Mathieu Brachet, responsable des achats chez Hovia
Un « facilitateur », pas un « cost killer ». Voilà, selon Mathieu Brachet, ce que recherchait Hovia, lors de son recrutement il y a un peu plus de deux ans, pour une création de poste de responsable des achats. Présente dans quatre régions, l’association compte 1 300 salariés pour 60 établissements : « L’idée est qu’ils disposent de contrats référencés et puissent s’adresser à un fournisseur sélectionné en amont, précise le professionnel, devenu acheteur après une reconversion en 2014. Une façon de leur faire gagner du temps, et de constituer une force de frappe plus importante dans les négociations. » « La hausse des coûts de l’énergie a rappelé l’importance de signer des contrats cadres », abonde Aurélie Dognon, responsable nationale des achats auprès d'APF France handicap. Autrement dit, en période d’inflation, cette fonction acquiert un rôle plus stratégique encore, renforcé par la volonté qui s’accentue de réaliser des achats responsables (lire l’encadré).
Les achats se professionnalisent
Dès lors, la fonction se professionnalise. « Nous sommes beaucoup plus attendus qu’avant la crise du Covid, qui a démontré notre utilité », observe Laëtitia Bansard, responsable nationale des achats à la Croix-Rouge française depuis deux ans. Dotée d’une équipe solide de dix personnes et trois apprentis, elle fait figure d’exception, les responsables achats restant encore souvent assez isolés, tout juste dotés d’un assistant ou d’un alternant. Mais comme plusieurs de ses confrères, elle note toutefois que les services achats demeurent peu « matures » dans le médico-social. Elle en veut pour preuve leur rattachement le plus souvent aux directeurs financiers, plutôt qu’aux directeurs généraux. Jules Habib, responsable des achats au sein de l’association de Seine-et-Marne Arile, qui compte 400 salariés, est même pour sa part sous la responsabilité du directeur technique. « Il va falloir inculquer une culture des achats », appuie Rokia Koné, acheteuse nationale tout juste recrutée par l’Association des cités du Secours catholique. Une création de poste et celle qui s’est reconvertie, à 30 ans, en 2014 dans les achats après une carrière commerciale (un parcours somme toute classique), a commencé par établir sa feuille de route et identifier les postes possibles d’économie.
Réduire les coûts… pas à n’importe quel prix
Une des missions premières des acheteurs tient en effet à la baisse des coûts. Mais pas n’importe comment. En commençant par l’écoute du besoin des clients internes que sont les établissements et services. En sort un cahier des charges, proposé en appel d’offres. Les résultats sont étudiés par les professionnels des achats, qui ne prennent pas la décision finale. Ils veillent aux prix mais aussi à la qualité de service, et, quand l’inflation diminue leurs marges de manœuvre, du fait par exemple de l’augmentation des coûts des matières premières, ils peuvent négocier sur d’autres points des contrats, comme les délais de livraison, ou le montant des franchises des assurances, illustrent respectivement Jules Habib et Mathieu Brachet.
Des partenariats avec les fournisseurs
Dès lors, tous les professionnels s’accordent sur les qualités requises : l’écoute, la pédagogie, la curiosité, l’agilité, tant le nombre de produits et services est vaste. Et bien sûr la probité, pour que les choix demeurent objectifs. Le défaut rédhibitoire ? Se montrer abrupt pour réaliser des « coups » contre les fournisseurs, plutôt que nouer des partenariats avec eux.
Ces relations durables, aux dires des professionnels, garantissent une meilleure qualité de vie aux personnes accompagnées : « C’est pour le résident que je travaille, confie Aurélie Dognon. Et pour lui que je fais attention au moindre détail comme, dans un contrat de restauration, la possibilité de lui proposer des gâteaux d’anniversaire. »
Sophie Massieu
La charte RFAR des bonnes pratiques
Signée le 5 décembre 2022 à Bercy par APF France handicap, la Croix-Rouge, le groupe SOS et Vyv, la charte "Relations fournisseurs et Achats responsables" (RFAR) vise à créer des partenariats en lieu et place de seules relations clients-fournisseurs. « Jadis mal nécessaire, les achats sont devenus une fonction stratégique », se réjouit Serge Widawski, directeur général d’APF France handicap. Négocier des contrats cadres, conseiller les structures pour les orienter vers des achats responsables, référencer les prestataires et opérer benchmark et veille, voilà, selon lui, les principales missions assignées à ces professionnels. Avant de conclure : « Cette charte nous oblige. » Et d’indiquer vouloir franchir la marche suivante : décrocher la labellisation, jusque-là obtenue par une infime proportion des signataires de la charte.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 217 - mars 2023