Mireille Prestini, directrice générale de la Fédération des aveugles et amblyopes de France © Denis Boulay
Dans le champ du handicap visuel, deux profils complémentaires agissaient jusqu’alors en faveur de l’autonomie des personnes non ou malvoyantes : d’un côté, l’instructeur en autonomie dans la vie journalière (ou AVJiste), dont la mission se concentre sur l’acquisition ou la réappropriation des actes de la vie quotidienne (savoir faire la cuisine, trier ses vêtements, s’habiller, reconnaître les pièces de monnaie…) ; de l’autre, l’instructeur de locomotion, chargé de transmettre des techniques pour se déplacer de façon autonome et en toute sécurité (savoir se repérer dans l’espace, prendre les transports en commun, utiliser une canne blanche…). « Ces deux formations viennent d’être regroupées à la demande de l’État », explique Mireille Prestini, directrice générale de la Fédération des aveugles et amblyopes de France, pour l’heure le seul organisme à dispenser la nouvelle formation d’instructeur pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles [1].
Un titre de niveau V
Titre de niveau V, le certificat d’instructeur pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles est accessible aux ergothérapeutes, psychomotriciens, kinésithérapeutes, infirmiers, éducateurs spécialisés, orthoptistes, titulaires d’un certificat d’aptitude à l’enseignement général des aveugles et des déficients visuels (CAEGADV), d’une licence Staps Activité physique adaptée (APA) ou d’une licence Staps Éducation et motricité (EM). Il peut être aussi obtenu par la voie de la validation de l’expérience (VAE).
La formation comprend 870 heures d’enseignement théorique et pratique, ainsi que 12 semaines de stage. « Nous avons beaucoup insisté pour que l’enseignement pratique conserve une large part : il représente environ deux tiers de la formation. Et malgré le contexte épidémique, nous n’abandonnons pas les mises en situation », précise Mireille Prestini. « Le but est qu’à l’issue de la formation, les personnes soient 100 % opérationnelles », ajoute Alexia Bailly, instructrice de locomotion et formatrice.
Exerçant dans les établissements de santé et les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), ces professionnels interviennent aussi bien auprès d’un public enfants qu’adultes. « Sa première mission est d’évaluer l’autonomie des personnes, explique Bénédicte Tenneson, responsable du service formation à la Fédération des aveugles et amblyopes de France. Il est chargé de les aider à développer leurs sens tels que l’audition, la vision fonctionnelle, le toucher haptique, podotactile ou instrumental (avec la canne). Il existe différentes techniques qui permettent d’utiliser ces sens pour compenser la perte visuelle et se les approprier dans la vie quotidienne. »
Plus de polyvalence
À la clé, ces experts de l’accompagnement des personnes non ou mal voyantes gagneront en polyvalence, ce qui intéresse les recruteurs : « Les instructeurs de locomotion et les AVjistes sont des profils très recherchés. On a beaucoup de mal pour trouver des professionnels diplômés et qualifiés », témoigne Marie-Louise Pagnucco, directrice de l’association Fidev, à Lyon. Ce nouveau titre présente aussi un intérêt pour les personnes déficientes visuelles. Le fait d’avoir un seul professionnel chargé de l’autonomie dans son ensemble devrait permettre, selon Marie-Louise Pagnucco, d’avoir « un regard moins parcellaire » au profit d’« une vision plus globale des besoins des personnes ».
[1] La première session a débuté en décembre 2020.
Aurélie Vion
Point de vue
Isabelle Duluc, instructrice en autonomie dans la vie journalière pour les personnes déficientes visuelles en Essonne
« Je suis AVJiste depuis huit ans, je travaille actuellement à 80 % en institut médico-éducatif (IME) et 20 % en service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). J’ai débuté la formation pour obtenir le titre d’instructeur pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles pour plusieurs raisons : d’abord, parce que je ressens le besoin d’apprendre en permanence, cela s’inscrit dans la continuité de mon parcours professionnel auprès de ces personnes. Aussi, parce que je suis convaincue que cela va me permettre d’avoir plus de cohérence dans l’accompagnement que j’assure. En tant qu’AVJiste, j’interviens sur tous les lieux de vie, que ce soit au domicile, au travail ou à l’école. À l’IME, je collabore avec une collègue instructrice en locomotion. Il existe de nombreuses situations, comme les courses par exemple, qui se situent à l’interface de nos deux spécialités. Avoir un seul interlocuteur est bénéfique tant pour les usagers que pour l’instructeur, car cela permet d’avoir une vision globale dans l’accompagnement. »
Références
Décret n° 2020-1065 du 17 août 2020 et arrêté du 15 octobre 2020
Publié dans le magazine Direction[s] N° 194 - février 2021