Morgane Dor, chargée de mission qualité à l’ASBL 44
Comme beaucoup, Tiphaine Lacaze, directrice qualité au Samu social de Paris, a commencé à exercer ses fonctions à la suite d’une création de poste. C’était il y a quatre ans. Elle était seule. Aujourd’hui, ils sont quatre : une gestionnaire des risques des usagers, un chargé de la participation des personnes et une assurant la responsabilité sociale des organisations (RSO) la secondent. « La qualité, ce ne sont pas seulement des repères partagés et consensuels, précise-t-elle. C’est un outillage et une méthode qui visent à améliorer l'accompagnement des usagers. »
Des acteurs devenus stratégiques
Pas de superposition avec les seules bonnes pratiques, donc, mais pas non plus de cantonnement de la qualité au contrôle et à l’audit : « Ce que nous avons mis en avant sur la fiche de poste de nos responsables qualité, abonde Alexis Hubert, directeur adjoint du développement et de l’offre de services à APF France handicap, c’est la contribution à une démarche d’amélioration continue. » Acteurs donc devenus stratégiques, ces professionnels occupent une place de plus en plus reconnue au sein des structures médico-sociales et gagnent progressivement le secteur social.
Bien sûr, une part de leurs fonctions consiste toujours à veiller à l’application de règles et de procédures, et surtout à les décrypter. Cible du moment : le nouveau référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de santé (HAS). « Nous devons traduire des textes pas toujours adaptés à nos pratiques », précise Claudie Pailleret, juriste de formation, directrice qualité de l'association Aurore depuis 15 ans.
Mais elle et ses confrères doivent surtout à la fois exercer une fonction transversale, de support, souvent directement rattachée à la direction générale, et rester connectés au travail opérationnel. « C’est un subtil équilibre, résume Tiphaine Lacaze, entre les réalités de terrain et la nécessité d’avancer en se fixant des objectifs, entre l’immédiateté et le temps long. » Tout ça sans disposer de lien hiérarchique avec les directeurs de structures et avec un seul but : l’amélioration du service rendu aux personnes accompagnées.
Pas de profil type
Pour y parvenir au mieux, diverses compétences sont sollicitées. Rigueur et organisation, reconnaît Chrystel Devaux, responsable qualité et gestion des risques en Auvergne-Rhône-Alpes pour APF France handicap, et qui accompagne six directeurs pour un total de 18 autorisations réparties sur huit lieux différents. Mais selon elle, il convient surtout de déployer des qualités humaines : « La bienveillance, l’empathie, le dynamisme, l’optimisme, l’adaptabilité ». Alexis Hubert y ajoute « la réactivité face à l’imprévu, la capacité à définir des priorités, l’aisance relationnelle… »
Rien d’étonnant donc à ce qu’il n’y ait pas de profil type, ni de voie royale en matière de formation. Des professionnels du secteur choisissent de se lancer dans l’exercice de telles missions. D’autres, qualiticiens, viennent de l’extérieur, de l’industrie surtout. « Je me perçois comme un chef d’orchestre, indique Morgane Dor, chargée de mission qualité à l'Association Saint-Benoît-Labre en Loire-Atlantique (ASBL 44) depuis décembre 2019. Je travaille à mettre de la cohérence sur le fond, le calendrier, la dynamique globale de l’amélioration continue. Pour que jamais les tableaux à remplir ne prennent le pas sur le sens. »
Et pour que la qualité gagne toutes les sphères de la décision. « Cela marche quand on n’en parle plus, quand le mode de fonctionnement et de management intègre la qualité de vie au travail des professionnels et le pouvoir d’agir des personnes », conclut Alexis Hubert.
Sophie Massieu
Avis d'expert
Marie Aboussa, directrice du pôle Offre sociale et médico-sociale de l’organisation patronale Nexem
« Ces dernières années, cette fonction se développe. Il ne s’agit pas seulement de respecter des obligations législatives et réglementaires. Mais de concevoir des outils au service de la qualité de l’accompagnement des personnes et du fonctionnement des structures. Cela fait partie de la professionnalisation des fonctions supports. À l’image des missions, les profils eux aussi évoluent. L’arrivée de personnes du secteur privé, industriel en particulier, permet de mixer les expertises et les expériences. Rédaction de procédures, gestion de projets, animation de réunions… leur technicité est utile. Et à leurs côtés interviennent des professionnels du secteur, soutenus par la formation continue. Pour les années à venir, deux principaux enjeux apparaissent. Pour les structures, il convient d’ancrer des dynamiques d’amélioration continue et d’intégrer les enjeux de responsabilité sociale des organisations (RSO). Les financeurs, quant à eux, doivent reconnaître que ce métier est en lien avec l’accompagnement des personnes et donc le budgéter. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 210 - juillet 2022