Un mauvais chaussage, des frottements douloureux, un ongle incarné, des déformations menaçant l'équilibre… L'intervention d'un pédicure-podologue peut vite s’avérer nécessaire. Un besoin qui s'accélère avec le vieillissement ou le handicap. Raison pour laquelle, dans le secteur social et médico-social, la plupart des Ehpad ou des structures réservées à l'hébergement de personnes en situation de handicap font appel aux services de ces professionnels pour soulager les pieds des résidents.
« Avec l'âge, les déformations des pieds et les troubles statiques ont tendance à s'accentuer, de même que les douleurs et les fragilités. Nous avons également un rôle important à jouer dans la prévention du pied diabétique, explique Cécile Blanchet-Richardot, ex-pédicure-podologue reconvertie en cadre de santé à la Fondation Roguet, à Clichy (Hauts-de-Seine). À nous de pratiquer les soins nécessaires et de mettre en œuvre les traitements des affections épidermiques et unguéales (cors, mycoses, crevasses, ongles incarnés…). » Au-delà, seul le podologue peut confectionner et appliquer des appareillages orthopédiques (semelles, orthoplasties en cas de déformations d'orteils, orthèses unguéales) pour les personnes de tout âge qui souffrent de malformations.
Un exercice mixte
Rares sont les pédicures-podologues exclusivement salariés (1,13 % des quelque 14 000 professionnels [1]) et presque aussi peu, environ 2 %, à cumuler exercice libéral et salarié. En cause, la nécessité de disposer d'un plateau technique pour façonner les prothèses orthopédiques. « Dans nos cabinets, nous sommes tenus d'avoir une pièce indépendante, appelé atelier ou laboratoire, pour la confection des appareillages. Autant de matériels qui, couplés à nos outils de mesure (podoscope, plateforme podométrique), sont difficilement transportables », observe Karine Poirier, professionnelle qui, pour appareiller les patients suivis en foyer, les fait venir à son cabinet à Troyes.
Côté planning, les interventions dans les structures vont d'une à plusieurs demi-journées par mois. Delphine Grange Pelazza se rend ainsi, en alternance avec son associée, au rythme de deux demi-journées dans chacun des trois Ehpad avec lesquels elle a signé une convention. Son emploi du temps est prévu plusieurs mois à l'avance et ses visites, attendues de « pied ferme ». « Lorsque j'arrive sur site, l'infirmière coordinatrice me dresse la liste des patients qui ont besoin de soins. J'ai également accès à leurs antécédents via le logiciel de transmission, à travers lequel tout ce qu'il est utile de signaler au médecin de la structure peut l'être. Un vrai plus pour favoriser le travail d'équipe », décrit la spécialiste, qui consulte aussi dans son cabinet à Saint-Paulien (Haute-Loire).
Une relation de confiance
Un travail d'équipe que Karine Poirier estime, elle aussi, nécessaire pour une meilleure prise en charge globale des résidents. « J'entretiens un vrai partenariat avec l'équipe infirmière et éducative du foyer dans lequel j'interviens. Ils connaissent l'étendue de mes missions et n'hésitent pas à me demander conseil entre les rendez-vous. Preuve que nos échanges sont fondés sur une relation de confiance. » Avec ses patients, la confiance est reine. « Il faut aussi beaucoup d'empathie et de l'écoute. On peut faire un excellent travail technique mais si, à côté, on n'écoute pas le patient, la tâche n'est pas complète. »
[1] Chiffres publiés par l'Ordre national des pédicures-podologues, 31 décembre 2020.
Carol Eyben
Point de vue
Cécile Blanchet-Richardot, ex-pédicure-podologue, cadre de santé à la Fondation Roguet, à Clichy (Hauts-de-Seine)
« J'ai fait mes armes en intervenant régulièrement dans un établissement de gériatrie proche de mon cabinet. Après 15 ans d'exercice mixte, j'ai été recrutée à plein temps. Lors de ma prise de fonction, tout était à construire, tant au niveau de l'équipement que des interactions avec les autres professionnels. Au fil du temps, la direction a investi dans du matériel spécifique et du mobilier de soin plus adapté à la gériatrie. Depuis la création de l'Ordre national des pédicures-podologues en 2006, le regard porté sur notre profession a beaucoup évolué, et nos compétences sont mieux reconnues. En structures, infirmière, psychomotricien, kinésithérapeute, médecin sont des alliés précieux. La démarche collective ne coule pourtant pas de source. C'est aussi au pédicure-podologue de s'intégrer aux équipes soignantes. J'ai pris le temps de le faire, et j'ai porté la reconnaissance de ce métier. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 198 - juin 2021