Campagne « Dégooglisons Internet » © Framasoft
Vous connaissez sans doute les logiciels issus de l’univers du Web libre. Les plus utilisés sont la suite bureautique Open Office, le navigateur Firefox ou encore le système d’exploitation Linux. L’esprit qui anime ces communautés de développeurs gagne aujourd’hui les outils Internet. En France, la figure de proue de ce mouvement est Framasoft, association loi 1901 reconnue d’intérêt général, qui a lancé une campagne intitulée « Dégooglisons Internet ». « Avec cette opération, nous souhaitons sensibiliser les publics sur le devenir de leurs données », explique Pierre-Yves Gosset, délégué général. Mais l’association ne se contente pas de dénoncer les risques que font peser Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (les Gafam) sur les informations personnelles, comme professionnelles, que les utilisateurs leur confient. Elle met aussi à disposition depuis son site des applications libres.
Des informations protégées
Parmi les outils qui pourraient le plus intéresser les professionnels du secteur social et médico-social ? En premier lieu, des services collaboratifs similaires à ceux de Google Docs ou Google Sheets. Framapad et Framacalc permettent d’éditer, de calculer, de modifier et de partager des textes et des tableaux de données. Par exemple, plusieurs personnes peuvent saisir en simultané le compte-rendu d’une assemblée générale, puis d’autres le corriger et le mettre en forme. Les outils de Doodle ont aussi leur pendant libre, implémenté sous Framadate, grâce auquel une équipe gère ses rendez-vous ou encore réalise des sondages auprès de professionnels comme d’usagers et de leur famille. Autres applications proposées : Framadrop, un service de partage de fichiers volumineux, Framagenda (partage d’agendas) et Framatalk (alternative à Skype). Framasoft a aussi développé un service de recherches. « Framabee n’est pas un moteur de recherche, précise Pierre-Yves Gosset. Nous n’avons pas la prétention de rivaliser avec Google, Bing, etc. Avec sept salariés, 37 membres actifs et une centaine de bénévoles, nous n’avons pas les moyens de les détrôner. Mais surtout nous n’en avons pas l’ambition ! Framabee est un méta-moteur qui utilise les bases de données de ces géants, mais en anonymisant les requêtes. » Cela implique que l’on n’obtient pas les mêmes premiers résultats qu’avec Google. Ce dernier vous géolocalise, connaît vos centres d’intérêt, puis oriente les résultats en fonction de ces informations. Il n’y a plus de réponses objectives. L’inconvénient de Framabee ? Il nécessite d’être plus précis dans ses requêtes et d’explorer plus de pages de résultats. Ces alternatives n’offrent pas toujours le même confort que ceux des Gafam. Mais la confidentialité de vos travaux et de vos données vaut peut-être quelques efforts.
Un déploiement en interne ?
Avec quelques moyens et des ressources informatiques internes, il est aussi même possible de créer ces mêmes outils. « Par exemple, Framadrive, l’alternative à Dropbox qui compte 5 000 comptes de 2 Go, est réalisé avec l’outil libre Nextcloud et hébergé sur un serveur loué 100 euros par mois, auxquels il faut ajouter une petite partie du salaire de l’informaticien qui le gère », détaille le délégué général. Ce sont donc des services à la portée d’un grand nombre de structures. Et pourquoi pas de fédérations qui pourraient mettre en place des espaces sécurisés pour leurs adhérents. But ultime de Framasoft ? « Que les professionnels déploient ces outils dans leur organisation. Nous n’avons pas vocation à accueillir des millions d’utilisateurs. »
En effet, après tout, pourquoi ne pas faire plus confiance à Framasoft qu’aux Gafam ? Pierre-Yves Gosset s’en amuse : « Votre première réaction devrait être “Je ne vous fais pas confiance puisque je ne vous connais pas !” » Tous les outils dont l’association dispose pour créer les services en ligne sont issus du Web libre. Non seulement cela permet d’observer dans le détail ce qui s’y passe. Mais encore la reconnaissance d’intérêt général de Framasoft et les conditions générales d’utilisation, où il est clairement stipulé qu’il n’exploite pas les données et qu’il ne les transférera à personne, sont un gage de probité. Ce contrairement aux Gafam qui aujourd’hui utilisent les informations que vous leur avez « confiées » pour des publicités ciblées. En outre, ils les communiquent également à des tiers, notamment à des services de renseignement comme l’affaire Snowden l’a révélé en 2013.
Pascal Nguyên
L’essentiel à retenir
- Identifier les services Web utilisés par les professionnels de la structure : moteurs de recherche, envoie de fichiers lourds, outils bureautiques en ligne, etc. ;
- Vérifier s’il existe des alternatives libres sur le site de Framasoft ;
- Informer et inciter à l’utilisation de ces outils, en les « bookmarkant » (inscrivant dans les favoris) notamment sur les postes de travail ;
- Sous réserve de disposer des ressources nécessaires, créer ses propres services en s'appuyant sur les logiciels libres.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 169 - mars 2016