Lolita Perez,représentante de la Fehap à la CPC
Agents de service hospitalier, hôtelier, logistique, hébergement… Ces professionnels sont tous concernés par le nouveau titre professionnel d’agent de service médico-social (ASMS), créé [1] par l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), après validation de la commission professionnelle consultative (CPC) Cohésion sociale et santé.
Un vivier de compétences
Son histoire remonte à 2003, raconte Lolita Perez, représentant la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap) à la CPC. « Nous avions un bataillon de femmes qui travaillaient dans des institutions sans aucun diplôme. Beaucoup étaient en situation sociale précaire, parfois avec de l’analphabétisme : les concours des écoles leur étaient fermés », poursuit celle qui est aussi responsable de l’organisme de formation Format Différence. Aujourd’hui encore, les personnes chargées de l’entretien des établissements et services sont essentiellement des femmes, peu ou pas diplômées. « À l’époque, on m’avait répondu : il n’y a pas besoin de diplôme pour passer la serpillère » regrette-t-elle. Le tournant ? La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, centrée sur le parcours métier. Il devient admis qu’il est « dommage d’avoir là un vivier de compétences et de connaissances des structures, composé de salariés qui ne peuvent pas évoluer du fait de n’être pas diplômés », explique Lolita Perez.
Éviter le glissement de tâches
Selon une note de l’Afpa présentée à la CPC, la qualification d’ASMS est déterminante « pour donner un cadre permettant d’éviter le basculement des tâches vers le soin et pour garantir la bientraitance, le respect des normes de qualité et de prévention des risques infectieux ». L’argumentaire rappelle le faible taux d’encadrement dans certaines institutions, en particulier les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et analyse le « glissement des tâches en cascade : de l’infirmier vers l’aide-soignant, du soignant vers l’agent de service ». Après avoir passé au crible les offres d’emploi pour agents de service dans les secteurs du handicap et des personnes âgées, l’Afpa relève que des fonctions d’accompagnement, induisant des aptitudes relationnelles, sont « régulièrement » attendues.
Grâce au référentiel du titre, l’Afpa compte mieux définir les principales compétences à acquérir : « réaliser le nettoyage et le bionettoyage »,« contribuer aux prestations du service hôtelier » et « accompagner le résident dans les gestes de la vie quotidienne en tenant compte du projet d’accompagnement personnalisé ».
À noter. Le titre est classé au niveau 3 dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), pour cinq ans, à compter du 5 octobre 2020.
Faire évoluer ses salariés
Du côté des employeurs, « c’est un enjeu majeur de pouvoir garder un salarié formé aux valeurs de la structure afin qu'il puisse évoluer », assure l’Afpa. « Cela met en avant une éthique managériale fondée sur l’envie de faire grandir les gens en interne », souligne Lolita Perez. En outre, cela contribue à « fidéliser les personnes et à éviter l’absentéisme chronique et le turn-over qui coûtent très cher sur ces métiers » ajoute-t-elle.
Devenir ASMS pourra se faire soit par une formation initiale pour apprendre le métier, soit via la formation continue. Il s’agit d’instaurer un premier socle pour « envisager une carrière professionnelle ouverte » vers des postes d’assistant de vie aux familles, de gouvernante ou d’aide-soignant, estime l’Agence. « Le fait que ce diplôme existe va permettre que ces métiers soient mieux reconnus. Aujourd’hui, les professionnelles qui les exercent sont transparentes », appuie Lolita Perez. L’idée est de rehausser l’attractivité du poste, en particulier auprès des jeunes. Il n’y aura cependant aucune incidence sur les salaires, en dehors d’une meilleure prise en compte de l’ancienneté.
[1] Arrêté du 10 juillet 2020
Maïa Courtois
Point de vue
Jacques Serpette, directeur général de l’association gestionnaire Adapei de l'Eure
« La tendance est à la réduction des embauches d’agents de service en interne. Dans les foyers d’hébergement pour adultes handicapés, on s’oriente vers des logements inclusifs pour développer l’autonomie des personnes : l’entretien du lieu est réalisé par celles-ci ou avec un éducateur. Dans les établissements, on sous-traite à des prestataires, qui n’accompagneront sans doute pas vers ce nouveau titre… Cela dit, nous pouvons avoir des difficultés à recruter, et ce titre va permettre au personnel de service d'accéder à des compétences indispensables à l’accompagnement des publics et va les sensibiliser à la mission de l’établissement, qui n’est pas toujours bien comprise. Et pour les professionnels en poste, il facilitera l'accès à la formation. Leur mission est essentielle. Avec cette nouvelle formation, cela devient encore plus intéressant en termes de ressources humaines, de projet d’établissement. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 191 - novembre 2020