Réaffirmer la notion d'éthique d'accompagnement dans le secteur de l'action sociale et médico-sociale est une nécessité. La loi du 2 janvier 2002 contraint chaque établissement à communiquer tous les cinq ans ses résultats d'évaluation interne à l'autorité de contrôle. Une obligation légale que Les Genêts d'Or n'avaient pas attendu pour initier une importante démarche qualité « déjà présente dans le cadre des orientations triennales 1999-2002 », souligne Eric Godet, directeur d'établissement et service d'aide par le travail (Esat) et de foyer, co-instigateur de sa mise en place avec un autre directeur, Raymond Oulès. Créée en 1963, l'association regroupe autour de quinze directions, une quarantaine d'établissements qui accueillent enfants, hommes et femmes déficients intellectuels.
Un plan de formation
A peine la loi publiée, Les Genêts d'Or engagent un audit d'investigation dans chaque établissement. Puis Eric Godet et Raymond Oulès, lancent, en 2004, un programme inédit d'évaluation interne croisée (EIC) - sous l'impulsion de leur direction générale et avec l'aide de Patrice Roussel, professeur à l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP). « Nous souhaitions échapper à l'autosatisfaction de l'auto-évaluation, en valorisant les actions entreprises », souligne Eric Godet.
Première étape: l'organisation d'un plan de formation tri-annuel. Plus de 400 salariés suivent une journée de sensibilisation à la démarche qualité, et constituent l'ossature des comités de pilotage qualité d'établissement (CQPE) mis en place dans chacune des directions. Parallèlement, un conseil stratégique qualité (CSQ), dirigé par Jean-Pierre Phelippeau, directeur général, institue un groupe qualité inter-établissements (GQIE). Par ailleurs, à partir de 2004, quatre promotions de salariés volontaires, cadres ou non, mais tous membres d'un CPQE, suivent une formation d'auditeur qualité. Le projet d'EIC est adopté par le conseil d'administration fin 2005 et les premières évaluations internes croisées débutent immédiatement.
Dispensées sur deux jours et conduites à partir de deux référentiels internes, les EIC sont élaborées de façon participative lors des formations d'auditeur. L'accueil d'un nouvel usager et la bonne mise en œuvre de la Charte nationale des droits et libertés de la personne accueillie sont décortiqués et évalués. A noter que trois établissements ont été évalués à titre expérimental avec un référentiel supplémentaire sur la préparation et la distribution des traitements. « Nous auditons à quatre, tous extérieurs à l'établissement évalué et de tous profils », rapporte Nicolas Leost, aide médico-psychologique et auditeur. « Lors de notre visite, nous rencontrons, par binômes, dix-huit personnes - professionnels de terrain, parents, usagers anciens et nouveaux..., ajoute Martine Galliou, responsable de service hébergement sur l'Esat de Lesneven, et auditrice. Nous vérifions que la signalétique de l'établissement est adaptée aux usagers, que leur sécurité, leur santé, leur intimité... sont bien garanties. Nous sommes également attentifs à la qualité des bâtiments, des locaux... » Les auditeurs s'imprègnent de l'ambiance d'accueil et d'accompagnement, et attachent de l'importance aux relations entre professionnels, usagers et familles.
Une fois leur enquête terminée, les auditeurs établissent un rapport assorti de préconisations, qu'ils adressent dans les quinze jours au directeur de l'établissement audité. Celui-ci dispose d'une quinzaine supplémentaire pour leur renvoyer un éventuel rapport contradictoire. « Ce qui n'est arrivé que très rarement », précise Eric Godet. Le rapport d'évaluation doit être présenté à toutes les instances de l'établissement audité (conseil de la vie sociale, CPQE et comité d'entreprise).
Il est préconisé qu'il soit également communiqué à l'ensemble des équipes. Puis il est renvoyé au directeur général, qui le transmet aux autorités de contrôle (Ddass, Etat, conseil général). Deux mois après, le directeur de l'établissement audité doit envoyer au directeur général un plan d'actions correctives dont l'avancement sera réexaminé lors d'un entretien annuel. En 2005, trois évaluations internes croisées sont réalisées, puis neuf en 2006 et trois, début 2007. « Les résultats des quinze audits seront présentés lors de notre assemblée générale, en juin prochain. Nous disposerons alors de la photographie de tous nos établissements et services », se félicite Eric Godet. Un bilan d'autant plus appréciable que la mise en place de l'EIC n'a pas coulé de source. « En parler dans le secteur médico-social, c'était quelque chose de totalement nouveau, se souvient-il. D'où de nombreux freins, des salariés aux directeurs, qui assimilaient le terme d'évaluation à celui de contrôle sur leur travail. »
Des références fiables
« A la crainte d'être jugés, s'ajoutait celle d'entrer dans une uniformisation forcée des pratiques ou dans un système marchand », ajoute Marie-Pierre Fontaine, éducatrice spécialisée à l'institut médico-éducatif, de Plabennec. « Beaucoup de professionnels ne voyaient pas que l'EIC faciliterait leur tâche au quotidien, renchérit Nicolas Leost. Au contraire, ils pensaient que cela leur amènerait du travail supplémentaire pour pas grand-chose. » Au fur et à mesure, néanmoins, les résistances tombent et la démarche qualité a de nombreux effets positifs. « L'évaluation était l'occasion de renforcer nos bonnes pratiques, bien plus que de critiquer les mauvaises, déclare Jeanine Bleinhant, responsable de service à l'Esat de Plabennec. En cela, elle a apporté une reconnaissance et une valorisation de notre professionnalisme. »
« Une foule d'interrogations naguère récurrentes en réunion sont désormais cadrées, écrites, ajoute Marie-Pierre Fontaine. Ainsi à Plabennec, s'est posée la question: pouvons-nous demander à un stagiaire d'école de procéder à une toilette? Il nous a suffi d'un coup d'œil sur la charte et dans les fiches de « bonnes pratiques » pour décider que, tant pour des raisons de confort que d'intimité de l'usager, c'était à proscrire. » Même gain de temps et de qualité de service pour les remplaçants. Ces derniers disposent désormais de références plus fiables que la simple transmission orale, qui prévalait auparavant.
Un bon levier
L'EIC est surtout un formidable outil de mutualisation et de capitalisation des savoirs-faire entre services et établissements. « Les fiches de prestations des autres structures ou ateliers sont sources d'inspiration pour avancer. Et quand il s'agit de pointer des dysfonctionnements, cela se passe dans un grand respect mutuel », apprécie Marie-Thérèse Ronvel, monitrice d'atelier à Plabennec. « Dans certains établissements, l'insuffisance d'outils liés à la communication non-verbale nous a ainsi sauté aux yeux, précise Frédérique Esnault, responsable du département administration des établissements. A la suite d'un des audits, un référent “communication non verbale” a été nommé dans chaque établissement début 2006, et nous nous réunissons, depuis, tous les mois, afin de développer des outils communs en ce sens. » En janvier dernier, cette politique a encore été renforcée par le recrutement d'un directeur qualité, recherche et développement.
L'EIC est, enfin, pour les dirigeants de l'association, un bon levier de négociation avec les autorités de tarification. « Pour celles-ci, c'est la garantie d'une meilleure adéquation entre les budgets alloués et la preuve d'une réelle efficacité. En outre, cela offre une meilleure visibilité sur l'exercice de la mission de service public », conclut Jean-Pierre Phelippeau.
Catherine Piraud-Rouet
« Le référentiel, notre nouvelle norme »
Louis Coadou, directeur qualité, recherche et développement des Genêts d'Or
Depuis fin 2005, le conseil général du Finistère a constitué un groupe de réflexion avec les directeurs d'associations du département pour réfléchir à l'élaboration d'un référentiel sur la démarche qualité mise en place au sein des établissements. Notre projet : faire de ce référentiel notre nouvelle norme, puis le développer et l'adapter à nos structures. Nous devrions ainsi disposer en 2008 d'un outil performant. De quoi bien nous préparer aux évaluations externes prévues par la loi du 2 janvier 2002, voire à une future certification ISO 9001. Et d'avoir les clés en main pour mener à bien l'élaboration, à l'horizon 2009, d'une évaluation croisée inter-associations... »
Trophée Direction(s) 2006. L'association Les Genêts d'Or a reçu la mention Amélioration de l'organisation de l'établissement ou du service dans la catégorie Démarche qualité.
Feuille de route
• Auditer tous les établissements
• Elaborer, pour chacun, un plan d'amélioration de la qualité
• Former les personnels à la démarche qualité et à la fonction d'auditeur interne
• Mettre en place 3 niveaux de structures
• Créer 3 référentiels d'évaluation
• Elaborer un plan d'action
• Créer un référentiel généraliste
Contact
Les Genêts d'Or: 02 98 62 35 35
esat.lesneven@lesgenetsdor.org