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Fin de vie des usagers
Une culture à façonner

18/03/2015

Alors que le débat sur la fin de vie ressurgit dans l’arène politique, les attentes des personnes et de leurs proches, comme la souffrance des professionnels du secteur social et médico-social, demeurent encore trop occultées. Des enjeux dont les directeurs et les équipes se saisissent peu à peu.

« Le "mal mourir" persiste en France », s’indignaient les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) dans leur rapport remis à l’Élysée fin 2014. Engagement de campagne de François Hollande, l’évolution du cadre législatif sur la fin de vie est désormais entre les mains des parlementaires. Adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 mars, la proposition de loi des deux députés vise à consolider le cadre issu de la loi Leonetti de 2005 (lire l’encadré). Un débat qui fait ressurgir avec force sur la scène publique la question lancinante de l’euthanasie. « Mais elle ne doit pas masquer celle de l’accès à l’accompagnement palliatif, encore très insuffisant », soulève Régis Aubry, président du comité de pilotage de l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Un retard français que dénonçait encore la Cour des comptes [1], en février dernier. Ce, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – où le sujet se pose pourtant avec acuité – et le secteur du domicile, désignés comme les « parents pauvres » en matière de soins palliatifs. En cause en particulier ? Un développement centré sur l’hôpital, des interventions d’équipes mobiles globalement faibles en Ehpad et une coordination déficiente des acteurs à domicile. Un accès fragile et inégal encore plus marqué dans le champ du handicap, confronté de plus en plus au vieillissement des usagers. Et dans le domaine social ? « Dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou les pensions de famille, la fin de vie y est un "impensé". Il y a une réelle difficulté du secteur social à se saisir de la question pour les publics en précarité », assène Aude Boucomont, directrice de l’ONFV [2].

Coopération inachevée

Au rang des écueils communs aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) ? Une coopération inachevée avec l’hospitalisation à domicile (HAD). Seuls 5 % environ de l'activité de l'HAD bénéficie à leurs usagers. « Est-ce un manque d’information de la part de nos services ? Une crainte de dépossession des équipes médico-sociales de leur relation aux résidants ? Voire une peur de la surmédicalisation ? », interroge Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements de HAD (Fnehad). Qui illustre : « En Ehpad, les interventions d’HAD, pourtant prévues dans de nombreux cas par des conventions, ne sont pas toujours sollicitées. » Dans le secteur du handicap, 80 % des foyers d’accueil médicalisé (FAM) et 85 % des maisons d’accueil spécialisées (MAS) répondant à une enquête de l’ONFV en 2013 [3] disaient ne pas y recourir… témoignant de leurs difficultés à se saisir du sujet. Même si des gestionnaires s’en emparent. À l’instar de Brigitte Maître, directrice du foyer Alain Lefranc géré par l’association Adep, dans la Loire, où « la question est intégrée au projet d’établissement du FAM et prévue dans le cadre des missions de nos services d’accompagnement à domicile SAVS et Samsah. » À domicile justement, l’impossible intervention conjointe de services de soins infirmiers (Ssiad) et d’HAD est un autre frein important. « Ce, même si la situation le justifie ! Et lorsqu’un usager en fin de vie en bénéficie, c’est au prix d’une rupture brutale avec les personnels du Ssiad qu’il connaît depuis des années, s’insurge Élisabeth Hubert, pour qui la réglementation doit évoluer. Grâce à la proposition de loi Claeys-Leonetti ? Sans oublier le secteur social où « il faut aménager les locaux pour permettre l’intervention de l’HAD », propose Aude Boucomont.

Être entendu

Le développement d’une culture palliative nécessite aussi de lever d’autres obstacles [4]. Comme de mieux assurer l’information des personnes et de leurs proches. En 2013, la majorité des familles interrogées pour une étude de l’ONFV disaient ignorer l’accompagnement prévu dans l’Ehpad accueillant leur parent… [5] « Une question doit être abordée dans le cadre du projet personnalisé du résidant, estime Christian Fremondière, directeur de la Résidence de Sevret, dans le Maine-et-Loire. Chez nous, la personne de confiance, prévue par les dispositions de la loi Leonetti, est désignée dès l’entrée et nous indiquons l’existence des directives anticipées. »

Une information et une sensibilisation qui doivent aussi viser les professionnels, médicaux et sociaux. Car le sujet reste encore tabou. Directrice de maison de retraite, Isabelle Regnault s'est penchée sur le problème dès la rédaction de son mémoire de certificat d’aptitude aux fonctions de direction Cafdes [6], puis dans le cadre d’un programme d’action dans une structure du Loiret. « Le sujet était occulté au sein de l’établissement, jusqu’à se résumer parfois à la libération d’une place, se souvient-elle. Le décès d’usagers n’était pas évoqué lors des transmissions. Pourtant, quand la parole des soignants se libère, la souffrance transparaît. » Une réflexion qui conduit notamment la directrice à instaurer des groupes de parole animés par un psychologue. Autant d’outils qui forment un rempart contre la solitude professionnelle, que peuvent endurer plus fortement encore les intervenants à domicile. « Cet accompagnement nécessite une concertation avec la famille, les médecins, les équipes de soins palliatifs. Or, les professionnels du domicile n’ont toujours pas ces interlocuteurs ressources pour les sécuriser, note Line Lartigue, directrice Santé de l’union nationale UNA. Les modalités de financement des services ne permettent pas non plus de développer des temps d’échange, d’analyse des pratiques, pourtant essentiels afin d'aborder les situations de fin de vie qui induisent un accompagnement soutenu. »

Réinterroger ses pratiques

La formation des acteurs reste donc une priorité. « Il faut systématiser les modules sur ce thème dès la formation initiale des soignants », estime  Isabelle Regnault. « Comment réagir en cas d’accélération de la douleur ? Comment être en empathie tout en restant professionnel ? La fin de vie interroge beaucoup. Nos équipes soignantes bénéficient de formations sur l’éthique et les soins palliatifs », témoigne Olivier de Beaudrap, médecin coordonnateur à l’Ehpad de Sevret.

Le rôle des intervenants sociaux ne doit pas non plus être négligé. « Le médical supplante parfois l’aspect social. Or, l’usager est une personne avant d’être objet de soins, soulève Isabelle Regnault. Ce que confirme Anaïs Gauthier, responsable du collège des travailleurs sociaux à la Société française d’accompagnement aux soins palliatifs (SFAP) : « Les situations de fin de vie exigent un accompagnement global passant par le souci du projet de vie de la personne et une écoute attentive. Les formations à la démarche palliative et des rencontres interprofessionnelles peuvent contribuer à faire évoluer le cadre actuel. » Ce qui pourrait favoriser l’émergence d’une culture palliative dans le secteur social. « Loin d’être du ressort exclusif des soignants et de l’hôpital, cet accompagnement relève d’une démarche pluridisciplinaire. Les acteurs sociaux y ont toute leur place car ils y portent la parole de la personne », souligne aussi Aude Boucomont. Qui préconise entre autres de capitaliser sur des structures assurant déjà un accompagnement global, en déployant des lits d’accueil médicalisé (LAM) ou des capacités en appartements de coordination thérapeutique (ACT). Au-delà, face à la singularité des situations, il est primordial de se réinterroger sans cesse, s’accordent les professionnels.

[1] « Les soins palliatifs : une prise en charge toujours très incomplète », rapport public annuel, Cour des comptes, 2015

[2] « Fin de vie et précarités », rapport de l’ONFV, 2014

[3] « La fin de vie dans les établissements pour adultes handicapés », enquête de l'ONFV, 2013

[4] Lire Direction[s] n° 117, p. 18

[5] « Vivre en maison de retraite jusqu’à la fin de sa vie. Le point de vue des proches », étude de l'ONFV, 2014

[6] « Penser la fin de vie des personnes âgées et préparer les personnels à cet accompagnement en Ehpad », Isabelle Regnault, mémoire de Cafdes, 2012

Justine Canonne

Vers de nouveaux droits pour les personnes en fin de vie

Nourrie par de nombreux travaux conduits depuis 2012 [1], la proposition de loi Claeys-Leonetti vise en particulier à rendre les directives anticipées contraignantes pour le corps médical. Tout en réaffirmant le refus de l’obstination déraisonnable, elle introduit un droit à « une sédation profonde et continue », sous conditions. Parmi les amendements introduits à l’Assemblée nationale ? La reconnaissance de la contribution des services d’HAD dans l’accompagnement aux soins palliatifs, la création d’un registre national automatisé des directives anticipées, le droit à une formation aux soins palliatifs pour les médecins, infirmiers, aides-soignants et aides à domicile… Des dispositions qui font écho aux pistes avancées pour le futur plan de soutien aux soins palliatifs, annoncé le 10 mars par la ministre Marisol Touraine en ouverture du débat sur le texte dans l’hémicycle.

[1] Dont le rapport « Penser solidairement la fin de vie », de la mission pilotée par Didier Sicard, décembre 2012 ; et l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir », juin 2013.

Repères

  • 12 % des décès en France sont survenus en Ehpad en 2011. (Source : rapport Sicard)
  • 2,5 % des patients en fin de vie avaient rédigé des directives anticipées en 2012.  Quand elles existent, les médecins déclarent qu’elles ont été importantes pour 72 % des décisions médicales de fin de vie. (Source : Ined)
  • 3 pays européens ont une législation sur la fin de vie : permettant l’euthanasie (Belgique, Pays-Bas) ou l’aide au suicide sous conditions (Suisse). (Source : rapport Sicard)

Publié dans le magazine Direction[s] N° 130 - avril 2015






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