Comme nombre de ses confrères, Clément Lavie, 38 ans, aujourd’hui responsable comptable du groupement des associations Gapas, a commencé sa carrière dans le privé. D’abord au sein d’un cabinet d’audit durant quatre ans, puis dans le secteur mutualiste pendant six ans. Lors de sa prise de poste dans le champ médico-social, en janvier 2021, il dit avoir dû apprendre « sur le tas » un certain nombre des spécificités du plan comptable comme la division entre gestion contrôlée et libre et d’autres particularités. « On connaît à l’avance la dotation financière que l’on atteindra à la fin de l’année, à la différence des chiffres d’affaires du privé », illustre-t-il.
Lui intervient au siège, secondé par deux collaborateurs qu’il encadre. Mais d’autres comptables exercent leurs fonctions au sein des établissements. Le Gapas, par exemple, en compte 18. Sans lien hiérarchique avec Clément Lavie mais son équipe doit les accompagner dans la tenue de leurs comptes. En établissement, la part de facturation est importante. Tandis qu’au sein des directions générales, le contrôle et le suivi budgétaires, de même que le reporting aux financeurs, prennent le pas.
Une nécessaire acculturation
En dépit de la richesse du métier, de l’avis de tous, les recrutements s’avèrent complexes actuellement. La faute aux rémunérations, faibles, et qui occasionnent parfois d’importants turn-over. Pour y remédier, Nathalie Le Maire, directrice générale de l'association Esperem, s’intéresse de plus en plus à l’alternance.
Une opportunité aussi pour accueillir des professionnels rapidement acculturés aux spécificités du secteur… et aux savoir-être attendus. À commencer par la rigueur, unanimement invoquée. « Pour moi, la double casquette comptabilité et contrôle de gestion est indispensable », complète Clément Lavie. Quant à Claude Pedro, directeur financier et comptable d’Emmaüs solidarité, il attend aussi un fort esprit d’équipe et de la souplesse, en particulier pour aider au mieux les établissements, chacun selon sa situation et ses besoins. Finalement, résume Blandine Farinotte, directrice financière de l’association L’Essor, « nous recherchons des profils bien plus polyvalents que dans le privé. Ils aident les directeurs dans leur gestion. Ce qui requiert une capacité d’analyse des situations. »
Un impact immédiat
Et offre une part d’autonomie de décision. Car le comptable peut arbitrer entre des enveloppes lorsqu’il convient de rééquilibrer des budgets. Tout en restant dans le cadre fixé par les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Établir des contacts réguliers avec les financeurs compte aussi parmi les tâches à accomplir. Tout ça dans un secteur où, bien souvent, les professionnels peuvent percevoir « l’impact immédiat » de leurs choix, estime Clément Lavie, qui a accepté de perdre une partie de salaire et des avantages sociaux en quittant le secteur privé pour trouver plus de valeur à son travail. « Nous ne sommes pas là pour compter des carottes. Tout notre travail a du sens par rapport au service des usagers », abonde Veronica Gil, directrice administrative du département Hébergement et Logement d’insertion à Esperem. « Voilà pourquoi, se félicite Blandine Farinotte, si on peine certes à trouver des personnes avec un profil aussi polyvalent, lorsqu’on les a recrutées, elles restent : parce qu’on leur offre un travail intéressant. »
Sophie Massieu
« Des formations très pratiques »
Responsable de l’offre de services à l’union régionale Uriopss Île-de-France, Amor Ayouni observe depuis deux ans, en matière de comptabilité, que la proportion de deux tiers de formations collectives inter établissement (en chute) et un tiers de formations spécifiques à une structure (désormais privilégiées) s’est inversée. « On attend de nous des formations très pratiques pour que les personnes soient immédiatement opérationnelles. » Autre évolution qui lui semble liée : la difficulté des recrutements et le turn-over. Enfin, il note que désormais, les directeurs financiers ou comptables viennent plus fréquemment de l’extérieur qu’ils ne sont choisis parmi les professionnels de l'organisation dans le cadre d’une évolution de carrière. « Il faut donc leur apporter la culture de gestion, qui diffère de celle du privé. » Dès lors, l’Uriopss délivre davantage de formations continues de trois à cinq jours sur les spécificités du secteur. Quant aux apprenants issus du sérail, ils cherchent à monter en compétences sur les outils comme les CPOM.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 214 - décembre 2022