S'unir pour mieux accompagner. C'est le credo du Groupement d'employeurs médico-social, social et sanitaire (GEM3S) du Finistère. Son ambition est double : la mise à disposition de salariés à partir des besoins à temps partiel des employeurs adhérents. Mais aussi la lutte contre la précarité de l'emploi dans le secteur en construisant des postes partagés en contrat à durée indéterminée (CDI). En somme, un dispositif de mutualisation « gagnant-gagnant », dont l'ambition est de répondre à un ensemble de problématiques prégnantes dans les territoires ruraux en général, et finistérois en particulier : turn-over, temps partiels subis, nouveaux profils (qualiticien, infirmière hygiéniste...), métiers en tension (médecins coordonnateurs, kinésithérapeutes...). Le GEM3S s'est aussi donné comme orientation d'assurer les remplacements prévisibles (congés de fin d'année, de maternité, parentaux, de formation...) via la constitution d'un pool de salariés. Et à plus long terme de travailler sur des parcours de formation et d'insertion professionnelle, notamment sur les métiers en tension, en lien avec les organismes paritaires collecteurs agréés et les centres de formation.
Une longue réflexion
Mais cette idée séduisante a mis du temps à sortir des limbes. Ce malgré le volontarisme de Serge Raoult, directeur de l'association Sainte-Bernadette -gestionnaire d'un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)-, président et principal instigateur du GEM3S. Si l'assemblée générale constitutive du groupement s'est tenue, le 15 octobre 2008, le travail de réflexion remonte à fin... 2005. « À ma prise de fonction, j'ai été confronté à des problématique de ressources humaines lourdes et à un climat social de burn-out. 40 % du personnel était insatisfait de son temps de travail », raconte-t-il. Le directeur se lance dans un premier projet de groupement pour mutualiser des emplois. Qui tombe rapidement à l'eau. Non faute de financement des pouvoirs publics, mais faute de candidats...
Ce qui ne décourage pas pour autant Serge Raoult, qui reprend son bâton de pèlerin. Le projet trouve une nouvelle impulsion, fin 2007, grâce au soutien du Centre de ressources des groupements d'employeurs (CRGE) de Bretagne, et après un grand forum. L'occasion de rencontrer les acteurs de l'aide à domicile du territoire de Brest engagés dans la même réflexion. « Nous pensions créer un groupement spécifique. Mais pour être viable, il valait mieux rassembler nos forces. L'ensemble du secteur médico-social et sanitaire doit se préparer à une pénurie de main d'œuvre », argumente Gabrielle Hémery, directrice de l'Association de gestion des emplois familiaux (Agef) du Finistère, membre fondateur du GEM3S.
Début 2008, un nouveau groupe de travail, réunissant une douzaine d'acteurs, planche à un rythme soutenu, accompagné par le CRGE et avec le soutien financier des pouvoirs publics. « À l'été 2008, j'ai posé une condition, raconte Serge Raoult, à la tête du groupe de travail. Les structures devaient amener des promesses d'emplois dans la corbeille de la mariée ! » Conduisant à la défection de la moitié des adhérents potentiels....
« La solidarité financière est le principal obstacle. Nous avons donc prévu des garanties », détaille Emmanuelle Pacreau-Mary, directrice du GEM3S. Ainsi, les adhérents ne sont solidaires que proportionnellement à leur participation. Mais pour Serge Raoult, ce n'est pas le vrai frein : « L'adhésion à un GE représente une délégation du pouvoir et exige d'être transparent dans sa gestion. En outre, cela demande de reconnaître qu'on rencontre des problèmes de recrutement et d'accepter le regard de salariés qui peuvent comparer les pratiques professionnelles », détaille-t-il. Il faut aussi convaincre que le groupement permet de maitriser ses dépenses, malgré l'application d'un coefficient de facturation (qui représente un surcoût d'environ 6 %) devant couvrir les frais de structure. « Une des problématiques prégnantes du secteur c'est la gestion instable des effectifs. Mais personne n'en mesure le coût indirect », déplore Serge Raoult.
Fin 2008, six membres fondateurs (1) se lancent. Un an plus tard, le cercle des adhérents s'est déjà considérablement étoffé, puisqu'il en compte 13. « Le recours au GEM3S, plutôt qu'à une agence d'intérim, est plus qualitatif et moins onéreux », vante Anne-Laure Le Coz, directrice de l'Ehpad communal de La Boissière (Morlaix). Mais comme l'Ehpad relève de la fonction publique territoriale, cela représente tout de même un investissement. « C'est la convention collective du groupement, qui coûte plus cher que les grilles de rémunérations, qui s'appliquent. De fait, nous aurons un recours limité aux postes pour lesquels nous n'avons pas d'autre choix. »
À travail égal, salaire égal
Alors que la majorité des fondateurs relèvent de la convention collective du 31 octobre 1951, c'est celle de 1983 (aide à domicile) qui a été retenue. « C'est la plus large et, contrairement à ce qu'on croit, elle n'est pas forcément la moins disante », justifie la directrice du GEM3S. « Si on voulait rassembler l'aide à domicile, il nous fallait parler le même langage. En outre, la 51 aurait été trop chère pour eux », admet Serge Raoult. Mais l'objectif n'est pas de mettre à disposition des salariés au rabais. Si le professionnel du GEM3S intervient dans un établissement où les rémunérations sont plus avantageuses, il bénéficie d'un complément de salaire. En outre, cela a permis au groupement d'obtenir l'agrément qualité. Ses adhérents de l'aide à domicile bénéficient ainsi de l'exonération de charges attachée.
Le recours au GEM3S décharge les employeurs de tout un ensemble de démarches, même s'ils restent responsables des conditions d'hygiène et de sécurité. Le rôle d'Emmanuelle Pacreau-Mary ? Étudier les besoins de chacun, construire les postes partagés, recruter les salariés (même si la décision est collégiale).... « Je fais office de service ressources humaines décentralisé et j'accompagne employeurs et professionnels dans le cadre de la bonne intégration des seconds, explique la directrice. Je construis les plannings en fonction des temps de mise à disposition chez chaque adhérent et de leurs impératifs organisationnels. Le principe retenu, par mesure d'efficacité, est celui d'interventions à la journée. »
Des postes variés
Fin 2009, le GEM3S employait 11 salariés, dont quatre en CDI. « On passe par des CDD le temps de pérenniser les postes et de voir si cela convient à tous », explique la directrice. Mais pour arriver à l'équilibre financier, le GEM3S doit encore atteindre 50 temps plein... Aux salariés, le GEM3S propose donc des emplois stables à temps choisis. « Je peux concilier vie personnelle et vie professionnelle. Si je veux reprendre une activité plus importante, c'est le GE qui complétera mon temps de travail », se satisfait Karine Lesné, animatrice en CDI à mi-temps. Patrick Bodenes, informaticien, est quant à lui mis à disposition chez cinq employeurs. « Je travaille sur la création d'un site Internet, la documentation pour l'utilisation de logiciels, je fais de l'assistance à utilisateurs... Mes tâches sont très variées », complète-t-il. « J'essaie de créer des passerelles entre chaque postes, témoigne également Véronique Ruelle, psychologue clinicienne. Mais cela demande de bien s'organiser et de bien communiquer avec chaque directeur. »
Les projets pour 2010 ne manquent pas. Une infirmière-hygiéniste doit rejoindre le GEM3S, dans le cadre d'une expérimentation financée par la Ddass en matière de prévention des risques infectieux. Qui, par la même occasion, draguera de nouveaux adhérents. Et un qualiticien devrait aider deux adhérents dans leur démarche de certification. Reste un sacré défi : recruter un médecin coordonnateur.
(1) Les associations Sainte Bernadette, Saint-Vincent Lannouchen et Ty Yann, la fédération départementale d’aide à domicile ADMR 29, l’Agef 29, et la fondation CHM de Roscoff.
GEM3S : 02 98 79 46 80
Noémie Gilliotte
En chiffres
Fin 2009, 13 adhérents :
5 Ehpad associatifs, 1 Ehpad territorial, 5 associations d'aide à domicile,
2 centres de soins
11 salariés (5,70 ETP) : 2 psychologues, 1 animatrice, 1 informaticien, 1 infirmière, 1 ergonome, 1 neuropsychologue, 2 diététiciennes, 2 aides-soignantes.
Budgets 2009 : 250 000 € de budget global dont 100 000 € de frais de structure
« De nouvelles compétences »
Henri Hénaff, directeur de l'association Saint-Vincent Lannouchen, trésorier du GEM3S
« J'avais besoin de recruter des personnes hautement qualifiées, à temps partiel, que seul je n'arrivais pas à trouver et fidéliser. Aujourd'hui, grâce au groupement d'employeurs, je dispose d'un référent qualité (0,40 ETP), d'une neuropsychologue (0,20), d'un informaticien (0,33), d'un ergonome (0,5) et bientôt d'une diététicienne. Il s'agit de nouvelles compétences pour l'établissement, et d'un enrichissement lié à leurs expériences dans d'autres sites et auprès d'autres publics. Une des vertus du groupement est aussi de pouvoir tester de nouvelles fonctions et de voir comment elles s'inscrivent dans le tissu des emplois. Mais il faut porter une attention particulière aux salariés partagés, pour bien les intégrer à l'établissement et à son mode de fonctionnement. Ils doivent être partie prenante du projet collectif. »