Claire Hédon, Défenseure des droits
Qu'est-ce qui a motivé ce rapport [1] ?
Claire Hédon. Nous avions décidé de faire ce travail sur la dignité et le respect des droits des personnes âgées dans les Ehpad bien avant le début de l'épidémie. En six ans, nous avons reçu 900 réclamations portant majoritairement sur des questions de maltraitance. Certes, la crise a augmenté les saisines (environ 200 depuis mars 2020), mais elle n'a été qu'un aggravateur d'une situation préexistante. C'est pour cela que nos préconisations portent sur la situation des Ehpad en général.
Il s’agit pour beaucoup de rappels au droit…
C. H. Même si cela peut sembler une évidence, c’est essentiel : les personnes âgées ont les mêmes droits que le reste de la population, c'est-à-dire au respect de leur dignité, de leur vie privée, à la liberté d'aller et venir, au maintien des liens familiaux… Nous avons eu connaissance de situations où pour pallier le manque de personnels des couches étaient mises systématiquement aux résidents, des douches limitées à une par semaine… Ces atteintes aux droits sont rendues possibles parce que ces personnes ont moins de possibilités de dire ce qui ne va pas. On retrouve d’ailleurs des cas de maltraitance similaires dans des structures pour personnes en situation de handicap, elles aussi vulnérables.
Que faut-il pour changer la donne ?
C. H. La priorité est de fixer un ratio minimal de personnels dans les Ehpad : huit pour dix résidents. Ce chiffre est raisonnable quand on sait qu’en Allemagne, il est de douze pour dix. Il faut aussi revaloriser les parcours professionnels, rendre obligatoires des formations initiales et continues à la bientraitance. Le nombre de personnels ne fait pas tout. La grande majorité fait de son mieux. Notre rôle est de souligner ce qui ne va pas et de comprendre pourquoi. Ainsi, malgré la progression de la vaccination contre le Covid-19, certains résidents ont été mis à l'isolement une semaine après un séjour en famille. C'est cher payé la sortie !
Le protocole sanitaire du 19 mai peut-il aider ?
C. H. Ces derniers jours, les limitations de visites restaient un point de crispation. Le protocole est donc une nette avancée et il faut qu'il soit réellement appliqué. Je peux comprendre les établissements qui veulent de la souplesse, mais beaucoup demandent aussi des règles claires. Moins le cadre juridique est abouti, plus le recours à des recommandations devient inévitable. Et ce « droit non contraignant » ne peut pas encadrer les pratiques professionnelles dans la relation du soin. Dans certains Ehpad, on a eu l’impression d’un confinement en continu pendant un an ! Un protocole clair a aussi le mérite d’être compréhensible par les résidents et leurs familles. La transparence de l'information doit aussi viser les procédures à leur disposition en cas de difficulté (recours, signalement d'événements indésirables…). Il faut aussi mieux activer les instances de démocratie en place et travailler sur le recueil du consentement. Ce sera le rôle des référents, dont notre proposition a été reprise par la ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon. Dans le même ordre d’idées, nous préconisons aussi des médiateurs. Là encore, il ne s’agit pas surveiller les personnels ni de contredire le directeur, mais d’aider au dialogue avec les familles.
Quelles autres ressources sont indispensables aux Ehpad ?
C. H. Il faut mettre l’accent sur des postes clés comme celui de l’infirmière de nuit, y compris coordonné entre plusieurs établissements. Elle permet d’éviter le recours systématique aux urgences. La formation aux soins palliatifs et le renforcement des liens avec ces unités spécialisées sont aussi importants. J’ai bien conscience du manque de moyens de ces dernières, mais ça devrait être une priorité !
[1] Rapport de mai 2021, sur www.defenseurdesdroits.fr
Propos recueillis Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 198 - juin 2021