Comment rendre compte, de manière lisible, de l'ensemble des interventions menées ici?», questionne Henri Kaufmann, directeur de l'institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) de Bourneville, dans l'Hérault. Une interrogation à l'origine du projet de réseau d'information et de dossier individualisé, initié en 2002.
L'institution, gérée par l'Association de développement, d'animation et de gestion d'établissements spécialisés, accueille 120 enfants, filles et garçons de 3 à 18 ans, atteints de troubles du comportement. Plusieurs services sont proposés: un internat de semaine, un accueil en semi-internat, un service d'accueil spécialisé individuel auprès d'assistantes maternelles et un service d'éducation spéciale et de soins à domicile.
Cent dix salariés travaillent à Bourneville, soit une trentaine de professions pour des services diversifiés et complémentaires, destinés aux enfants admis après décision de la commission départementale de l'éducation spéciale. «Les interactions entre professionnels et le partage d'informations fondées sur les observations, les diagnostics et les bilans sont les piliers du projet individualisé. Et le logiciel DIP Dossier informatisé partagé favorise véritablement cet échange!», affirme Henri Kaufmann.
Faire circuler l'information
Le projet est le fruit d'une longue démarche, lancée par la direction après une évaluation interne en 2002. Les résultats avaient mis en évidence des points faibles concernant la formalisation des étapes de l'accompagnement, la trace du parcours de l'usager et son évaluation. De nombreux professionnels étaient insatisfaits de la circulation de l'information et soulignaient l'absence de visibilité sur les modes de décision. En outre, le passage aux 35 heures avait multiplié les intervenants à temps partiel.
«Faire travailler l'ensemble des salariés sur un outil commun a paru une solution pour assurer la cohérence entre professionnels et l'intégration des salariés, explique le directeur. Il fallait créer un outil réactif permettant à chacun d'accéder aux informations contenues dans le dossier.» C'est l'objectif du DIP, un logiciel utilisé par l'ensemble des salariés, qui rassemble les données sur l'usager: informations administratives, projet individualisé, grilles d'observations, comptes rendus de réunion, correspondance, emplois du temps, évaluations, suivi à trois ans, etc.
En 2002, l'Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail est sollicitée pour poser un diagnostic. A la même époque s'est constitué un «groupe projet» pluridisciplinaire de douze personnes. Sa mission: concevoir le dispositif à partir d'un cadre et des objectifs généraux. «Il a fallu évaluer la logistique qui entoure un tel projet, mais aussi s'informer sur les lois relatives au traitement informatique des données et réfléchir à la transcription des informations», raconte Véronique Francès, éducatrice spécialisée, membre du «groupe projet» initial.
Un outil «maison»
«Nous étions des néophytes, sourit Henri Kaufmann. Mais malgré les offres des prestataires, nous avons préféré concevoir nous-mêmes le logiciel pour qu'il prenne vraiment en compte la spécificité de l'Itep.» Une réflexion est menée sur l'architecture du dossier et les rubriques à inscrire: l'occasion de s'interroger ensemble sur le dossier de l'enfant. «Cela nous a obligés à nous poser des questions éthiques sur le contenu du dossier, ce qui était communicable ou devait rester secret», note Paul Accary, directeur adjoint.
En 2004, le logiciel est développé en interne à partir du cahier des charges élaboré par le «groupe projet». Le dossier du jeune accueilli se présente sous trois formes: une rubrique administrative, le séjour et le soin. Chaque utilisateur reçoit un mot de passe et n'accède qu'à certaines pages en fonction de sa profession. A chaque acte posé, le salarié remplit le dossier, pour les pages qui le concernent. Même le directeur n'a pas accès à l'ensemble des informations du dossier...
Le dispositif a exigé une importante politique d'investissement, pour accroître le parc informatique (50 postes) et mettre en place une liaison entre les sites, reliés par un accès sécurisé. De plus, un poste de responsable informatique a été créé. Les salariés ont dû se former à l'utilisation du logiciel. «Nous nous sommes servi des compétences internes, explique Sylvie Auriol, chef du service gestion. Les membres du «groupe projet» ont piloté leurs collègues dans la découverte du logiciel. Et cette autoformation a eu un impact fédérateur entre les professionnels.»
Esprit de synthèse
Il a cependant fallu surmonter des réticences: maints salariés familiers d'une transmission orale étaient gênés par le passage à l'écrit. «L'écriture est devenue quotidienne et a induit un changement dans notre façon de travailler, souligne Jean-Philippe Levy, éducateur spécialisé. L'outil nous force à avoir une grande rigueur, à synthétiser pour aller à l'essentiel.» Si l'utilisation du logiciel a développé les compétences individuelles, par la maîtrise de l'informatique et l'amélioration des écrits professionnels, la mise en place du DIP a aussi favorisé l'implication du personnel et la coopération interne. «Nous avons repensé le fonctionnement des réunions de synthèse. Aujourd'hui, grâce au DIP, elles servent - au-delà de l'échange d'informations - à confronter nos analyses et à prendre des décisions», assure Henri Kaufmann.
En juillet 2005, la marque DIP Dossier informatisé partagé a été déposée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle. Avant le dépôt d'un brevet à la fin de l'année.
Un portail intranet sera mis en place, d'ici à 2006. Il inclut la mise en ligne de logiciels d'aide à la gestion quotidienne (réservation des véhicules, des repas) et de l'information générale: projet de l'établissement, de service, livret d'accueil, réglement de fonctionnement, charte des droits de l'usager, fiches de fonction, réglement intérieur, information sociale et juridique, offres d'emploi. Et une nouvelle version du Dossier informatisé partagé sera proposée, qui améliorera le traitement des données individuelles, les statistiques et la communication avec les partenaires.
Yves Couant
Chiffres-clés
120. usagers
110. salariés
1. directeur
1. directeur adjoint
4. chefs de service
60. ordinateurs
5245000 euros: budget prévisionnel pour 2006
243, 66 euros: montant d'une journée moyenne par enfant et par jour
Trophée Direction(s)
A l'occasion du Premier Trophée Direction(s), remis le 17 novembre 2005, cette initiative a reçu le prix «Amélioration de l'organisation de l'établissement ou du service» dans la catégorie «Démarche qualité».
contacts
Itep de Bourneville:
04 67 42 43 66