Le ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi a missionné, en juillet 2009, le cabinet Essor consultants pour réaliser un contrat d'études prospectives des ateliers et chantiers d'insertion (ACI). La Direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – partenaires sociaux des ACI – souhaitent, en effet, disposer de travaux de diagnostic et de prospective sur les mutations actuelles de la branche professionnelle. Ce contrat permet d'anticiper les changements et d'orienter les décisions en matière de développement de l'emploi et des compétences. Il dresse un panorama de l'ensemble des évolutions de la branche professionnelle, du secteur ou du territoire : mutations économiques, technologiques, démographiques et sociales, mais également des questions liées à l'attractivité des métiers, structuration des politiques de branche... et de leurs conséquences sur l'emploi. […]
Nature et objet des ACI
Les ateliers et chantiers d'insertion sont des dispositifs relevant de l'insertion par l'activité économique, conventionnés par l'État, qui ont pour objet l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Les personnes ainsi embauchées sont titulaires d'un véritable contrat de travail, le contrat unique d'insertion (CUI). L'ACI bénéficie, pour sa part, de différentes aides, dont une aide spécifique à l'accompagnement. Aucune distinction n'est opérée entre ateliers et chantiers, les ateliers concernant les activités sédentaires dans les locaux fixes, et les chantiersdes activités plus mobiles en milieu rural ou urbain. […] Les salariés accueillis, accompagnés et formés sur un chantier d'insertion, peuvent être des jeunes de moins de 26 ans, de faible niveau de qualification, et en situation de chômage récurrent, ou des adultes de plus de 26 ans, notamment des bénéficiaires du RSA. […]
Les ACI se situent dans le champ de l'économie sociale et solidaire.Ils jouent un rôle essentiel dans la création et le développement d'activités nouvelles. Leurs activités peuvent s'exercer dans l'ensemble des secteurs d'activité, dès lors que les aides accordées par l'État et les collectivités locales ne créent pas de distorsion de concurrence et que les emplois ainsi créés ne se substituent pas à des emplois privés ou publics existants. Les biens et les services qu'ils produisent peuvent être commercialisés, lorsque cette commercialisation contribue à la réalisation et au développement des activités d'insertion sociale et professionnelle des personnes embauchées. Toutefois, les recettes tirées de la commercialisation des biens et services produits ne peuvent couvrir qu'une part inférieure à 30 % des charges liées à ces activités : cette part peut être augmentée sur décision du préfet, sans pouvoir atteindre 50 %, après avis favorable du conseil départemental de l'insertion par l'activité économique. […]
La mission particulière des ACI les conduit à employer deux catégories de salariés bien différents, tant par leur origine que leur statut et leurs attentes : les salariés dits « permanents »ou accompagnants et les salariés polyvalents qui sont accompagnés. […]
Les financements publics
Les ACI sont financés de façon prédominante par subvention. L'État et les conseils généraux sont les principaux financeurs publics des structures d'insertion, suivis par les communes et les regroupements de communes.L'État contribue généralement entre 45et 50 % voire plus aux produits d'exploitation. Les départements sont les secondscontributeurs pour 15 à 20 %, la plupart d'entre eux ayant créé des dispositifs ciblés sur lesbénéficiaires du RSA, amplifiés par les aides des plans locaux pour l'insertion et l'emploi et du Fonds social européen. Les autres collectivitéslocales assurent le solde des ressources publiques sous forme soit de subventions, soit deprestations en nature (soit 10 à 12 % du total des subventions). […]
L'État finance une aide à l'accompagnement qui a pour objet de faciliter le suivi et l'accompagnement des personnes en insertion embauchées dans les ateliers et chantiers d'insertion. L'attribution de l'aide à l'accompagnement n'est pas automatique ; elle repose sur l'appréciation qui est faite, au moment du conventionnement, de la qualité du projet d'accompagnement proposé par la structure. Le montant de cette aide est de15 000 euros maximum par an et par chantier et de 45 000 euros maximum par an et par structure porteuse, ce montant est stable depuis 2005.
La loi de finances pour 2009 consacre 23,4 millions d'euros au financement des ACI (au titre de l'aide à l'accompagnement). […]
Préconisations
[…] Tout d'abord, il est nécessaire de renforcer la prise en compte territoriale et le pilotage concerté de l'insertion par l'activité économique.
À ce titre, il est proposé :
- de mettre en place des tableaux de bord partagés, garantissant une prise en compte des différentes dimensions de l'activité des structures d'insertion par l'activité économique pour nourrir la réflexion au sein des instances de pilotage ;
- de conduire un pilotage concerté du développement de l'insertion par l'activité économique selon deux axes : la couverture territoriale des besoins selon les publics et la diversité des offres d'insertion pour répondre à des niveaux variables de difficultés sociales. […]
Par ailleurs, la mise en place d'un observatoire de l'emploi et des compétences,constituant une structure pérennepermettant aux acteurs de travailler sur la durée [est encouragée].Le pilotage sera assuré par les partenaires sociaux, avec l'appui politique de la DGEFP et l'appui technique d'uniformisation des réseaux et du Conseil national de l’insertion par
l’activité économique. […] Il sera un outil d'expertise, de prospective en matière d'emploi, de compétences et de formation au service de l'ensemble des partenaires sociaux et des réseaux. […]
Le développement de la mutualisation entre structures [apparaît également nécessaire].Le regroupement d'ACI entre eux ou au sein d'ensembliers de SIAE permet de mutualiser des compétences comme les postes d'accompagnement. Il peut prendre la forme de groupements d'employeurs solidaires (loi de 2008 sur le RSA) […].
Il semble également important d'accentuer les liens avec les entreprises du secteur marchand, et il serait souhaitable de mener des actions de communication fortes pour faire reconnaître le rôle des chantiers dans l'activité économique des régions, mais aussi pour faire valoir la créativité et le côté « recherche et développement »des ACI. Les grands réseaux peuvent aussi apporter un soutien efficace aux ACI sur la communication vers les entreprises. Il pourrait, en outre, être intéressant de favoriser des échanges « actifs » et des parcours professionnels dans les deux sens avec des entreprisesde certains secteurs comme le bâtiment, des parcours de l'ACI vers les entreprises et des entreprises vers les ACI. […]
Conforter l'accompagnement des permanents
Il pourrait être utile, dans une logique d'accompagnement du travail des permanents, d'engager trois types d'action :
- L'accès pour tous à des temps de partage et de retour d'expérience, afin de limiter l'isolement de certains permanents et leur donner l'occasion de partager à la fois leurs difficultés et leur savoir-faire (supervision, analyse de pratiques...). Ces moments de partage avec d'autres professionnels du secteur des ACI seraient de nature à prévenir et à limiter l'apparition de risques psychosociaux pour les permanents des chantiers.
- Une formation à la délivrance d'un livret de parcours dans l'ACI, avec une attestation de compétences du salarié polyvalent, délivré par le chantier, soulève des interrogations pour les salariés permanents. Il semble donc important de former les permanents à l'identification, à la reconnaissance et à la formalisation des compétences des salariés polyvalents.
- L'accès à la formation suppose des solutions de remplacementpour libérer les permanents, notamment les encadrants techniques (ETPS), ce qui est encore exceptionnel.
- La question de la valorisation des acquis des personnels permanentsdes chantiers est, en outre, stratégique. Dans la mesure où il n'existe quasiment aucune possibilité de promotion interne, le problème est de trouver les moyens d'une évolution professionnelle, en dehors des ACI, lorsqu'on les quitte pour toutes sortes de raison (démotivation, fatigue, autre emploi, etc.). Pour cela, il n'existe pas de système de validation des compétences acquises dans l'ACI.
Dans le cadre des ACI, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) suppose deux cadrages différents : une GPEC interne à la branche pour les permanents et une GPEC territoriale et donc collective pour les polyvalents, afin qu'ils se dotent des compétences leur permettant de pérenniser leur emploi (avec l'appui des maisons de l'emploi, des comités de bassin de l'emploi...). […]
Les actions concernant les salariés polyvalents
[…] La mise en place d'un plan de formation et l'association des salariés polyvalentsà ce plan va nécessiter l'explicitation de tout un ensemble de problématiques dans le projet d'insertion :
- L'acquisition de compétences en situation de travail est-elle formalisée ?
- Comment est prévue l'évaluation des compétences ?
- Les formations se font-elles sur le temps de travail ou hors temps de travail ? Sont-elles obligatoires ?
- Comment sont prises en compte les situations d'illettrisme ?
- La formation proposée vise-t-elle à conforter les salariés polyvalents dans leurs acquis ou visent-elles le développement d'autres compétences ou connaissances ?
- La formation est-elle à la demande des salariés ou sur proposition des encadrants ? Etc.
Néanmoins, la limite c'est qu'on peut difficilement envisager la gestion des carrières : les salariés occupant un emploi repère de « salarié polyvalent »ont vocation à être salariés par les structures d'insertion par l'activité économique sur des périodes brèves.
Fiche d'identité
Auteurs. Béatrice Gagné et Yves Jorand
Titre de la publication. Contrat d'études prospectives des ateliers et chantiers d'insertion
Téléchargeable sur http://www.emploi.gouv.fr/_pdf/cep_ateliers_chantiers_insertion.pdf
Publié dans le magazine Direction[s] N° 78 - novembre 2010