Bernard Guillemin (Direct Transition)
Le manager – ou directeur – de transition est un intervenant externe qui prend temporairement les rênes d’une structure confrontée à une mauvaise passe ou amenée à conduire un changement. Née aux États-Unis et aux Pays-Bas dans les années 1970, la fonction a émergé en France dix ans plus tard. Si l’industrie et les services constituent son champ d’activité initial, elle est en plein essor dans le médico-social.
Une solide expérience
Le métier est souvent le fait d’anciens directeurs généraux et cadres du secteur, dotés d’une solide expérience. « On occupe rarement cette fonction avant 50 ans », pointe Bernard Guillemin, 62 ans, salarié depuis 2010 au sein du cabinet Direct Transition, à Paris, après une carrière comme directeur dans le champ de l’éducation populaire. Compte tenu de la complexité des situations à gérer, leur profil est souvent surdimensionné par rapport au poste.
Le manager de transition peut exercer comme salarié d’un cabinet spécialisé, d’une société d’intérim de haut niveau ou d’une entreprise de travail à temps partagé, sous CDD dans la structure utilisatrice (exceptionnellement) ou encore en tant que consultant indépendant. « Il est généralement rémunéré comme un directeur permanent dans la structure, avec un coup de pouce tarifaire selon l’intensité et l’enjeu des missions », précise Martine Pin, directrice du pôle Sanitaire, Médico-social, Économie sociale et solidaire (ESS) au sein de la société MCG Managers, à Lyon.
Diversité des missions
Ses tâches peuvent être de diverses natures : suppléer à la vacance d’une fonction, gérer une crise juridique, administrative, financière ou sociale ou encore faire évoluer une organisation ou un service, à la faveur d’un mouvement de restructuration (montée en puissance des sièges sociaux, fusion, groupement de coopération…). « Ma feuille de route pour ma mission en cours ? Construire une équipe de direction mature, développer une communication claire et apprendre aux professionnels à collaborer, en redonnant du sens et du cadre à leurs métiers », précise Catherine Philippe, 59 ans, manageuse de transition depuis 2018 chez MCG Managers.
La tâche de ce profil débute par plusieurs semaines d’analyse approfondie de la situation, en consultant la gouvernance, ainsi que l’ensemble des personnels et des partenaires. S’ensuit la signature d’une convention dans laquelle l'intervenant liste les dysfonctionnements relevés et établit préconisations et calendrier d’action. En moyenne, les missions durent de trois à huit mois, avec des prolongations possibles jusqu’à un an ou deux.
Humilité, réactivité et écoute
Pour mener à bien ces challenges, ce professionnel doit cumuler différentes compétences et qualités. D’abord, l’expertise technique en matière juridique, technique et financière attendue d’un cadre de haut niveau. Mais les soft skills (compétences comportementales) sont également essentielles. « L’humilité est la qualité numéro un, estime Bernard Guillemin. Nous devons éviter d’arriver en pays conquis et savoir nous retirer quand on a fait le job. » Adaptation et réactivité sont de mise. « Dès le début, vous devez montrer que vous êtes opérationnel et que vous savez manager. On ne vous laisse pas le temps de prendre vos marques », ajoute Catherine Philippe. Autres qualités indispensables : l’écoute, l’empathie et un certain charisme, associés à une vraie pugnacité. La clé pour pouvoir emmener les différents acteurs dans ses choix stratégiques et redonner confiance à des équipes souvent en situation de conflit ou de souffrance.
Polyvalence et puissance de travail
Homme ou femme-orchestre, le manager de transition doit toucher à tout. « Il m’est même arrivé de devoir régler un problème de plomberie ! », se souvient Catherine Philippe. Ce grand écart se retrouve aussi dans le positionnement, bienveillant mais distancé, à adopter à l’endroit des équipes. Dernier impératif ? Ne pas compter ses heures. « Nous pouvons avoir deux ou trois missions en parallèle, tout en étant directeur de chacune à 100 %, joignable à tout moment », note Bernard Guillemin. Le tout, sans « s’emmêler les pinceaux » et en assurant une confidentialité totale sur chaque mission.
Catherine Piraud-Rouet
Avis d’expert
Martine Pin, directrice du pôle Sanitaire, Médico-social, ESS au sein de MCG Managers, à (Lyon
« Selon une étude Xerfi pour France Transition de juin 2020, le marché du management de transition (tous secteurs confondus) pesait environ 440 millions d'euros de chiffre d’affaires en 2019. Le secteur est en croissance soutenue sur les trois dernières années (+13,6 % par an). Sur la santé et le médico-social, l’activité est en vrai développement ces cinq dernières années. Recourir à un manager de transition apporte de la souplesse, de la rapidité d’intervention et correspond aux enjeux actuels du champ, qui doit évoluer de façon sensible. La pandémie de Covid-19 concourt encore à cette accélération de la transformation des organisations, pour mieux se prémunir contre la crise. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 193 - janvier 2021