Aider le magistrat à prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant. Tel est le rôle dévolu aux enquêteurs sociaux, désignés, dans la très grande majorité des cas, par le juge aux affaires familiales (JAF) dans le cadre de procédures de divorce ou de séparations conflictuelles impliquant la garde des enfants. « Notre travail consiste à faire une photographie du système familial, précise Sabine Van de Wiele, coordinatrice du service d’enquêtes sociales JAF à l’Union départementale des associations familiales (Udaf) du Lot-et-Garonne. Nous cherchons notamment à évaluer la capacité éducative de chacun des parents et le fonctionnement de la famille. »
Une expérience incontournable
Inscrits sur des listes dressées tous les cinq ans dans le ressort de chaque cour d’appel, les enquêteurs sociaux ne possèdent pas de diplôme spécifique. Ils doivent cependant justifier d’une expérience significative dans le domaine social ou psychologique, « en relation avec l'objet des enquêtes sociales » [1]. « Cette fonction est le plus souvent exercée par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés et assistantes sociales notamment) ou des psychologues », souligne Isabelle Metge, présidente de l’Association nationale des enquêteurs sociaux (Andes). En qualité d'indépendants généralement, ou salariés d’une association répertoriée en tant que personne morale. Isabelle Metge avertit cependant : « Figurer sur la liste n’implique pas nécessairement d’être désigné par le magistrat. Celui-ci est toujours libre d’appeler qui il souhaite ». Une réalité qui oblige bien souvent les enquêteurs sociaux à exercer une autre activité en parallèle. Ce, d’autant que « leur rémunération a été divisée par deux en 2009 », rappelle Isabelle Metge (lire l'encadré).
Aidés par des regards extérieurs
S’ils disposent d’une grande liberté pour mener leur mission, les enquêteurs sociaux sont tenus, depuis 2011, par certaines obligations [2]. Ils doivent notamment rencontrer les parents à deux reprises, dont une fois à leur domicile afin d’analyser les conditions d’accueil des enfants. Ils doivent également s’entretenir avec chacun de ces derniers, ainsi qu’avec des tiers en lien avec eux (école, services sociaux ou médico-sociaux, PMI…). « Il est essentiel de solliciter des regards extérieurs, souvent plus objectifs, pour nous permettre de rester vigilants par rapport aux discours des parents », pointe Sabine Van de Wiele. La parole du père et de la mère demeure cependant le principal outil des enquêteurs. Et plusieurs points doivent être abordés avec eux : la composition de la famille, le parcours de chacun, les problématiques rencontrées, la prise en charge des enfants, les éléments financiers en lien avec la famille, leurs projets… « L’enquête sociale est souvent une occasion pour les parents de pouvoir s’exprimer, observe Sabine Van de Wiele. C’est un moment d’échange important. »
À l’issue de l’enquête, qui dure entre trois et cinq mois, un rapport retraçant l’ensemble des démarches effectuées et des informations recueillies, et formulant des propositions, doit être rédigé et envoyé aux parties, aux avocats et au juge. « Je détaille tout et m’attache à être très factuel dans le rapport, car j’ai toujours en tête que les enfants pourront avoir accès à cet écrit, remarque Isabelle Metge. C’est pour eux un témoignage précieux d’une partie de leur vie familiale. »
[1] Décret n° 2009-285 du 12 mars 2009
[2] Décret n° 2011-54 et arrêté du 13 janvier 2011
Élise Brissaud
La rémunération de la discorde
Jusqu’à un arrêté de 2009 (modifié en 2011), les honoraires des enquêteurs sociaux étaient fixés librement par le juge aux affaires familiales. Ceux-ci variaient entre 750 et 1 000 euros, auxquels s'ajoutaient une indemnité pour la rédaction du rapport, le remboursement des frais de déplacement, de copies, d’envois, d’appels téléphoniques, etc. Désormais, un tarif unique est appliqué. Les enquêtes sont rémunérées à hauteur de 600 euros pour les personnes physiques et 700 euros pour les personnes morales. Sans compter une indemnité kilométrique, revue également à la baisse en 2009. Cette perte de revenus est régulièrement dénoncée par l’Association nationale des enquêteurs sociaux (Andes) auprès de la Chancellerie. Sans succès pour l’instant. « Une enquête sociale nécessite entre 30 et 40 heures de travail, ce qui revient pour les professionnels à être payés juste en dessous du Smic, déplore Isabelle Metge, sa présidente. Il y a donc un décalage important entre les missions des professionnels, leur compétence et expertise et la rémunération à laquelle ils peuvent prétendre. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 207 - avril 2022