Christine Petit et Nawal Rahoua, coordinatrices à l’association Odyssée
Passée de l'autre côté de la barrière, Aurélie Lévêque, coordinatrice au sein de la plateforme territoriale d’appui (PTA) Santé Landes, l'assure : « Si j'avais pu bénéficier de l'intervention d'une PTA alors que j'exerçais comme infirmière en libéral, mon quotidien professionnel m'aurait certainement semblé moins lourd. À domicile, on peut découvrir des situations à la fois d'urgence et complexes et, en outre, extrêmement chronophages ». Aujourd'hui, Aurélie Lévêque est l'une des huit coordinatrices que les professionnels de la santé et du social, les patients et les aidants qui vivent dans les Landes peuvent contacter par téléphone pour un renseignement (premier niveau d'information) ou pour inscrire la personne dans un parcours (second niveau), afin de fluidifier et d'améliorer sa prise en charge.
Une expérience du domicile
Créées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé [1], récemment confirmées par le plan national Ma santé 2022 [2], les PTA sont financées par les agences régionales de santé (ARS). Leur objectif est de favoriser le maintien à domicile et de limiter les hospitalisations ou les visites répétées aux urgences des patients identifiés comme des cas complexes, où la pathologie (maladie chronique, psychiatrique, dégénérative…) peut être aggravée par la précarité et l'isolement. Ces plateformes, qui ne couvrent pas encore l'ensemble du territoire, ont été fabriquées de toutes pièces ou viennent prendre la suite d'un réseau de santé préexistant. Leurs équipes regroupent du personnel administratif, des médecins et des coordinateurs (ou plutôt des coordinatrices, la profession étant majoritairement féminine), en général infirmiers ou travailleurs sociaux de formation.
En l'absence de cursus spécifique, les coordinateurs sont recrutés sur leur expérience de l'intervention à domicile qui doit leur permettre d'analyser au plus juste une situation. « À la PTA Santé Landes, nous avons choisi de former des binômes infirmier/travailleur social, les deux approches étant nécessaires », précise Suzy Pouilloux, cheffe de service. Selon elle, les qualités requises à ce poste sont « l'esprit de synthèse, une très bonne expression orale comme écrite et une écoute de qualité auprès de patients qui traversent une situation de crise ».
Une fonction gratifiante
Si les coordinatrices de Santé Landes travaillent uniquement via le téléphone, les professionnelles de l'association Odyssée, à Épône (Yvelines), qui gère une PTA intervenant dans les Yvelines et le Val d'Oise, se déplacent à domicile alors que les médecins de l'équipe assurent un accueil téléphonique sept jours sur sept. « Une fois que l'on est saisi d'un cas, on contacte le médecin traitant s'il n'est pas à l'origine de la demande. On se déplace pour analyser la situation et pour déterminer quels intervenants sont déjà mobilisés, qui manquent… Nous ne sommes pas nous-mêmes la ressource : à nous de les trouver, un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou le centre communal d'action sociale (CCAS) », explique Christine Petit. « En tant qu'infirmières expérimentées, nous savons quelles sont les étapes à venir pour le patient, nous pouvons anticiper », ajoute sa collègue Nawal Rahoua. Toutes deux remarquent qu'elles sont de plus en plus contactées par les services sociaux des communes qui « ne savent pas comment gérer des cas associant maladie psychiatrique et grande précarité sociale ». De son côté, Corine Gervais, coordinatrice au sein de la PTA du Cotentin (Manche), signale un nouveau public, les enfants touchés par les troubles de l'apprentissage, pour lesquels les familles ont du mal à trouver des solutions du côté des centres médico-psychologiques (CMP) débordés.
Les coordinatrices interrogées sont unanimes pour parler d'une fonction « très gratifiante ». Et pour cause : « De par notre mission, nous sommes autant appréciées par les professionnels, demandeurs d'une intervention, que par les patients », remarque Christine Petit. Même si cet accompagnement des patients peut être court, les professionnelles témoignent de « relations profondes ».
[1] Et du décret n° 2016-919 du 4 juillet 2016 relatif aux fonctions d'appui aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes.
[2] Plan présenté le 18 septembre 2018.
Sophie Le Gall
Point de vue
Dr Antoine Leveneur, président de l'Union régionale des médecins libéraux (URML) de Normandie
« Avec l'intervention de la PTA, les médecins généralistes et spécialistes, confrontés à toujours plus de cas complexes, gagnent en efficacité. Auparavant, nous perdions un temps fou car les différents acteurs nécessaires du social et du médico-social n'étaient pas identifiés. La PTA vient faire le lien entre ce secteur et le sanitaire. Souvent, si je demande une hospitalisation, c'est parce que la situation sociale le nécessite. Par exemple, une dame âgée diabétique qui vit seule et ne fait plus ses courses. Ce double regard sanitaire et social est indispensable. À l'URML de Normandie (5 000 médecins libéraux), nous avons activement participé à la création de plusieurs PTA dans la région dès 2014, sous une forme expérimentale. Maintenant, nous espérons la mise en place d'un diplôme universitaire (DU) pour leurs coordinateurs. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 176 - juin 2019