Rénovation du compte personnel de formation (CPF), réforme de l’apprentissage… Les 66 articles du projet de loi dit « Pénicaud » devaient être examinés à l’Assemblée nationale à partir du 29 mai. D’ores et déjà, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) réclament des ajustements afin de prendre en compte leurs spécificités, comme celles de leurs publics.
Principale inquiétude des employeurs ? La mise en place d’ici à 2024 de la contribution unique regroupant la taxe apprentissage et celle pour la formation professionnelle. Et dont le secteur non lucratif devra s’acquitter… au risque de mettre en péril les finances des associations, dénoncent le Mouvement associatif, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et l’Union des employeurs de l’ESS (Udes). Cette dernière demande notamment que les organisations soient exonérées, à l’instar des professions libérales.
Quid de la coconstruction des formations ?
Parmi d’autres critiques, l’Udes juge également que le CPF comptabilisé en euros et accessible directement par le salarié via une application numérique pourrait fragiliser la coconstruction de la formation avec l’employeur. « Les personnes les moins qualifiées qui n’ont pas l’appétence pour aller chercher des formations risquent en effet d’être écartées », explique Sébastien Darrigrand, le délégué général.
Par ailleurs, pour compenser la suppression de la période de professionnalisation [1], très répandue dans l’ESS, l’Union propose d’ouvrir les contrats de professionnalisation aux salariés en CDI. En outre, elle réclame, avec les employeurs de l’insertion par l’activité économique (IAE) comme le Synesi, l’expérimentation d’un « contrat de professionnalisation – inclusion » accessible aux demandeurs d’emploi peu qualifiés, ce sans condition d’âge. De son côté, le réseau Chantier école espère que l’éligibilité des actions de formation des salariés en insertion au financement de l’alternance sera inscrite dans le texte.
Haro sur les contrats courts
Enfin, le texte ouvre la possibilité de moduler les contributions patronales à l’assurance chômage en fonction du nombre de fins de contrat (à l’exclusion des démissions). Rappelant que le recours aux CDD de remplacement et d’usage permet d’assurer la continuité des services dans le champ social et médico-social, l’Udes souhaite que ces contrats ne soient pas pris en compte dans ce dispositif de bonus-malus.
[1] Qui permet à des salariés en poste de suivre une formation longue débouchant sur une qualification.
Noémie Colomb
Des mesures « handicap » à compléter
Le projet de loi « Pénicaud » entend privilégier l’emploi direct des personnes handicapées. Outre la simplification de la déclaration obligatoire DOETH (dont la transmission se fera via la déclaration sociale nominative – DSN – dès 2020), le taux d’emploi de 6 % sera réévalué tous les cinq ans, en référence à la part des bénéficiaires de l’OETH dans la population active. Le gouvernement souhaite aussi simplifier le dispositif en matière de sous-traitance aux établissements et services d’aide par le travail (Esat) et aux entreprises adaptées (EA), sans que ces mesures n’aient d’impact sur les commandes auprès de ces structures. Le volet « handicap » du texte doit encore être enrichi des conclusions de la concertation lancée en février avec les partenaires sociaux et les associations notamment sur la révision de l’offre de service en faveur des personnes handicapées. Pour l’heure, le projet de loi « ne propose aucune mesure spécifique nouvelle », dénonce le CNCPH dans un avis du 16 avril. « Les montants du CPF sont insuffisants pour répondre à leurs besoins. Ils doivent être majorés pour ce public », précise Dominique Gillot, sa présidente, auteure d’un rapport sur l’accès à l’emploi des personnes handicapées qui, mi-mai, n’avait pas encore été rendu public.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 165 - juin 2018