Véronique Jacquet, coprésidente de la Fneje
C’est un métier du travail social en plein développement. En 2016, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dénombrait 1938 futurs éducateurs de jeunes enfants (EJE) en première année de formation, contre 1308 en 2006 et 902 encore dix années plus tôt. En 20 ans, les effectifs dans les centres de formation ont donc plus que doublé !
Par ailleurs, le diplôme d’État d’éducateur de jeunes enfants (DEEJE) vient de passer du niveau III au niveau II et au grade licence à la rentrée 2018. « C’est une reconnaissance de notre métier et de nos trois années d’étude », confie Véronique Jacquet, coprésidente de la Fédération nationale des EJE (Fneje). Qui regrette, néanmoins, l’absence de rétroactivité de cette mesure.
Les crèches, principaux employeurs
Qui sont-ils ? Des spécialistes de la petite enfance qui doivent favoriser le développement harmonieux des petits, leur apprentissage de l’autonomie ou encore de la vie sociale, de la naissance à sept ans, tout en soutenant les parents dans leur rôle. « Nous accueillons l’enfant dans sa globalité, nous sommes donc autant dans l’accompagnement du jeune enfant que de ses parents, reprend Véronique Jacquet. Dans l’encadrement pédagogique des équipes, nous sommes les garants de la qualité des pratiques professionnels auprès de l’enfant. »
Des travailleurs sociaux qui interviennent dans tous les lieux d’accueil du petit : relais d’assistance maternelle, hôpital, ludothèques, foyers de l’enfance, centres d’action médico-sociale précoce (Camsp) ou encore haltes-garderies et crèches – leurs principaux employeurs. Selon une étude de la Drees, on comptait 18 200 EJE en 2011, dont 14 200 dans les établissements d’accueil de jeunes enfants (EAJE) [1]. Des structures qui ont longtemps été publiques jusqu’à leur libéralisation à partir de 2004. « Les créations de crèches dans le secteur public se restreignent alors qu'elles se développent énormément dans le lucratif, avec pour certaines des tarifications libres qui ne sont plus du tout accessibles aux familles modestes », déplore la Fneje.
Du terrain au management
Traditionnellement, « l’éducateur reste toujours au contact des enfants sauf lorsqu’il est en position de direction de structures », rappelle Véronique Jacquet. Une étude de l’Insee, datée de 2012, réalisée dans les EAJE (essentiellement dans les structures de 20 places ou moins), montrait que 28 % des professionnels étaient responsables d’établissement, 20 % étaient adjoints ou dans l’encadrement d’un groupe de professionnels et 46 % étaient employés directement dans l’éducation de jeunes enfants ou avaient des responsabilités pédagogiques.
En fonction des conventions collectives, ils sont rémunérés entre 1600 euros en début de carrière à un peu plus de 3000 euros brut à la fin. Après trois années d’expérience professionnelle, les EJE peuvent prendre la direction d’une structure d’accueil de 40 places maximum, d’un jardin d’enfants, et, avec la certification de niveau II, occuper des postes de directeur, d'adjoint ou de responsable technique.
Par ailleurs, la réingénieurie du diplôme, et le passage au grade licence, s’il permet une poursuite des études vers un master, crée aujourd’hui quelques inquiétudes. « On craint que les recrutements d’EJE soient moindres parce qu’ils coûteront plus cher, explique Véronique Jacquet. Nous ne voudrions pas non plus basculer automatiquement sur des postes d’encadrement hiérarchique en raison de notre coût ! Nous souhaitons conserver notre travail de terrain. »
[1] Un demi-poste minimum d’EJE y est obligatoire dès lors que leur capacité d’accueil dépasse 24 places.
Flore Mabilleau
Point de vue
Matthieu Menguy, éducateur de jeunes enfants, micro-crèche Microscop, à Monnières (Loire-Atlantique)
« Durant ma formation, j’ai appris que les éducateurs de jeunes enfants étaient des "praticiens réflexifs" : nous travaillons au contact des enfants, des collègues et des parents, mais nous avons appris à prendre de la distance avec ce qui se passe afin d’être en capacité d’analyser les actions du quotidien et d’ajuster notre positionnement professionnel. Ce recul, je parviens à le prendre en lisant énormément, grâce à une veille éducative sur l'actualité dans le monde de la petite enfance. Dans la pratique, je suis tous les jours avec les enfants, comme mes deux collègues : je change les couches, je m'occupe des endormissements, certains jours je suis en cuisine, etc. Je tiens à garder cet ancrage terrain car j’ai choisi ce métier avant tout pour être auprès des enfants et des parents. Mais je suis aussi le gérant de la micro-crèche et donc, une journée par semaine, je ne fais quasiment que de l’administratif. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 173 - mars 2019