La prévention, c'est vraiment notre fil rouge. Et puis c'était une première nationale, donc un défi très stimulant pour notre équipe!» Défi réussi, pour Sylvie Magri-Pouget, directrice d'Accueil info drogue de l'Aude (AID 11), centre de soins spécialisés pour toxicomanes implanté à Narbonne et Carcassonne, et toute son équipe.
En 2005, l'association a assumé, avec succès, la maîtrise d'œuvre de la toute première édition, à Narbonne, de Drog Land, un village-exposition itinérant initié par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) et porté par l'association Civisme et démocratie. L'objectif: informer et inciter un public de jeunes et moins jeunes (parents, enseignants) à mieux mesurer les risques auxquels peut conduire l'usage de substances psychoactives.
Un projet ambitieux
Un outil original: un «village» formé de plusieurs conteneurs (galerie, témoignages audio, médiathèque, espace cinéma). Qui visait à donner vie à un ambitieux projet de territoire. Car l'originalité du concept repose - outre sur une esthétique attractive - sur une appropriation de l'événement par les acteurs locaux de la prévention et du soin. L'association était la mieux placée pour investir le projet. «Le directeur du centre communal d'action sociale (CCAS) était très intéressé par l'exposition, mais pour que la ville puisse l'accueillir, il fallait que l'AID 11 se charge de son organisation et de son contenu. Après consultation du conseil d'administration et de l'équipe j'ai dit “banco”!» résume la directrice.
L'équipe a dû faire preuve de créativité: l'événement étant inédit, tout était à inventer. Le cahier des charges suggérait cependant trois pistes de travail: organiser et animer des visites, utiliser l'espace comme lieu de discussions et organiser d'autres manifestations: colloques, débats... Ce qui exigeait tant la mobilisation de l'équipe que celle de partenaires locaux susceptibles d'intervenir sur la prévention des toxicomanies. C'est aux deux chargées de prévention de l'association qu'a incombé la responsabilité d'impliquer les partenaires. «Notre fonction fait de nous le lien entre la structure et l'extérieur, à travers nos actions de prévention en direction du public. Nous travaillons toute l'année en partenariat avec les communautés éducatives, les associations locales, le CCAS...», note Monique Bounab, chargée de prévention à Carcassonne, qui a porté tout le projet avec Nahima Boutaleb, en poste à Narbonne.
Premier chantier: élaborer une liste de personnes «ressources» susceptibles de constituer le comité de pilotage de l'événement. Un courrier de présentation de l'exposition et des buts poursuivis en matière de politique locale de prévention a été envoyé à une quarantaine d'interlocuteurs participant au comité départemental de la Mildt. Au final, dix-huit partenaires constituent le comité. Education, police, justice, secteur médico-social, associations... Les principaux acteurs de la prévention se sont réunis trois fois au total, pour définir les grandes orientations de l'événement et la nature de leur éventuelle contribution à Drog Land.
Des renforts tous azimuts
Un comité d'animation a également été créé, rassemblant tous le personnel volontaire pour accompagner et animer les groupes reçus dans le cadre de l'exposition: soit presque toute l'équipe de l'AID 11, les partenaires ayant accepté d'assurer une intervention (police, justice, douanes, gendarmerie...) et les animateurs permanents du Cidem. Sans oublier les renforts d'associations locales amies, sollicitées par l'AID 11: centres de soins spécialisés pour toxicomanes, Francas de l'Aude (association d'éducation populaire)...
De ces groupes de travail ont émergé le programme des interventions, colloques et rencontres, le planning des personnes présentes chaque jour et le sens donné à l'animation des groupes, défini par une fiche technique. «Tous les documents d'appui ont été très soignés, afin de mobiliser les partenaires et les institutions dans les meilleures conditions», précise Monique Bounab.
Car le projet impliquait, notamment de la part du personnel de l'AID 11, un investissement personnel conséquent. Monique Bounab et Nahima Boutaleb y ont consacré un temps plein durant les deux mois de la préparation. Les autres salariés y ont été régulièrement associés, au cours des réunions d'équipe. Les compétences de chacun ont été mises à profit. Sylvie Magri-Pouget, tout en validant chaque orientation prise pour le projet, a accordé aux salariés concernés une large autonomie durant la préparation.
Martine Clément, secrétaire de direction à Narbonne, a ainsi réalisé tous les documents de travail. «Cela représentait du travail supplémentaire, mais c'est très stimulant d'être partie prenante d'un événement comme celui-ci, qui permet aussi de faire reconnaître notre travail», note l'intéressée. Educatrice spécialisée, chef du service «santé-justice» de l'association, Nadège Khaznadji a, quant à elle, été sollicitée pour animer la rencontre organisée à Drog Land entre de jeunes visiteurs et des représentants de la justice et de la police. «Intervenir de cette manière, dans des ateliers, cela évite d'être fermé sur la structure. C'est aussi l'occasion de susciter, à terme, des démarches individuelles auprès de notre structure», analyse-t-elle.
L'équipe a su donner de son temps: «tout le monde a dépassé ses heures, la semaine d'exposition a été très intense», estime Nahima Boutaleb. Laquelle souligne «le soutien de la directrice, qui a fait en sorte, sans disposer d'un budget spécifique, que le personnel mobilisé bénéficie de conditions favorables». Grâce à l'aménagement des plannings, la fermeture du centre de soins un peu plus tôt, des remplacements mutuels pour libérer les uns et les autres...
L'événement a surtout permis de renforcer, sur le long terme, la qualité et la solidité des liens avec les différents acteurs de la prévention. «Autour de Drog Land ont eu lieu des rencontres professionnelles avec les médecins et pharmaciens sur le thème de la substitution ou encore, avec nos collègues régionaux des centres de soins spécialisés pour toxicomanes, autour des échanges de pratiques. Cela a été l'occasion de relancer le réseau, dont la dynamique n'est jamais définitivement acquise», relève la directrice. «L'effort de sensibilisation réalisé a suscité d'autres partenariats, ajoute Nahima Boutaleb. J'ai ainsi travaillé avec la classe-relais de Narbonne, qui ne faisait pas partie de mes interlocuteurs auparavant.»
Parmi les autres retombées concrètes: une demande de formation de la communauté éducative d'un lycée du département, dispensée par une chargée de prévention et une psychologue de l'AID11; la reprise du partenariat avec les animateurs d'un quartier de Narbonne autour d'un forum santé impliquant les femmes du quartier ou encore, la création d'un groupe régional d'échanges de pratiques pour les nouvelles consultations de jeunes consommateurs assumées par les CSST. Et, non des moindres, «des moyens supplémentaires de la part de nos financeurs à la suite de l'événement», relèvent les chargées de prévention, plutôt fières du travail accompli.
Contacts
Accueil info drogue 11,
04 68 11 92 92 (Carcassonne) ou 04 68 42 58 58 (Narbonne).
Un soutien de la ville
« Pour Drog Land, la ville de Narbonne a activé son réseau afin de mobiliser les partenaires, a mis à disposition toute sa logistique et ses moyens de communication», souligne Françoise Aussilloux, présidente d'Accueil info drogue 11. Un engagement fort de la ville auprès des associations, qui se traduit toute l'année par la tenue d'une «cellule précarité», rassemblant chaque mois toutes les institutions et partenaires. «C'est une démarche assez unique qui traduit bien le positionnement du centre communal d'action sociale (CCAS) comme interface entre les acteurs associatifs et la population du département», complète Robert Dejean, vice-président du CCAS de Narbonne.