Sébastien Monetto, avocat associé au cabinet Cornillier avocats© Jean-Luc Bertini
Quels sont les enjeux liés à la monétisation du compte personnel de formation (CPF) ?
Sébastien Monetto. Le CPF rénové, mesure phare de la réforme, permet au salarié d’être maître de ses choix de formation, donc acteur de son employabilité. Ce compte est désormais alimenté à hauteur de 500 euros par an pour un salarié à temps plein dans la limite d’un plafond de 5 000 euros. Pour les personnels les moins qualifiés, cette somme est portée à 800 euros (plafond de 8 000 euros). Avec cette nouvelle donne, l’employeur a intérêt à l'abonder. Même si le salarié reste décisionnaire, c’est une manière de l’inciter à suivre une formation qui correspond aux besoins de l’entreprise. Cet abondement doit faire l’objet d’un accord collectif, qui devient le levier de coconstruction des parcours de formation.
On passe du plan de formation au plan de développement des compétences. Quels impacts ?
S. M. L’employeur a toujours l’obligation d’adapter les salariés à leur poste de travail, d’anticiper les évolutions de l'emploi et de maintenir leur employabilité. Les actions d'adaptation et de développement des compétences sont remplacées par les actions de formations obligatoires conditionnant l'exercice d’un métier et celles non obligatoires. Les modalités de formation sont élargies et peuvent être mixées : hors du temps de travail, à distance ou en situation de travail. Ces simplifications donnent aussi du sens à la notion de coconstruction.
Quelle place alors pour l’entretien professionnel ?
S. M. Il doit permettre à l’employeur d’informer le salarié sur certains de ses droits à la formation (CPF, abondement du CPF et conseil en évolution professionnelle – CEP). Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le défaut d’entretien pendant six ans et d’au moins une action de formation, qui ne conditionne pas l’exercice d’un métier, est d'ailleurs sanctionné par un abondement correctif de 3000 euros sur le CPF.
CPF de transition, dispositif Pro-A, contrat de professionnalisation… Que retenir des nouveaux dispositifs ?
S. M. La principale nouveauté du CPF de transition, qui remplace le congé individuel de formation (CIF), est l’intervention de la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR). À elle de valider les projets des salariés. Mais l’employeur peut toujours différer le congé pour neuf mois dans certains cas.
Le dispositif Pro-A, quant à lui, se substitue aux périodes de professionnalisation afin de faciliter la reconversion par la voie de l'alternance des salariés ayant une qualification inférieure ou égale au niveau licence en CDI.
Enfin, à titre expérimental, un contrat de professionnalisation peut être conclu pour trois ans, notamment en vue d’acquérir des compétences définies par l’employeur et l’opérateur de compétences (Opco). Ce, contrairement à l’ancien contrat qui devait déboucher sur une qualification.
Qu’en est-il de l’apprentissage ?
S. M. Tout est fait pour élargir le recours à ce dispositif. L’âge des bénéficiaires est allongé à 29 ans et les modalités de rémunération sont modifiées (après 26 ans, l’apprenti doit percevoir le Smic). La durée minimale du contrat est réduite à six mois et les conditions de rupture sont facilitées. Les branches doivent définir le coût de ces contrats pour les communiquer aux Opco. Pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), exonérés de la taxe d’apprentissage, les branches pourront définir une contribution conventionnelle et en réserver une partie au financement de l’apprentissage.
À qui seront versées les contributions conventionnelles ?
S. M. Si à partir de 2021 ce sont les Urssaf qui collecteront la contribution légale, l’ordonnance devant fixer l’organisme collecteur des contributions conventionnelles est toujours attendue. Néanmoins, il est certain que les enveloppes volontaires pourront être versées aux Opco. Enfin, ce sera aux branches de définir si une éventuelle contribution conventionnelle pourra servir à financer les plans de développement des compétences des structures de plus de 50 salariés, qui ne sont plus financés par la contribution légale.
Propos recueillis par Noémie Colomb
Principaux textes de la réforme
CPF
Décret n° 2018-1171 du 18 décembre 2018 (abondements)
Décrets n° 2018-1329 et n° 2018-1333 du 28 décembre 2018
Décrets n° 2018-1332 et n° 2018-1339 et arrêté du 28 décembre 2018 (CPF de transition)
Actions de formation/plan de développement des compétences
Décrets n° 2018-1338 (formations éligibles au CPF), n° 2018-1336 (formation pendant le temps de travail), n° 2018-1341 (formation à distance et en situation de travail) et n° 2018-1330 (actions de formation et bilans de compétences) du 28 décembre 2018
Décret n° 2018-1229 du 24 décembre 2018 (formations suivies hors du temps de travail)
CEP
Décret n° 2018-1234 du 24 décembre 2018
Opco
Décret n° 2019-1209 du 21 décembre 2018 (agrément et fonctionnement)
Décret n° 2018-1342 du 28 décembre 2018 (sections financières)
Apprentissage
Décrets n° 2018-1345 (prise en charge des contrats), n° 2018-1348 (aide unique), n° 2018-1347 (rémunérations), n° 2018-1340 (visite médicale) du 28 décembre 2018
Décret n° 2018-1231 du 24 décembre 2018 (rupture du contrat)
Décret n° 2019-1232 du 23 janvier 2019 (compétences des maîtres d'apprentissage dans le secteur public)
Contrat de professionnalisation
Décret n° 2018-1263 et arrêté du 26 décembre 2018
Dispositif Pro-A
Décret n° 2018-1232 du 24 décembre 2018
Contribution
Décret n° 2018-1233 du 24 décembre 2018 (CDD ne donnant pas lieu au versement de la contribution spécifique)
Décret n° 2018-1346 du 28 décembre 2018 (contribution des Esat au financement du CPF)
Et aussi
- Décret n° 2018-1198 du 20 décembre 2018 : expérimentation de l'élargissement des formes d'IAE au travail indépendant
- Décret n° 2018-1256 du 27 décembre 2018 : utilisation en droits à formation professionnelle des points acquis au titre du compte professionnel de prévention (C2P) et droits à formation professionnelle de certaines victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles
- Décret n° 2018-1349 du 28 décembre 2018 : montants des droits acquis au titre du compte d'engagement citoyen (CEC)
Publié dans le magazine Direction[s] N° 172 - février 2019