trois des paris du chef de l'Etat se retrouvent symboliquement parmi les ministres qui vont s'emparer des dossiers sociaux.
Deux femmes (Justice et Logement), un haut fonctionnaire classé à gauche, à qui échoit un haut-commissariat aux Solidarités actives, fonction inédite, créée sur mesure pour ce dernier, dans une architecture gouvernementale très resserrée. Au grand dam des associations et fédérations des secteurs de la gérontologie et du handicap, qui ont réagi vivement à l'absence de ministère(s) dédié(s). Et ont immédiatement frappé au carreau de Matignon pour que le secteur soit représenté à l'issue des élections législatives.
Feuilles de route
Quant à la vie associative qui soucie l'Uniopss et la Conférence permanente des coordinations associatives, elle se retrouve « naturellement » dans le portefeuille de la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, dont le cumul des attributions est, là aussi, inédit. Déjà sommée d'entamer une grande mission de concertation sur l'hôpital public, cette dernière risque en effet de négliger un chantier jugé, somme toute, périphérique. Pas de vague avec les dossiers sociaux classiques confiés à Xavier Bertrand, qui a déjà fait ses preuves. Plus risquée en revanche, parce qu'inexpérimentée, mais futée par le symbole qu'elle représente, la nomination de Rachida Dati au ministère de la Justice exigera de celle-ci une détermination sans faille pour travailler en direct avec l'Elysée et faire adopter cet été les projets emblématiques qui secouent déjà l'univers de la magistrature et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Fer de lance de « la droite humaine », credo de son blog, Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, saura-elle rassurer? Très impliquée dans la lutte contre l'exclusion, elle revendique une « sensibilité sociale » au sein de la droite. Il va lui falloir creuser les fondations du droit au logement opposable pour proposer très vite un deuxième texte de loi.
La fonction publique sera, elle aussi, dans le collimateur conjoint du Président, de Matignon et de Bercy. L'homme des comptes de la nation, Eric Woerth, aura tous les leviers en mains pour gérer réduction des dépenses et coupes sombres dans les effectifs. En bonne intelligence avec Jean-Louis Borloo - ce qui ne sera pas forcément simple - lequel a obtenu de Nicolas Sarkozy ce que Jacques Chirac lui avait refusé: réconcilier l'économie et l'emploi avec un ministère dans lequel il veut insuffler, dit-il, un esprit nouveau. Son Social Business Act - un plan Marshall pour l'emploi dans les banlieues -, qu'il avait négocié avant les élections avec le futur hôte de l'Elysée, devrait très vite occuper le terrain.
D.L. avec N.G. et M.L.
Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
Roselyne Bachelot-Narquin Cette docteure en pharmacie trouvera-t-elle le remède pour maîtriser la croissance des dépenses d'assurance-maladie? Avec le ministre du Budget, Roselyne Bachelot-Narquin devra faire les comptes (d'apothicaire?). Ce sera là l'un de ses chantiers prioritaires, avec la réforme de l'hôpital promise par Nicolas Sarkozy. Santé publique, organisation du système de soins... Elle devra aussi s'occuper du sport et de la vie associative. Un maroquin ministériel à l'assemblage inédit pour celle qui fut ministre de l'Ecologie et du Développement durable de 2002 à 2004, connue pour son franc-parler. Mais aussi pour ses engagements pour le droit des femmes, les questions de santé, de protection sociale ou encore de handicap. Elle fut d'ailleurs de 1995 à 1998, présidente du Conseil national des personnes handicapées.
Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité
Xavier Bertrand De l'avenue de Ségur à la rue de Grenelle il n'y a, semble-t-il, qu'un pas. Ministre sortant de la Santé et des Solidarités, Xavier Bertrand, qui fut l'un des porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, déménage et hérite sur le chemin d'un super-portefeuille. A lui, à la fois le Travail, les Relations sociales et la Solidarité. En plus de la politique en matière de droit du travail, reste donc dans son giron celles en faveur de l'enfance, des personnes âgées, handicapées et de la famille. Secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie de 2004 à 2005, il sera, à 42 ans, l'homme des réformes sociales du gouvernement Fillon. Il aura à mener des dossiers sensibles comme le contrat de travail unique, la réforme des retraites et des régimes spéciaux ou encore le service minimum dans les transports.
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
Jean-Louis Borloo. Atteindre le plein-emploi avant la fin du quinquennat. C'est l'un des objectifs de Jean-Louis Borloo. Rejoignant Bercy où il exercera des responsabilités en matière économique et financière, il garde sous sa coupe l'emploi et la formation professionnelle. Sans conteste, une promotion pour le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement de l'ancien gouvernement Villepin.
Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique
Eric Woerth. Il est le deuxième homme de Bercy. L'argentier de l'UMP, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat de 2004 à 2005, reste dans son domaine. Et tiendra dorénavant les cordons de la bourse nationale. En plus des comptes de l'Etat, il hérite de ceux de la Sécurité sociale. Parmi les chantiers à mener: la réduction des effectifs de fonctionnaires par le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Ministre de la Justice, garde des Sceaux
Rachida Dati Fille d'immigrés maghrébins, deuxième d'une fratrie de douze enfants, Rachida Dati, 41 ans, affiche sans conteste le profil le plus atypique du nouveau gouvernement. Cette diplômée de l'Ecole nationale de la magistrature, sans passé politique, a rejoint l'entourage de Nicolas Sarkozy en 2002, comme conseillère technique - chargée à partir de 2005 du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Avant d'être promue porte-parole du candidat UMP pendant la campagne électorale. Longtemps donnée favorite pour le ministère de l'Immigration, Rachida Dati devient donc finalement garde des Sceaux. Elle exercera à la tête de ce ministère ses premières responsabilités politiques. Un défi de taille, au regard des dossiers épineux qui l'attendent, au premier rang desquels l'instauration de peines planchers, en cas de récidive, et l'abaissement de la majorité pénale.
Ministre du Logement et de la Ville
Christine Boutin Bien connue du public pour son offensive contre le Pacte civil de solidarité (Pacs), Christine Boutin, 63 ans, l'est moins pour sa fibre sociale. La présidente du Forum des républicains sociaux, députée UMP des Yvelines, et candidate à la présidentielle en 2002, a pourtant milité pour l'amélioration des conditions de détention, le principe d'un revenu minimum d'existence et celui du droit au logement. L'application effective de la loi instituant un droit au logement opposable devrait précisément constituer l'un des chantiers prioritaires de la nouvelle ministre, qui hérite, outre de la politique du logement et de la ville, de la lutte contre la précarité et l'exclusion. Egalement sur sa feuille de route: le suivi du plan de rénovation urbaine dans les banlieues et la construction de logements sociaux.
Haut Commissariat aux Solidarités Actives contre la pauvreté
Martin Hirsch. L'ex-président d'Emmaüs France est, avec Bernard Kouchner dont il a été le directeur de cabinet, l'une des deux personnalités de gauche intégrées au gouvernement. Gratifié d'une fonction inédite, censée lui garantir un positionnement non partisan, cet énarque de 43 ans devrait s'attacher à faire aboutir, dès que possible, son projet de revenu de solidarité active, déjà expérimenté dans plusieurs départements.
Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement
Brice Hortefeux. Sarkozyste de la première heure, Brice Hortefeux, 49 ans, hérite d'un portefeuille hautement polémique. Son ministère, créé ex-nihilo, centralisera l'ensemble des compétences relatives à l'immigration, dont la promotion de la fameuse « identité nationale ». Ses dossiers prioritaires: la lutte contre l'immigration clandestine, et la mise en œuvre d'une « immigration choisie », chère au Président.