L’infirmier hygiéniste organise, coordonne et met en œuvre les actions relatives à l’hygiène et à la prévention des infections dans les établissements de santé et dans les structures médico-sociales. La fonction est née dans les années 1980, mais la législation ne l’impose encore que dans les structures sanitaires [1]. « Pour le médico-social, seules celles rattachées à un établissement de soin, à commencer par les Ehpad, ont accès à cette expertise, précise Marie-Christine Arbogast, infirmière hygiéniste au Centre hospitalier de Fains-Véel (Meuse) et secrétaire générale de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). En dehors de cela, des équipes mobiles d’hygiène (EMH) sont déployées en fonction des stratégies des agences régionales de santé (ARS). »
Ce professionnel occupe un rôle transversal d’expert et de conseil. « Nous examinons protocoles et autres documents, notamment le document d’analyse du risque infectieux (Dari) et dispensons des recommandations, témoigne Pascale Chaize, cadre infirmière hygiéniste officiant au sein d’une équipe mobile intervenant dans plusieurs Ehpad reliée au centre hospitalier de Montpellier et vice-présidente de la SF2H. Nous répondons aussi aux problématiques spécifiques de l’établissement : risque de légionnelle, conseils en matière de travaux… ».
En interaction avec toutes les parties prenantes
Comme leurs collègues du secteur sanitaire, Pascale Chaize et Marie-Christine Arbogast supervisent la surveillance épidémiologique et la maîtrise des bactéries résistantes aux antibiotiques, pilotent la désinfection des locaux et l’achat de matériels, conseillent sur la politique d’hygiène, argumentent pour la vaccination des personnels et des usagers… Elles sont impliquées dans les actions de formation et de sensibilisation des professionnels et consultées en matière de construction et d’aménagement des locaux. « Un travail de rigueur, mais aussi de communication et de pédagogie, en interaction avec l’ensemble des parties prenantes (soignants, personnels des services hôteliers, techniques, direction…) », pointe Marie-Christine Arbogast.
Lorsqu’un problème est détecté, l’infirmier hygiéniste collecte les données relatives à celui-ci et détermine des solutions adaptées. Il est participe aussi à la gestion des alertes, en faisant remonter les signalements à l’ARS ou au Centre d'appui pour la prévention des infections associées aux soins (Cpias) de sa région. Enfin, il intervient dans la conduite d’études et d’évaluations des pratiques.
La crise sanitaire a mis en avant leurs compétences et le manque de ces professionnels, notamment dans le champ du handicap. « Pourtant, contrairement à d’autres types d’infirmiers experts, il n’existe pas de statut spécifique de ceux-ci », déplore Pascale Chaize. C’est un simple infirmier qui s’est spécialisé (généralement après cinq ans a minima d’expérience), via l’obtention d’un diplôme universitaire. Avec, à la clé, une grille salariale inchangée.
Un statut et un déploiement à améliorer
En mars 2021, le ministère de la Santé a confié à la SF2H une saisine dont la première partie a été remise fin novembre. « Nous y préconisons de déployer les EMH sur tout le territoire, à raison d’un infirmier hygiéniste pour 1 500 lits d’Ehpad, et de leur accorder un financement pérenne », explique-t-elle. Objectif : permettre aux structures d’affronter les enjeux sanitaires d’aujourd’hui et de demain avec de meilleures armes.
[1] Présence obligatoire d’un comité de lutte contre les infections nosocomiales (ClinN) et d’équipes opérationnelles d'hygiène (EOH), composées d’infirmiers et de praticiens spécialistes de la prévention et du contrôle de l’infection.
Catherine Piraud-Rouet
Point de vue
Claire Poujoulat, directrice de l’Ehpad Via Domitia, à Castelnau-le-Lez (Hérault)
« L’infirmière hygiéniste est un partenaire indispensable au bon fonctionnement de notre établissement. Elle nous apporte une expertise sur les nouvelles réglementations en matière d’hygiène, ainsi qu’un recul sur nos pratiques. Lors de la révision du Dari, elle a pointé la nécessité de revoir le contrat de maintenance pour les fontaines à eau, en prévention du risque de légionelle. Elle a été d’une aide précieuse au cœur de la crise sanitaire : sur les protocoles à mettre en place pour entrer et sortir d’une chambre, les équipements, la mise en place d’un secteur Covid pour cause de cluster, le nombre maximum de personnes dans une pièce au vu de l’aération et de l’architecture… Elle vient régulièrement auditer, puis propose protocoles et achat de matériels. Qui plus est, en tant que tiers extérieur et expert, lors des sessions de formation, elle facilite le passage des messages auprès des équipes, par exemple sur la question des bijoux ou du vernis à ongles. »
En savoir plus
« Référentiel métier et compétence », SF2H, avril 2018.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 206 - mars 2022