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15e Trophée - Coup de cœur de la rédaction
« Lettre à moi-même »

01/01/2020

Outre le Prix « Diriger demain » décerné à Anaïs Verdin [1], la rédaction eu un coup de cœur pour la contribution d’Asher Berros. Cet ancien kiné fraîchement diplômé d'un master en management s'est livré à lui-même ses aspirations, ses attentes. Ce qu’il appelle un guide de conscience pour l’accompagner tout au long de son parcours afin de lui rappeler ses engagements d’origine.

Alors voilà, tu y es, cet e-mail tant attendu est enfin arrivé : « Toutes mes félicitations, vous êtes diplômé du master 2 Management des organisations sanitaires et sociales (Moss). » Cette fabuleuse nouvelle s’accompagne instantanément d’une évidence, tu vas devoir la rédiger cette lettre que tu t’étais promis, lettre où tu poseras sur le papier tous tes sentiments, tes évidences, tes souhaits, tes attentes et tes craintes. Cette lettre qui t’accompagnera tout au long de ta carrière et qui jouera en quelque sorte le rôle de guide de conscience. Tu dois pouvoir garder en toi cette passion qui t’anime à l’idée de pouvoir un jour être directeur, et si le quotidien de la fonction l’a fait s’estomper, la lecture de cette lettre te rappellera les vraies raisons qui doivent t’aider à avancer.

Toujours améliorer les choses

Tu es un éternel optimiste, tu as toujours voulu pouvoir améliorer les choses, et c’est sans doute ce qui t’a fait quitter une carrière de kinésithérapeute pour te lancer dans cette folle aventure et vouloir devenir directeur d’une structure médico-sociale. Les quatre années passées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), y sont certainement pour quelque chose. Le challenge est de taille, mais quelle gratification d’y arriver ! Pendant ces années, tu te le demandais souvent, ne pourrait-on pas faire quelque chose pour améliorer le climat général de cette structure, lui rendre un peu de son rôle initial, à savoir un lieu de vie ? Tu essaies de changer les choses, tu mets de la musique et tu chantes, tu danses avec les résidents, les aides-soignantes, et c’est ce sentiment qui t’habite, cette fierté, lorsque tu vois des sourires sur leurs visages, qui doivent te guider dans tes futures fonctions.

Ton expérience de soignant est une véritable force, parce que ces dix années passées à soigner ont forgé ta véritable identité. Tu sais ce que représente une prise en charge compliquée, tu connais le relationnel avec les familles et surtout tu as acquis une légitimité auprès de tes collègues soignants. Il ne tient qu’à toi de conserver cette légitimité une fois directeur, et de l’utiliser à bon escient.

Tu ne dois pas être un directeur pour effectuer une tâche, mais pour accomplir une mission qui te tient à cœur, celle de faire de ton établissement un exemple pour les autres. Tu le vois déjà cet établissement où les équipes viennent travailler avec le sourire. Tu le vois déjà cet établissement où la première préoccupation est le bien-être des résidents. Tu le vois déjà cet établissement où tu mets en place une véritable cohésion de groupe. Tu le vois déjà cet établissement, « ton établissement ». Parce que finalement il représente pour les usagers leur maison, alors tu dois tout faire pour que ce lieu devienne VOTRE maison, aux équipes, aux résidents et aux familles, à toi.

« On ne devient pas directeur seul »

Le rôle du directeur d’une structure médico-sociale est spécial, différent des autres établissements. Le travail y est tellement prenant pour les équipes, tellement exigeant, et si mal valorisé. Pourtant, grâce à cette formation et aux recherches pour ton mémoire, tu as pu rencontrer des jeunes aides-soignantes, qui aiment leur métier, et qui ne changeraient pour rien au monde. Alors devant de tels engagements, le directeur ne peut que s’investir pleinement et montrer au personnel sa gratitude, que tous les jours il ne peut rien faire sans eux. L’important est là, faire ressentir aux professionnels qu’ils sont indispensables, en tant que soignants expérimentés, mais aussi en tant que membres d’une grande famille.

Le travail de directeur a changé parce que les générations ont changé. Les jeunes salariés ont besoin de se sentir reconnus individuellement pour leur travail et leur personne. Tu ne dois jamais oublier ce que ton travail de mémoire t’a apporté : les jeunes générations ont besoin de sens, de reconnaissance, de valorisation de leur travail, et ils désirent te voir à leurs côtés. Oublié le temps des directeurs enfermés dans leurs bureaux, aujourd’hui les équipes t’attendent sur le terrain, pour partager leur quotidien. N’oublie jamais cette règle que tu as toujours affectionnée : on ne devient pas directeur seul, mais ce sont les autres qui font de toi un directeur respecté et respectable. Et par pitié Asher, ne tiens jamais de double, de triple ou de quadruple discours. Reste intègre et crois en ce que tu penses être juste, on ne te respectera que plus.

Encore une petite piqûre de rappel. Les membres du personnel avec qui tu auras des difficultés ne représentent que 2 à 3 % de tes effectifs. Une grande question se posera alors à toi, faut-il y passer tout ton temps et ton énergie quitte à délaisser les 97 % restant qui sont volontaires et viennent travailler tous les jours, parce qu’inéluctablement, si tu ne t’occupes pas d’eux, des difficultés apparaîtront avec ces salariés aussi.

Exemplaire tu seras

Toute ta carrière, une valeur ne t’a jamais quittée, être irréprochable vis-à-vis de tes patients, alors sers-toi de cette force pour être irréprochable vis-à-vis des tes équipes, des résidents et des familles. Le directeur doit donner l’exemple et être exemplaire pour pouvoir en demander autant. Cela passe par la connaissance de ton métier certes, mais aussi dans le « bon vivre ensemble ». Tout le monde mérite d’être salué et d’être interrogé sur son état personnel ou professionnel. Une des règles que tu suivras, c’est qu’une bonne réunion commence à l’heure et finit à l’heure, si toi tu n’y arrives pas, ne l’impose pas aux autres.

En résumé, tu l’as compris, il est crucial de créer un véritable sentiment de cohésion. Le plus important pour toi sera de pouvoir compter sur tes collaborateurs, parce qu’à vouloir tout gérer tout seul on finit par ne rien gérer du tout. Tes collègues sont une véritable force, et un soutien indéfectible pourra vous lier si tu parviens à leur en donner envie. Ta hiérarchie ne pourra que féliciter un manager qui a réussi à fédérer et à donner une véritable identité à un établissement.

Voir toujours plus loin

À présent nous allons parler d’un sujet que toi Asher n’aime pas trop, tes craintes. Parce qu’il y en a des craintes, forcément, des peurs, des appréhensions, quand il s’agira de mettre en application des solutions que tu as imaginées et pensées comme adéquates. Un petit retour en arrière et c’est le même sentiment que tu éprouvais au début de ta carrière de kiné, quand il était question de choisir la bonne thérapeutique pour un patient. Il faut assumer ses choix et donner envie aux autres de nous suivre. Aujourd’hui, il s’agit de prendre des décisions, décisions qui pourront être très dures, je ne cesse de penser au premier entretien avec un employé pour une faute grave ou la première annonce de licenciement. Et c’est pour cela qu’il faut savoir s’encadrer, avoir des collaborateurs avec lesquels tu pourras partager tes craintes, et sur ce point je suis déjà sur d’une chose, tes collègues du master Moss sauront être un soutien de touts les instants.

Pour finir cette lettre, je voulais te rappeler une chose, tu as toujours voulu avoir de l’avance sur les autres, innover et rechercher au quotidien comment tu pourrais améliorer les conditions de travail des équipes (rappelle-toi cette petite bataille, finalement gagnée, pour l’installation des rails de transfert dans l’Ehpad). Tu rêves de diriger un établissement 2.0, moderne, où la technologie ne remplace pas l’homme mais l’aide véritablement, et participe à la prise en charge des usagers, il ne tient qu’à toi de t’en donner les moyens et de tout faire pour y arriver. Alors garde pour toujours cette volonté de voir plus loin, de chercher le mieux et le meilleur pour les autres, parce qu’on ne t’en sera que davantage reconnaissant.

Ma petite lettre est finie, garde-la véritablement avec toi, parce que ces mots écrits sont les tiens à 32 ans, à la sortie de ton master, et à l’entrée d’une nouvelle page de ta vie. Il tient à chacun de faire ce qu’il croit réellement juste et bon, et on ne pourra jamais te reprocher de défendre un combat que tu estimes justifié.

Bien à toi,

Toi-même

[1] [1] Lire son texte dans le n° 181 de Direction[s], p. 24.

Asher Berros

Carte d'identité

Nom. Asher Berros

Parcours. Kinésithérapeute pendant neuf ans.

Formation. Master 2 Moss 2018-2019 à l’École de management de Strasbourg.

Fonction actuelle. Directeur adjoint stagiaire d’un accueil de jour depuis septembre 2018.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 182 - janvier 2020






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