Manque de cohérence et part belle faite à la répression plutôt qu'à la protection : les critiques concernant la politique gouvernementale pour la jeunesse se multiplient sur plusieurs fronts. Tout d'abord, l'avant-projet de code pénal des mineurs (1) suscite l'ire de quatre grandes organisations. Décidées à peser dans le débat, les fédérations FN3S et Citoyens et justice, ainsi que les organisations représentatives, Uniopss et Unaséa, ont remis, début juillet, à la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, leurs objections et propositions d'amendements au texte, qui leur avait été transmis, fin mars. Principaux griefs : la remise en cause du statut spécifique des enfants de 16 à 18 ans, la possibilité d'incarcération dès 13 ans, le « démantèlement » de la fonction de juge des enfants et les « contradictions » relatives aux mineurs de 10 à 13 ans (une partie du code leur est consacrée, alors qu'ils ne sont plus censés relever de la justice pénale).Les quatre organisations suggèrent donc des modifications substantielles, dont la rédaction d'un code global des mineurs réunissant l'ensemble des dispositions les concernant, qu'elles soient pénales, civiles et sociales. Également réclamée,« la mise en cohérence de cette réforme avec la refonte de la politique de la jeunesse menée par la commission Hirsch ».
Un Livre vert... et après ?
Officiellement, cet avant-projet de code et le Livre vert du haut-commissaire aux Solidarités actives ne sont, en effet, pas liés. Mais, rendu public, cet été, le texte de la commission Hirsch esquisse de nombreuses pistes de réforme (2). Parmi elles, une refonte du statut des jeunes majeurs de 18 à 21 ans qui, en cas d'absence de ressources ou de ruptures familiales, bénéficieraient d'une batterie de mesures de protection sous la houlette conjointe de l'État et des conseils généraux. Le Livre vert propose aussi deux pistes pour favoriser financièrement l'accès des jeunes à l'autonomie. La plupart des acteurs concernés ont réagi favorablement au texte, malgré quelques réserves. Martin Hirsch, qui réclame un milliard d'euros pour la mise en œuvre de ses propositions, s'est, de son côté, publiquement inquiété de l'absence de réaction de son gouvernement et du risque de voir son texte enterré.
Un fonds mort-né
Autre sujet de polémique, l'abandon en catimini, cet été, du fonds national de protection de l'enfance, prévu par la loi du 5 mars 2007. Confirmant les inquiétudes de ceux qui s'étonnaient du silence du gouvernement sur le sujet depuis plusieurs mois, la secrétaire d'État à la famille, Nadine Morano, a finalement annoncé qu'après « arbitrage gouvernemental », ce fonds, qui devait être doté de 150 millions d'euros, ne verrait pas le jour. Motif : sa création « viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants ». L'Unaséa et l'Unicef dénoncent une « remise en cause » de la loi de 2007, dont six textes réglementaires sont toujours en attente de publication.
Au milieu de ce vent de protestations, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, dans son rapport sur la France, lui reproche notamment la fixation de la responsabilité pénale à l'âge de 13 ans et « l'absence d'une stratégie nationale globale pour les enfants »...
(1) Lire Direction(s) n° 62, p. 7
(2) Lire dans ce numéro, p. 47
Tiphaine Boucher-Casel