À la croisée du pédiatre et du neurologue, le neuropédiatre est un des chaînon essentiel du diagnostic et du traitement des maladies du système nerveux de l’enfant et de l’adolescent, à l’instar des épilepsies, des maladies inflammatoires, métaboliques, neuromusculaires, génétiques ou encore des troubles du spectre de l’autisme (TSA) et des déficiences intellectuelles. Avant tout pédiatre, il complète son doctorat avec des compétences spécifiques en neuro-sciences.
Dans le champ médico-social, il a souvent un profil axé sur le neuro-développement. Charge à lui d’évaluer celui des enfants en cas de retard de langage, de marche ou de troubles de la sensorialité par exemple. « L’enjeu, c’est d’être en mesure de discerner une croissance “normale”, qui prend un peu plus de temps que prévu, d’un développement qui doit nous alerter parce que potentiellement signe d’une pathologie plus grave, expose Sandrine Lanco-Dosen, neuropédiatre au centre d’action médico-sociale précoce (Camsp) Le petit navire d’Aulnoye-Aymeries, à Maubeuge (Nord). Pour se faire, nous nous appuyons sur notre connaissance du fonctionnement neurologique et moteur de l’enfant. »
Un chef d’orchestre
Outre son rôle majeur dans l’évaluation médicale, le neuro-pédiatre oriente les recherches
étiologiques et organise la prise en charge et le suivi thérapeutique, scolaire, psychologique et rééducatif des jeunes patients.
Une mission qui le conduit à interagir constamment avec un réseau de professionnels experts en imagerie, génétique, médecine de rééducation fonctionnelle, pédopsychiatrie, orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité, éducation, etc. Face à la complexité de certaines pathologies, la réponse pluridisciplinaire est en effet son meilleur atout. À lui, en fin connaisseur des différentes approches, de coordonner tous ces acteurs afin de proposer un projet de soins adapté à chaque enfant. « Il faut qu’il y ait un chef d’orchestre pour mettre l’ensemble des professionnels en musique, quelqu’un qui soit capable d’arbitrer ou de prioriser, abonde Vincent des Portes, chef du service de neuropédiatrie à l’hôpital Femme-Mère-Enfant, à Lyon. Et il est fréquent que ce rôle de coordonnateur de parcours revienne au neuropédiatre. »
Observation et adaptation
Particularité de la fonction : elle est assurée quasi exclusivement par le service hospitalier. En cause, la nécessité de pouvoir disposer d’un plateau technique et d’urgences ouvertes 24 heures sur 24 réservées aux cas aigus. Ainsi, parmi les quelque 500 neuropédiatres en France, seule une poignée d’entre eux exerce en libéral ou en structure médico-sociale (essentiellement Camsp et institut médico-éducatif – IME), bien que leur approche spécialisée soit particulièrement précieuse dans le secteur du handicap.
« À chacune de mes permanences, des points sont réalisés pour permettre aux équipes infirmière et soignante de poser toutes leurs questions sur les événements qui se sont écoulés les derniers jours, déroule Alexa Garros qui fait chaque semaine la navette entre l’IME Les Violettes, à Villars-de-Lans (Isère) et le service d’exploration fonctionnelle du système nerveux du CHU de Grenoble. Ce rituel est essentiel pour rassurer les professionnels et leur donner quelques conseils afin d’aborder sereinement la prise en charge en mon absence. De mon côté, j’en profite pour observer les enfants dans leur milieu de vie, et ajuster, si besoin, les traitements. Un luxe impossible à l’hôpital où les consultations sont plus minutées. »
Multitâches
Très sollicité par les professionnels, le neuropédiatre l’est aussi par les parents, toujours plus nombreux à avoir besoin d’une explication face aux difficultés de leur enfant. « Nous sommes sur plusieurs fronts à la fois, reconnaît Alexa Garros. Mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt de cette spécialité. » Un intérêt décuplé par les bonds réalisés par la génétique ces dix dernières années. « Si cela exige, de notre part, de la curiosité intellectuelle et de la persévérance, assure Sandrine Lanco-Dosen. Cela nous permet d’améliorer de façon conséquente l’accompagnement de ces enfants, et d’accroître, de ce fait, nos connaissances en neurosciences. »
Carol Eyben
Point de vue
Julie Perrier, neuropédiatre dans un cabinet de pédiatrie, à Nantes
« Au cabinet, j’alterne entre les consultations de pédiatrie et celles de neuropédiatrie, tout en gardant un pied à l’hôpital, faute de remplaçant. Si je poursuis une activité de pédiatre généraliste, c’est parce qu’elle me permet de suivre des enfants qui vont bien. Or, en neuropédiatrie, la plupart des patients ne vont pas bien ; ce qui est loin d’être facile à gérer psychologiquement. Outre le fait de pouvoir guérir certains troubles, j’aime l’idée de pouvoir accompagner les jeunes sur le long terme. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 187 - juin 2020