Au grand dam des organisations du secteur.
Après quatre jours de discussion, le projet de loi de prévention de la délinquance a été adopté en première lecture par le Sénat (1). Quelques ajouts à noter. Le texte prévoit la participation de travailleurs sociaux dans les commissariats afin d'exercer des missions de prévention à destination de «publics en détresse». Autre nouveauté: la création d'un fonds de financement de prévention de la délinquance. «Mais par qui sera-t-il financé? Par redéploiement de crédits ou par mesures spécifiques?» interroge Karine Métayer, de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux.
Secret partagé
L'article 5 sur le partage du secret professionnel institue désormais l'information conjointe du maire et du président du conseil général. Ce, lorsqu'un professionnel «constate que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives et matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire».
«On pourrait comprendre que les sénateurs aient voulu restreindre la portée de l'obligation de transmission, mais le terme “aggravation” peut être interprété très largement», déplore Karine Métayer. L'Association nationale des assistants de service social estime que le texte «institue toujours une levée du secret professionnel sans que ni l'accord ni l'intérêt de la personne soient pris en compte», tout en ajoutant «un risque de confusion, de multiplication des procédures». Quant au coordonnateur, toujours désigné par le maire, «après l'accord de l'autorité dont il relève», il pourra également être désigné comme tuteur aux prestations familiales par le juge des enfants, sur proposition du Conseil des droits et devoirs des familles.
Alors que l'ensemble des associations demandaient le retrait des dispositions modifiant l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, celles-ci figurent toujours dans le texte. Validée, notamment, la présentation immédiate aux fins de jugements. Maigre consolation: le maintien de la condition selon laquelle les investigations de personnalité doivent dater de moins d'un an, au lieu des 18 mois prévus dans le projet. Les associations pointent du doigt un glissement de la justice des mineurs vers le droit commun. Selon Roland Ceccotti-Ricci, cosecrétaire national du SNPES-PJJ/FSU, syndicat de professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, «ces mesures ne laissent pas le temps nécessaire à l'action éducative ni à l'évolution de la personnalité du mineur». «On crée de nouvelles mesures, sans évaluation préalable, et alors que l'administration a déjà des dettes envers les associations!» s'exclame Patrick Martin, du Groupement national des directeurs généraux.
Le texte pourrait être examiné par les députés vers la mi-novembre. Quid de l'articulation avec la réforme de la protection de l'enfance, déjà adoptée en première lecture par la même chambre en juin, et qui, pour l'heure, n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale? C'est bien ce qui inquiète le secteur.
(1) Lire Direction(s), n˚33, p. 8, 20 et 21.
Noémie Gilliotte