectif des directeurs et chefs de service. C'est un rôle d'éclaireur : tous les trois mois, je réunis les cadres de toutes les structures, et je fais redescendre et circuler les informations issues de la veille réglementaire, des financeurs, du réseau, mais aussi de l'interne. Comme j'ai une vision globale, je peux suggérer des rapprochements, proposer des projets transversaux… Les établissements et services ont longtemps fonctionné de façon isolée, et le regroupement par pôle vise notamment à donner davantage de cohérence. Par rapport aux directeurs, je garantis le cadre et la sécurité, le contenant à partir duquel ils vont pouvoir prendre des initiatives et des risques. Je suis très disponible et cette proximité avec le terrain conforte ma crédibilité à l'extérieur : quand je défends un projet auprès des financeurs, ils savent que je sais de quoi je parle et que j'ai pris le temps de bien le consolider. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 179 - octobre 2019