Brigitte Lafeuille (CCAS de Carvin)
Le métier de conseiller en insertion sociale et professionnelle (CISP) se cache sous un nombre pléthorique d'autres dénominations : accompagnateur ou conseiller à l'emploi, chargé d'accompagnement social et professionnel, conseiller en évolution professionnelle, opérateur d'insertion professionnelle… Une variété qui tient probablement à ce que les structures adaptent les contours et appellations du poste à leur spécificité. Par ailleurs, la fonction ne correspond pas à un diplôme, mais à un titre de niveau V de conseiller.ère en insertion professionnelle. Enfin, nombreux sont ceux qui accèdent à ce poste suite à une reconversion, cherchant à mettre à profit leur connaissance du monde du travail pour accompagner un public vers l'emploi.
Venus d'horizons très différents
Des profils sortant de filières allant de la licence en psychologie au master en politiques sociales en passant par un diplôme en travail social comme des professionnels très atypiques sont ainsi en poste. On retrouve des CISP ou des faisant fonction dans des missions locales auprès du jeune public, dans des associations du secteur de l'insertion professionnelle, tout particulièrement si elles gèrent un chantier d'insertion, des centres communaux d'action sociale (CCAS), des maisons de l'emploi… Sans oublier au sein des agences de Pôle emploi. Si l'équipe de la structure est assez étoffée, le CISP peut être spécialisé, par exemple être référent justice dans une mission locale pour le public placé sous main de justice.
Un accompagnement global
Quand le conseiller est chargé de l'accompagnement social et professionnel, comme sur un chantier d'insertion, sa mission sera de lever, en partenariat avec le référent social de la personne, par exemple une assistante sociale, les freins qui pèsent sur son intégration, qu'il s'agisse de la recherche d'un logement ou des questions de santé, tout en élaborant, avec elle, le projet professionnel. « Mon métier repose beaucoup sur la dynamique que je vais instaurer avec la personne et sur celle du groupe, puisque sur un chantier d'insertion, l'action est collective, les uns apprenant des autres », témoigne Katia Obertan, CISP au sein d'un des chantiers d'insertion du centre d'action sociale de la Ville de Paris. « Quand je parle de mon métier, on me renvoie souvent un "bon courage" sur un ton compassionnel alors que nous sommes dans du positif et du constructif. Il y a ainsi de très beaux parcours. La difficulté étant d'atteindre le maximum d'objectifs dans le temps du contrat d'insertion », poursuit-elle.
Pour permettre à la personne accompagnée de concrétiser son projet professionnel, Brigitte Lafeuille, CISP depuis une trentaine d'années, en poste au CCAS de Carvin (Pas-de-Calais), souligne que le conseiller « doit avoir une connaissance fine du territoire comme des attentes des besoins de employeurs. En bref, un très bon réseau, le goût du challenge, et aussi aucun préjugé sur les personnes et leur projet ». Sur un chantier d'insertion, le conseiller est amené à travailler en binôme avec l'encadrant technique chargé, quant à lui, de l'acquisition de compétences professionnelles.
Des professionnels recherchés
Avec le lancement, le 9 septembre, de la concertation relative au futur service public de l'insertion, qui devrait, selon le souhait du gouvernement, presque doubler le nombre de personnes en insertion d'ici à 2022 (de 140 000 à 240 000), le nombre de structures de l'insertion par l'activité économique – IAE (3 900 opérateurs dont la moitié sont des chantiers d'insertion) devrait évoluer à la hausse. Et avec lui, celui des conseillers du secteur. Le dispositif entend s'appuyer sur les capacités d'innovation de l'IAE. Emmaüs Défi a ainsi initié différentes démarches (Convergence, Premières heures…) reprises par des associations à l'échelle nationale qui ont renouvelé les méthodes de travail, comme les projets collectifs à plusieurs chantiers. On note également l'émergence de plus petites structures issues de l'économie sociale et solidaire (ESS) où les professionnels doivent faire preuve de plus encore de polyvalence.
Sophie Le Gall
Point de vue
Joël Ferri, directeur du CCAS de Carvin (Pas-de-Calais)
« Nous avons des CISP au sein du centre depuis plus de vingt ans. Nous avions alors imaginé un accompagnement hybride pour les usagers qui restaient loin de l'emploi alors que le chômage de masse baissait. Le conseiller sait autant aborder les handicaps personnels de la personne qu'être au fait des offres d'emploi de la région. Nous avions d'ailleurs intégré des professionnels venus du secteur privé pour bénéficier de leur expérience. Aujourd'hui, nous nous intéressons en particulier aux jeunes qui ont décroché de l'école ou de leur cursus. Nos conseillers (actuellement au nombre de trois) se forment, notamment en s'inspirant des pratiques de leurs homologues belges, pour appréhender les problématiques de cette jeunesse qui ne ressemble pas à celle d'hier. Le CISP va travailler les savoir-être bien avant de proposer une formation. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 181 - décembre 2019