Il est 9 h 30 lorsque Hugo, trois ans et demi, arrive dans sa classe de petite section de l’école Normandie, à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où il est scolarisé depuis septembre 2019. Chaque jour, il rejoint ses camarades avec une heure de décalage, afin d’éviter le temps de rassemblement, moment d’agitation qui pourrait perturber ce petit garçon atteint de troubles du spectre autistique (TSA). Ce matin-là, il est accueilli par Julien Rondet, éducateur spécialisé, et Viviane Magnan, psychologue, deux membres de l’équipe mobile de soutien à la scolarisation mis sur pied par les Papillons Blancs-Appedia (devenue Papillons Blancs de la Colline en janvier 2020 (1]) en lien avec l’inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés (IEN-ASH) du département.
Une demande de l’école
Pendant toute la matinée, Julien Rondet accompagne Hugo dans sa vie d’élève. Être à ses côtés, focaliser son attention en permanence, lui signifier grâce à un cahier de photos repositionnables quelle est la prochaine activité prévue, le guider à sa table… Viviane Magnan reste davantage dans une attitude d’observatrice. « Cela permet de croiser les regards », explique-t-elle. Si l’éducateur est auprès d’Hugo une demie-journée par semaine, la psychologue est présente au cas par cas durant les deux à trois mois que dure l’intervention de l’équipe mobile.
Celle-ci est mobilisée à la demande de l’école. « Les établissements font remonter leur difficulté à l’inspection, qui la transmet à l’IEN-ASH. C’est cette dernière qui nous fait redescendre l’information, détaille Candice Huraux, cheffe de service. Je rencontre l’école pour en savoir un peu plus sur la problématique de l’élève et, en fonction de cela, on prévoit une rencontre avec la famille, sachant que rien n’est entrepris sans son consentement. Je lui explique notamment qu’il s’agit de mettre l’accent sur la scolarisation de leur enfant, et non pas l’inverse, que l’objectif n’est pas de démontrer qu’il n’a rien à faire à l’école. »
La mobilisation de l’équipe mobile, qui ne nécessite pas de notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), est ensuite rapidement effective. Chaque enfant est suivi par un des deux éducateurs spécialisés, Julien Rondet ou Charlotte Venthou-Dumaine, accompagné-e de Viviane Magnan. À deux, selon l’âge de l’enfant, ses troubles (TSA ou comportements problèmes), son niveau de compréhension ou encore ses centres d’intérêt, ils mettent en place des outils adaptés. « Pour Hugo, qui ne verbalise pas, le principal objectif était de lui donner des moyens de communication et des repères pour qu’il puisse adopter un comportement d’élève dans la classe, précise Julien Rondet. Une fois qu’on a élaboré les outils, on les transfère à l’école. »
Soutien de l’équipe enseignante
La philosophie de l’équipe mobile repose en effet sur le transfert de compétences. « Même si nous sommes sensibilisés à ces questions, nous ne savons pas toujours si nous allons dans le bon sens, confie Jasmine Mosconi, directrice de l’école Normandie. Cela nous aiguille et représente un soutien essentiel pour l’équipe et l’enseignante, car ce sont souvent des situations où l’on se sent seul. » Outre la transmission des outils à l’enseignant-e de l’enfant et à son accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) quand il y a lieu, l’équipe mobile prévoit deux heures de sensibilisation sur les TSA et les comportements problèmes à destination de l’ensemble des pédagogues.
En fin d’intervention, un bilan est réalisé et adressé à l’école et à la famille, et des préconisations sont élaborées pour la suite. « Nous restons disponibles pour répondre à leurs questions, par exemple lors d’un changement de classe et d’enseignant », illustre Julien Rondet.
Des actions de sensibilisation
Depuis janvier 2019, date depuis laquelle l’équipe mobile est opérationnelle, 70 élèves avec TSA et/ou présentant des troubles du comportement rendant complexe leur scolarisation en milieu ordinaire ont bénéficié du dispositif. « Ce projet est né dans le cadre d’un appel à candidatures de l’agence régionale de santé (ARS) pour créer une unité d’enseignement élémentaire (UEM), rappelle Alban Roussel, directeur du développement des Papillons Blancs de la Colline. Adossée à cela, une enveloppe était proposée pour créer un dispositif facilitant l’inclusion des enfants sortant d’UEM. Nous nous sommes appuyés notamment sur l’expérience du service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ouvert en 2016 dans le nord du département, où nous avons développé des actions de sensibilisation des familles et de tous les partenaires de droit commun (petite enfance, école, etc). Une expérience qui a très bien marché. »
Avec Julie Lorton et Claire Pagès, respectivement directrice générale et directrice du service Autisme scolarisation, ils imaginent les contours de la future équipe mobile. « Le fait que nous ayons une UEM, nous nous rendions bien compte qu’il y avait un besoin, en particulier de sensibilisation au sein des écoles », souligne Julie Lorton, pour qui la réussite de ce service ambulatoire est autant le résultat des actions menées au quotidien par l’association, en particulier au niveau des UEM, mais aussi de l’appui de l’IEN-ASH du département (lire l'encadré). « C’est le résultat d’une histoire commune, appuie Alban Roussel. C’est aussi un changement de paradigme avec le médico-social qui se met au service de l’Éducation nationale. Cela a pu susciter de la méfiance au départ, mais l’équipe mobile est vite apparue comme une ressource et non comme des professionnels venant surveiller et juger. »
Des missions de sensibilisation
Hormis celles planifiées dans les écoles où elle intervient, l’équipe mobile organise des sessions de sensibilisation à plus grande échelle, à l’image de celle animée par Claire Pagès et Candice Huraux, le 5 mars 2020, devant une trentaine de directrices et directeurs d’écoles primaires dans le cadre du pôle inclusif d’accompagnement localisé (Pial) de Meudon-Chaville, un dispositif lancé à la rentrée 2018 suite à la présentation du plan d’action gouvernemental pour une école inclusive. « Après les directeurs, une session sera organisée pour les enseignant-e-s et une autre pour les auxiliaires de vie scolaire (AVS), détaille Claire Pagès. Ces actions d’information et de prévention sont très importantes pour soutenir la scolarisation des élèves à besoins particuliers, montrer aux équipes pédagogiques que nous pouvons travailler ensemble et que l’école inclusive est possible si on en leur donne les moyens. Il faut créer plus de dispositifs comme ceux-là, permettant de lever les appréhensions et les préjugés. » Message entendu : sur la base de l’expérience menée dans les Hauts-de-Seine, le gouvernement a adressé le 14 juin 2019 une circulaire aux ARS afin d’encourager la création d’équipes mobiles d’appui médico-social pour la scolarisation des enfants en situation de handicap.
[1] Suite à sa fusion avec l’association APEI Sèvres-Chaville Ville d’Avray.
Emmanuelle Chaudieu - Photos : William Para
« On donne enfin les clés de l’école inclusive »
Martine Aussibel, IEN-ASH des Hauts-de-Seine
« Sur le département, nous avions renforcé les équipes de conseillers pédagogiques de soutien à la scolarisation des élèves handicapés, mais nous avions cependant identifié à la fois un besoin croissant et le fait que les réponses pédagogiques apportées étaient insuffisantes pour les enfants avec troubles du comportement, porteurs ou non de TSA. Lorsque l’association des Papillons Blancs de Saint-Cloud nous a présenté leur projet à la rentrée de 2018, cela a tout de suite fait écho à nos besoins. Nous nous sommes mis au travail ensemble et avons défini les modalités de saisine par les écoles de l’équipe mobile. Dès les premières interventions nous avons eu des retours extrêmement positifs des équipes qui ont dit : “Enfin on nous donne des clés, on a les réponses que l’on attend”. C’est une aide précieuse. L’école inclusive est une réalité qu’il faut faire vivre, mais l’Éducation nationale ne peut pas le faire seule, elle a besoin des partenaires du médico-social. »
En chiffres
- Les Papillons Blancs de la Colline : 25 établissements et services, 500 salariés, 700 personnes accueillies.
- Équipe mobile : 1 directrice, 1 cheffe de service, 2 éducateurs spécialisés, 1 psychologue.
- File active au 31 mars 2020 : 70 enfants, de la maternelle au collège. 16 enfants peuvent être accompagnés en même temps (8 par éducateur).
- Temps moyen d’accompagnement : 25 heures sur deux mois.
- Budget : 180 000 euros par an, financé par l’ARS.
Contact
Papillons Blancs de la Colline : 01 46 02 51 98
Publié dans le magazine Direction[s] N° 185 - avril 2020