Déficit criant de structures adaptées aux personnes atteintes d'autisme ou de troubles envahissants du développement, cloisonnement entre les différents professionnels, faiblesse chronique d'informations sur la question du dépistage précoce de ces troubles... Ce constat alarmant était dressé en octobre 2001 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Seine-et-Marne, la commission départementale d'éducation spéciale et les professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social, lors d'une réunion organisée au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne. Ce jour-là, tous affirment leur volonté de fédérer les compétences à l'échelle départementale afin de parvenir - enfin - à une prise en charge globale et satisfaisante des malades.
Fin 2003, à l'initiative de l'hôpital de Lagny et de la fédération Sésame Autisme, un groupe de travail pluri-institutionnel et pluridisciplinaire, rassemblant des professionnels de terrain (psychologues, médecins, associatifs, etc.), se constitue autour de Saïd Acef, alors éducateur spécialisé au service psychiatrique de l'hôpital.
Les huit partenaires recensent les problématiques annexes mais liées à l'autisme: accès aux soins, à la culture, à l'éducation, à l'insertion sociale... Les directeurs des structures impliquées s'engagent à être fondateurs de l'association loi 1901 à la base du réseau. « Les sept axes constitutifs de la charte d'Aura 77 (Autisme Réseau Associatif de Seine-et-Marne), déclinés chacun en objectifs concrets, ont fait l'objet d'un consensus total entre les différents partenaires », précise Catherine Zilliox, psychiatre et coordonnatrice médicale.
L'agrément de l'Agence régionale de l'hospitalisation intervient en septembre 2005, avec une première dotation de 600 000 euros pour les dix-huit premiers mois et le recrutement de trois salariés. Mais Aura 77 débute réellement son activité en janvier 2006. « Notre travail s'est orienté autour de deux axes: la personne autiste et son environnement, la formation et l'information des professionnels », expliqueSaïd Acef, nommé directeur du réseau.
Les objectifs du réseau sont de deux ordres: améliorer dépistage, évaluation précoce et diagnostic des troubles; assurer suivi, continuité de la prise en charge et qualité de l'accompagnement, selon trois principes. En facilitant les démarches des familles et la prise en charge des usagers et en renforçant l'action des pivots: « Notre vocation n'est pas de nous substituer à ceux existants, sous peine de les affaiblir », explique Jean-Paul Chardon, chef du service de psychiatrie de l'enfant à l'hôpital de Lagny et président du réseau. Et, enfin, en proposant une offre de services transervale: « Nous souhaitons aboutir à une prise en charge globale et coordonnée, résume Catherine Zilliox. Nous en construisons les modalités avec les familles, après avoir identifié, au cas par cas, l'ensemble des services dont elles ont besoin, et en coordonnant l'action des différents professionnels concernés. »
Coordonner et informer. C'est sur la complexité de la coordination que se joue au quotidien, le principal challenge d'Aura 77. En effet, la mise en réseau des secteurs sanitaire, social et médico-social, trois branches aux approches et aux pratiques souvent très différentes, ne coulait pas de source. Il fallait établir une complémentarité entre une pratique libérale installée, et le secteur associatif, regroupant instituts médico-éducatifs, instituts médico-psychologiques, foyers...
« Nous avons, au début, été confrontés à beaucoup de querelles quasi idéologiques », souligne le docteur Chardon. Colette Angot, directrice du Sessad Mélanie 77 et trésorière de l'association, ajoute: « Certains craignaient que le réseau soit vécu comme une superstructure, d'autres nous regardaient comme des donneurs de leçons! » D'où des négociations chronophages et de nombreux retards: « Sur 55 personnes suivies depuis janvier 2006, les cas qui se résolvent très rapidement, avec à la clé un dispositif de prise en charge cohérent, ne dépassent pas 10 % des dossiers », estime Saïd Acef.
Avec quelques réussites, comme cette adolescente pour qui le réseau a permis une prise en charge d'ordre médico-social, négociée avec la Fédération Sésame Autisme, et un suivi dans le service de psychiatrie du docteur Chardon. Une hospitalisation a, par ailleurs, été programmée pour permettre une évaluation de ses troubles à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière, à Paris. Tout cela... en deux mois et demi.
A l'autre extrémité, les partenaires identifient 40 % de situations très complexes, où tous les signaux sont au rouge: pas de prise en charge, pas de professionnels, absence de concertation...
Entre les deux, on estime que dans 50 % des cas, les choses se construisent peu à peu, entre partenaires résolus à surmonter les obstacles. « Au quotidien, il faut faire preuve d'une grande diplomatie, témoigne le docteur Zilliox. Et garantir à chacun son indépendance et sa marge de manœuvre, tout en restant en alerte, à la disposition des familles. »
La raison du succès tient en deux mots: concertation et information. Douze réunions de concertation pluriprofessionnelle ont ainsi été organisées depuis la création du réseau et quatre conventions (hors convention constitutive) ont été signées. Mais le ciment de la coordination tient surtout en un ambitieux programme de formations et de conférences visant les professionnels: « Plus de sept cent depuis début 2006, auxquels ont assisté plus de quatre-vingts médecins généralistes, orthophonistes, psychomotriciens, pédiatres, psychiatres... », précise Stéphanie Keraven, assistante de coordination. Ont aussi été sensibilisés, notamment à la prévention et au dépistage précoce, les professionnels qui sont en première ligne: les centres de protection maternelle et infantile, les organismes sportifs et culturels, l'Education nationale. « Notre mission est d'aider autant les acteurs de terrain que les usagers, en leur donnant accès à des ressources libérales avec lesquelles ils n'avaient pas de contact », ajoute Sylvie Santoni, infirmière réseau.
Objectif: créer une dynamique locale et identifier ses propres relais. « A partir du moment où les professionnels comprennent qu'on est là aussi pour leur rendre service, les relations s'améliorent. Il y a maintenant un bon niveau de confiance entre les partenaires », souligne Marcel Hérault, président de la Fédération Sésame Autisme et secrétaire du bureau d'Aura 77.
Un réseau ouvert aux familles
Malgré les limites de son action, la légitimité et l'influence du réseau s'accroissent de jour en jour. D'où un fourmillement de projets. Tout d'abord, la mise en place d'une certification qualité (voir encadré). Puis, l'établissement, d'ici fin 2007, d'un système d'information permettant de faciliter les connexions entre patients et professionnels. Enfin, une intégration plus forte du réseau vers les familles et les usagers. « Celles-ci ont déjà la possibilité d'adhérer à l'association, vingt ont déjà sauté le pas », précise Saïd Acef. Mais elles verront progressivement croître leur implication et leur pouvoir de décision. Au cours des prochains mois, nous les solliciterons pour évaluer la pertinence de nos supports de communication et réfléchir à la mise en place de nouveaux services, comme les groupes de soutien à la fratrie. »
En complément de ces projets internes, l'équipe d'Aura 77 participe également à la mutualisation des réseaux entre la région parisienne et la province. Une convention de moyens existe d'ores et déjà entre Aura 77 et le réseau parisien Prépsy, qui prend en charge les troubles psychiques. Convention qui concerne, notamment, le système d'information, la certification qualité et la modélisation des stratégies d'intégration clinique et organisationnelle. De quoi élargir et renforcer encore le réseau.
Catherine Piraud-Rouet
Feuille de route
•Mettre en place un groupe de travail pluriel et représentatif
•Créer une association loi 1901
•Définir une charte et une convention constitutive
•Repérer les attentes et les besoins des usagers et des professionnels
•Mutualiser les expériences entre partenaires
•Evaluer la qualité du service rendu
Trophée Direction(s) 2006 Le réseau Aura 77 a reçu une mention dans la catégorie Travail en réseau - Coopération entre secteurs social, médico-social et sanitaire.
«L'évaluation est au cœur de la pérennité du réseau»
Stéphanie Kéraven, assistante de coordination
L'évaluation fait partie intégrante de la péren-nité d'un projet comme le nôtre. D'une part, elle fait l'objet d'un suivi en continu, au moyen de tableaux de bord envoyés tous les trimestres à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), notre payeur, et à l'Urcam-Arh, notre financeur. D'autre part, lors du renouvellement de notre budget, en juin, nous allons nous livrer à la première évaluation externe de notre activité. L'idée: ne pas passer par un cabinet de conseil, mais engager le réseau dans une démarche de certification qualité conforme au modèle de management EFQM, certification européenne à laquelle adhère l'Afnor. L'objectif n'est pas tant d'obtenir le label que d'améliorer les processus internes, tout en diminuant considérablement les coûts.»
Contact
Association Aura 77
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