À quels titres la responsabilité individuelle des directeurs peut-elle être engagée ?
Jean-Yves Delecheneau. La responsabilité personnelle du dirigeant, en tant que personne physique, ne peut être mise en cause que dans des cas limités. Il peut tout d’abord engager sa responsabilité pénale, lorsqu’un accident grave survient et qu’il est démontré qu’il a commis une faute qualifiée. Le cas classique est celui de l’incendie survenant dans un établissement : la directrice d’une structure pour personnes âgées a ainsi été condamnée, avec l’organisme gestionnaire, pour homicide involontaire après l’intoxication de deux résidents en raison d’un cumul de fautes. L’intoxication ayant été causée par le dysfonctionnement des bouches d’extraction des fumées, il lui a été reproché de ne pas avoir vérifié leur état de marche après le passage de l’entreprise de réparation, de ne pas avoir organisé les visites réglementaires de sécurité et de ne pas avoir pris de dispositions pour surveiller le résident à l’origine de l’événement, alors même qu’elle connaissait ses antécédents de pyromane.
Qu’en est-il de leur responsabilité civile personnelle ?
J.-Y. D. Elle peut être concernée d'abord en cas de faute d’une extrême gravité, inexcusable ou séparable de leurs fonctions (dite « détachable du service » dans le secteur public), tels que l’escroquerie ou l’abus de confiance. Seconde possibilité : s'il y a faute de gestion occasionnant des dommages financiers à l'association ou à l'établissement. Enfin, comme le laisse penser une décision de 2018 de la Cour de cassation [1], quand la faute pénale est reconnue par les juges, quand bien même celle-ci serait non intentionnelle.
De telles situations sont-elles fréquentes ?
J.-Y. D. Non, elles sont marginales. Il y a peu de mises en cause, et encore bien moins de condamnations. Pour autant, il est important que les dirigeants soient bien protégés car lorsque leur responsabilité est retenue, les conséquences ne sont pas neutres. D’abord en termes d’image, mais aussi d’un point de vue financier, car les dommages et intérêts qu’ils devront supporter sur leurs deniers personnels peuvent être importants.
Faut-il comprendre que c’est la responsabilité de l’employeur, qu’il soit privé ou public, qui est davantage recherchée ?
J.-Y. D. Comme prévu par la loi, celui-ci est en effet responsable du fait de ses salariés ou de ses agents. Ainsi, dans la grande majorité des cas, les incidents débouchant sur un contentieux (comme la fugue ou la chute d’une personne accueillie, des agressions entre résidents ou envers des visiteurs…) engagent la responsabilité civile, et plus exceptionnellement pénale, de l’organisation en tant que personne morale, mais pas celle de ses dirigeants. Elle est d’ailleurs souvent retenue, car les juges souhaitent indemniser les victimes. C’est pourquoi, dans le secteur médico-social, les contrats d’assurance classiques couvrent ce risque. Mais la Smacl, comme d’autres, propose également aux structures privées des contrats couvrant la responsabilité personnelle de leurs dirigeants. Dans le secteur public, les agents peuvent quant à eux faire jouer leur protection fonctionnelle.
Quels types de garanties prévoient ces contrats ?
J.-Y. D. Le contrat Responsabilité civile de la structure couvre notamment la réparation des dommages, la défense pénale et civile de la personne morale et, souvent, celle des dirigeants, ainsi que les frais d’expertise. Le contrat spécifique à ces derniers a, quant à lui, pour objet principal de prendre en charge les conséquences pécuniaires des erreurs de gestion. Sans compter les dommages en cas de faute pénale non intentionnelle, les frais de défense et de procédure. Il peut également comporter des garanties complémentaires comme la gestion de crise, l'information juridique et l’assistance psychologique. Il ne pourra cependant jamais être mis en œuvre en cas de faute intentionnelle du dirigeant, les contrats d’assurance reposant sur une notion d’accident. De même, ils ne couvriront jamais une amende car celle-ci est personnelle. Enfin, il faut être attentif à l’existence d’une franchise ainsi qu’aux plafonds des garanties, car les condamnations peuvent être lourdes.
[1] Cour de cassation, chambre criminelle, n° 16-83.961, 5 avril 2018
Propos recueillis par Élise Brissaud
Publié dans le magazine Direction[s] N° 200 - septembre 2021