C'est un métier qui est né, en France, avec le premier Plan Alzheimer (2008-2012), et qui est aujourd'hui en pleine évolution. Le gestionnaire de cas – dénomination issue de l'anglais case manager – est chargé de coordonner les soins et d'accompagner des personnes de plus de 60 ans « en situation complexe », c'est-à-dire cumulant plusieurs difficultés (problèmes de santé, perte d'autonomie, absence d'aidants), mais souhaitant se maintenir à domicile. Un expert qui, en dix ans d'existence, a fait sa place dans le paysage sanitaire et médico-social français. « Les professionnels nous identifient et n'hésitent pas à se reposer sur nous », observe Estelle Rames, gestionnaire de cas depuis 2012 à Paris.
Présent dans les 352 dispositifs Maia (pour méthode d'action pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie) maillant le territoire, les gestionnaires de cas sont sollicités dès lors qu'une personne âgée est fragilisée à son domicile en raison « de problèmes médicaux, d'une perte d'autonomie fonctionnelle, décisionnelle, d'aides et de soins insuffisants, et de l'absence de personnes dans son entourage en mesure de coordonner des soins ou des interventions à domicile, résume Estelle Rames, assistante sociale de formation. Nous accompagnons souvent des personnes dans le refus, isolées, ou qui ont un entourage problématique – maltraitant, par exemple – ou défaillant ». Et ce, jusqu'à leur décès ou leur entrée dans un établissement.
Les gestionnaires de cas sont aussi chargés, selon les territoires, de faire remonter les dysfonctionnements des parcours de santé à leur pilote afin d'améliorer le système. Issus de différents métiers (travailleurs sociaux, infirmiers, ergothérapeutes, psychologues…), ces professionnels de la coordination doivent être titulaires d'un diplôme interuniversitaire de gestion de cas [1], des formations créées à partir de 2009 et qui ont essaimé… avant de changer de nom, voire de fermer. Car les gestionnaires de cas sont aujourd'hui dans le flou quant à leur avenir.
De nombreuses démissions
La loi de 2019 sur l'organisation et la transformation du système de santé a engagé le déploiement des dispositifs d'appui à la coordination (DAC) des parcours complexes rassemblant les professionnels des Maia, des réseaux de santé, des plateformes territoriales d'appui et des coordinations territoriales d'appui. Des fusions qui ont déjà entraîné la démission d'un certain nombre de gestionnaires de cas, tandis que d'autres se sont vu attribuer la dénomination de « coordinateurs de parcours ». « Dans certains endroits, ces derniers ont pris la place des gestionnaires de cas et exercent le même métier ; dans d'autres, ils se déplacent très peu à domicile et travaillent beaucoup par téléphone », regrette le professeur Dominique Somme, gériatre à l'origine des premières formations.
« Certaines structures vont conserver les missions et même le nom de gestionnaires de cas, d'autres non, en fonction de l'organisation et des choix faits par les directeurs des DAC, détaille Gérard Mick, président de la Fédération nationale des dispositifs de ressources et d'appui à la coordination des parcours de santé (Facs). Dans quelques équipes, le métier en tant que tel va disparaître ou évoluer vers une autre fonction, celle de référent de parcours complexes. » Dont le nouveau référentiel d'activités et de compétences vient d'être finalisé.
Beaucoup de professionnels craignent de devoir intervenir auprès d'un public plus large que celui des personnes âgées – leur domaine d'expertise –, mais aussi de devoir accompagner un plus grand nombre de personnes. « Or, il n'est pas possible de proposer un accompagnement renforcé et intensif avec plus de 30 situations en file active », conclut Estelle Rames.
[1] Lire Cahier Formation Direction[s] n° 164, p. 85
Flore Mabilleau
Point de vue
Tiphanie Chaput, pilote du dispositif Maia de l'agglomération clermontoise
« Nos cinq gestionnaires de cas accompagnent environ 150 personnes en perte d'autonomie décisionnelle et d'entourage. Elles effectuent une analyse globale et approfondie de chaque situation en se centrant sur les besoins des usagers, mais aussi leur entourage et les professionnels qui les suivent, jusqu'à leur décès ou à leur entrée en établissement. L'objectif est de fluidifier et de coordonner les parcours afin de maintenir le plus longtemps et dans les meilleures conditions possibles une personne à son domicile. Les gestionnaires de cas doivent résoudre de nombreux problèmes et ont donc besoin d'avoir des connaissances aussi bien dans les domaines sanitaires et sociaux que juridiques. Elles doivent faire preuve d'une grande capacité d'adaptation et de diplomatie car elles interagissent avec de nombreux acteurs du sanitaire, du social ou du médico-social, qui ont des visions parfois très différentes d'une même situation. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 201 - octobre 2021