Les pouponnières à caractère social accueillent des enfants de moins de trois ans confiés par l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou le juge des enfants. En 2017, il y avait 94 pouponnières sur le territoire national. Si un tiers sont des structures privées, majoritairement associatives, elles sont généralement gérées par une collectivité, et souvent rattachées à un foyer de l’enfance. Au centre départemental de l’enfance et de la famille (CDEF) de Launaguet (Haute-Garonne), la directrice, Chantal Girard, supervise ainsi aussi la pouponnière, et Marie-Claude Saumade, cadre socio-éducatif, en assure la gestion au quotidien. Selon le Code de l’action sociale et des familles (CASF), la direction doit être assurée par un médecin ou une puéricultrice dotée d’au moins cinq ans d’expérience et âgée de 25 à 65 ans. « Si le profil d’infirmière puéricultrice est le plus courant. Cette fonction peut être remplie par des cadres socio-éducatifs montés en grade », précise Valérie Quesne, directrice de la pouponnière Boucicaut, gérée par le centre communal d’action sociale (CCAS) de Roubaix (Nord).
Partage des pratiques
Les missions d’une responsable de pouponnière (car il s’agit en effet majoritairement de femmes…) sont partout similaires. « Au premier chef, il nous revient d’assurer l’accueil et l’accompagnement des enfants, en veillant au repérage et à la satisfaction de leurs besoins, détaille Marie-Claude Saumade. Tout en garantissant le maintien des relations avec les familles, comme le prévoit la législation. » Pour ce faire, la directrice est à la tête d’une équipe pluridisciplinaire : auxiliaires de puériculture, puéricultrices, éducateurs de jeunes enfants, pédiatre, psychologue, services généraux… « Nous organisons aussi des formations complémentaires, notamment de prise en charge de ces publics spécifiques, aux fortes problématiques sociales et psychomotrices », note Chantal Girard. La fonction implique aussi un suivi resserré de réunions, en particulier de partage des pratiques, en vue du soutien des équipes, sous l’égide d’un psychologue.
Relais d’équipe
S’y ajoute l’animation d’un intense travail en réseau, avec l’ensemble des partenaires du territoire intervenant autour de l’accueil des enfants : protection maternelle et infantile (PMI), hôpital, maternités (pour les naissances sous X), brigade des mineurs, services d’action éducative en milieu ouvert (Aemo), de pédopsychiatrie, assistantes sociales, instituts médico-éducatifs… La responsable est également amenée à assister aux audiences de placement et à superviser les relations avec les centres maternels, les familles d’accueil ou les centres de placements à domicile. Sans oublier les partenaires éducatifs : bibliothèques, médiateurs culturels, école pour les plus de trois ans…
Ce relais d’équipe est également l’une des clés en cas d’impasse face à un enfant en difficulté, dans une optique de prévention de la maltraitance institutionnelle. Car le quotidien est souvent épuisant. Les astreintes s’enchaînent, du fait de l’obligation d’accueillir un petit, parfois en urgence, de jour comme de nuit. Elle est parfois alourdie par la nécessité de gérer, en direct, certaines familles agressives.
Force psychologique
La frustration et l’impuissance sont parfois au rendez-vous. « Nous nous heurtons aux limites de la collectivité pour combler les besoins de ces enfants et travailler suffisamment sur la défaillance parentale », regrette Valérie Quesne. Mais les sources de satisfaction ne manquent pas dans ce secteur riche de sens et d’utilité sociale. « Nous voyons des bébés, arrivés très renfrognés, dans leur bulle, ou ne marchant pas à 15-18 mois, faire des progrès très rapides », sourit Marie-Claude Saumade. Pour Valérie Quesne, si elle exige une vraie force psychologique, la fonction revêt une dynamique passionnante : « Elle nécessite de se réinterroger sans cesse sur ses postures professionnelles afin de continuer à améliorer l’accueil de ces tout-petits, via notamment le développement de solutions alternatives comme des accueils de jour. »
Catherine Piraud-Rouet
Point de vue
Jean-Yves Ruetsch, chef du service Aide sociale à l’enfance (ASE) du Haut-Rhin
« Le cadre d’exercice des responsables de pouponnières sociales s’est complexifié. Sur notre département, l’activité est en augmentation de presque 10 % en un an avec un nombre de signalements et de mineurs confiés, notamment de très jeunes enfants. Les situations familiales sont aussi de plus en plus hétérogènes et lourdes, avec des parents (parfois mineurs) atteints de problématiques psychiatriques ou toxicologiques se greffant sur de grandes difficultés sociales. De plus en plus de tout-petits confiés à l’ASE sont victimes de violences ou de graves carences éducatives, avec des problématiques de santé et/ou en défaut de soin mettant parfois leur vie en jeu. Il nous arrive aussi trois fois plus d’enfants handicapés qu’il y a six ans, présentant en particulier des troubles du spectre autistique (TSA). »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 189 - septembre 2020