« Recours à la paille de lin d'origine locale à la place de produits phytosanitaires pour lutter contre les mauvaises herbes, remplacement de la tondeuse et du taille-haie à essence par du matériel électrique, mise en place du recyclage des cartons, valorisation des déchets sur les chantiers… » Lorsqu’il s’agit d’évoquer des solutions pour moins polluer, Mickaël Feron n’est pas à court d’exemples malgré sa timidité. Membre de l’équipe Espaces verts de l’établissement et service d’aide par le travail (Esat) du Champ fleuri, à Cléon (Seine-Maritime), ce jeune travailleur de 25 ans, passionné par son activité, a rejoint en octobre dernier la commission Responsabilité sociale et environnementale (RSE) des Papillons blancs 76, aux côtés de cadres et de professionnels des différentes structures. « Je voulais parler de ce que nous avons déjà mis en place pour mieux respecter l'environnement et proposer un projet de mini-déchetterie pour l'Esat », explique encore le jeune homme. « C'est le premier usager à y siéger, mais nous souhaitons en intégrer davantage », poursuit Adélaïde Lepileur, directrice du site de Cléon-Elbeuf. La mise en place de cette instance de pilotage fait suite à l'écriture du projet associatif pour la période 2016-2020, intégrant la responsabilité sociale et environnementale comme un engagement stratégique. « Cette commission, qui se réunit chaque trimestre, a pour mission d'identifier les enjeux prioritaires au regard de notre activité, d'accompagner la mise en place d'actions dans les domaines du développement durable et de l'action sociale et sociétale. Chacune d'entre elles est testée durant un an dans un établissement pilote, avant d'être généralisée », précise Emmanuel Afonso, directeur général des Papillons blancs 76.
RT 2012 et IK Vélo
Des exemples ? Le remplacement progressif de l'ensemble des ampoules classiques par des LED sur tous les sites de l'association, l'évolution du parc automobile vers des véhicules hybrides, travaux d'isolation faisant suite à un audit énergétique ou encore choix de constructions labellisées RT 2012 pour les nouveaux bâtiments… Les changements sont bien visibles. « Mais ils ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre car, du fait du coût de certains de ces projets, il est nécessaire de penser à un amortissement à long terme, qui vient télescoper la logique budgétaire annuelle en cours dans le secteur », remarque Adélaïde Lepileur. La démarche ayant aussi pour but d'améliorer la qualité de vie au travail (QVT), elle s'est traduite par la signature d'un accord sur l'égalité femmes-hommes et l'augmentation du budget formation. « Dans le cadre d'un appel à projets de l'agence régionale de santé (ARS) Normandie remporté fin 2019, nous allons renforcer notre démarche QVT. Des animateurs de prévention vont être formés pour réaliser un audit de chaque site avant de faire des préconisations. Et les cadres à la prévention des risques psycho-sociaux », détaille Emmanuel Afonso. Récemment aussi, un accord d'entreprise « IK Vélo » (comprendre indemnité kilométrique vélo) a été signé. « Les salariés optant pour des déplacements domicile-travail en vélo bénéficient désormais d'un forfait annuel de 200 euros », précise Emmanuel Afonso. Un motif de fierté pour le directeur général car, pour l'heure, seules 150 structures de l'économie sociale et solidaire ont mis en place un tel dispositif.
La brigade du tri en action
Une petite visite du centre d'activités de jour (CAJ) La Clérette, à Bapeaume-Lès-Rouen, illustre la manière dont les personnes accompagnées sont partie prenante de la démarche. Installé dans une ancienne usine de feutre entièrement réhabilitée, l'établissement largement ouvert sur l'extérieur accueille des adultes, souvent jeunes, n'ayant pas les capacités à intégrer un Esat. À l'étage, éclairé par de vastes verrières, la « brigade du tri », constitué d'un binôme de deux usagers, passe d'atelier en atelier. Sa mission ? Collecter les déchets recyclables, notamment les chutes de carton et de papier, avant de les rassembler et d'aller les déposer dans le conteneur prévu à cet effet, dans la cour. Dans l'une des salles se tient l'atelier Bénévolat. Ici, des usagers viennent trier des jouets et des vêtements donnés notamment par leurs familles. Une tâche prise très au sérieux par les participants qui s'assurent que les jeux fonctionnent et que les vêtements sont en bon état. « Tout ce qui peut resservir sera remis aux Restos du Cœur », explique Véronique Viard, l'aide médico-psychologique chargée de l'animation de cette activité présentant un double intérêt : rappeler l'intérêt du recyclage et contribuer à développer l'esprit citoyen des participants. « Ils viennent avec nous remettre ces collectes aux bénévoles des Restos du Cœur et pour eux, c'est important », complète l'aide médico-psychologique. Dans les autres ateliers, même état d'esprit : « La sensibilisation à l'utilisation raisonnée des produits comme la peinture ou le carton, pour éviter le gaspillage porte peu à peu ses fruits », constate le moniteur éducateur François Richard qui s'occupe notamment des ateliers de jardinage et propose des chantiers nature avec le Conservatoire des espaces naturels de Haute-Normandie. « C'est désormais un sujet pour les usagers, ils sont demandeurs d'actions dans ce domaine », poursuit-il. « La question du respect de l'environnement traverse la société. Il est important que les personnes accueillies soient partie prenante de cette préoccupation collective. Aujourd'hui, c'est d'ailleurs un véritable enjeu pour eux, qu'elles évoquent souvent en conseil de la vie sociale, réclamant l'intervention de spécialistes extérieurs », souligne de son côté Gabrielle Barray, la directrice du centre.
L'anti-gaspi au menu
C'est au rez-de-chaussée que se situent la cuisine et la salle à manger. Et là aussi, la démarche RSE produit ses effets, à plus d'un titre. Le premier ? « La signature d'un avenant au contrat avec notre prestataire de restauration afin de faire davantage appel aux circuits courts et aux produits locaux et de remplacer, par exemple, les emballages plastiques par des livraisons dans des contenants en inox », détaille Emmanuel Afonso. Cette exigence sera encore renforcée lors du renouvellement du contrat. Le second ? La lutte contre le gâchis alimentaire. « Les personnes accompagnées, comme les professionnels, sont sensibilisés au fait de se servir avec modération. À l'issue du repas, ce qui n'a pas été consommé est pesé, pour prendre conscience des pertes », explique Gabrielle Barray. La prochaine étape se déroulera avec une entreprise locale, Terraléo, chargée de transformer les déchets alimentaires en biogaz afin de produire de l'énergie. « Ce qui contribuera à réduire le montant de notre taxe d'ordures ménagères, basée sur le nombre de tonnes de déchets collectés, tout en nous permettant de cheminer vers le zéro déchet », indique Emmanuel Afonso. Des efforts qui ont notamment conduit les Papillons blancs 76 à signer une charte d'engagement lors de la COP 21 de la métropole Rouen Normandie. « À ce jour, nous avons tenu les deux tiers des engagements pris. Mais plus important, c'est ce qui nous a notamment permis de nous inscrire dans une démarche au niveau du territoire, de gagner en notoriété, de nouer des relations avec des partenaires locaux impliqués dans la transition écologique, ou encore d'améliorer l'attractivité de l'association », observe Emmanuel Afonso, qui entend obtenir le label Engagé RSE délivré par l'Afnor.
Jean-Marc Engelhard - Photos : Thomas Gogny
« Des actions stimulantes pour tous »
Catherine Bazin-Hurtebize, directrice du site de Fécamp, Papillons blancs 76
« La démarche RSE a un effet dynamisant. D'abord, parce qu'elle conduit à s'interroger de manière globale sur l'ensemble de nos pratiques. Mobilité des salariés, stratégie immobilière, politique d'achats… Tout doit désormais être repensé à l'aune du développement durable, ce qui est stimulant pour les équipes. Un élément d'autant plus intéressant que cela concerne également les activités que nous proposons aux personnes accueillies, dans le but d'en faire des acteurs de la démarche. Par exemple, certaines se sont portées volontaires pour suivre une sensibilisation au tri des déchets proposée par l'agglomération Fécamp Caux Littoral, avant de devenir "ambassadeurs" des bonnes pratiques. D'autres ont participé à des opérations de nettoyage des plages organisées par une association locale de protection de l'environnement. Autant d'actions ciblées visant à les responsabiliser et à leur donner toute leur place au sein de la société. »
En chiffres
Les Papillons Blancs 76
• 5 sites géographiques
• 16 établissements et services (foyer d'hébergement, foyer de vie, Esat, maisons d'accueil spécialisées – MAS, instituts médico-pédagogiques – IMP, CAJ…)
• 338 professionnels
• 552 places d'accueil
Publié dans le magazine Direction[s] N° 184 - mars 2020