Dans une décision du 30 janvier 2013, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme que les associations gestionnaires d’établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) entrent bien dans le champ d’application de l’article 432-12 du Code pénal, qui définit et réprime le délit de prise illégale d’intérêts.
Selon le Code pénal, « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
Confusion d'intérêts
Dans cette affaire, le directeur d’une association tutélaire s’était rendu coupable d’agissements attestant d’une confusion manifeste entre ses intérêts propres, ceux de l’association qu’il dirigeait et ceux des majeurs protégés dont il avait la responsabilité. Il avait, en effet, fait souscrire tant pour le compte de l’association que pour le compte des majeurs protégés des contrats (assurances et travaux de construction en particulier) avec des sociétés pour lesquelles il agissait comme agent commercial.
Parmi les arguments soulevés en défense, le directeur prétendait n’être chargé d’aucune mission de service public au sens de l’article 423-12 précité.
La Cour de cassation estime, au contraire, l’infraction caractérisée, et considère que « doit être regardée comme chargée d’une mission de service public, au sens de l’article 423-12 du code pénal, toute personne chargée, directement ou indirectement, d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique ».
Agir avec prudence
Cette décision confirme une jurisprudence antérieure (Cass, Crim 3 avril 2007, n° 06-83801) et ne constitue donc pas une totale surprise.
Elle doit toutefois inviter les dirigeants d’associations gestionnaires d’ESSMS à faire preuve de la plus grande vigilance, et à proscrire toute forme de relations économiques entre l’association qu’ils dirigent et un quelconque prestataire dans lequel ils auraient des intérêts directs ou indirects. Le délit de prise illégale d’intérêts a un champ d’application très vaste en ce sens où il ne suppose pas-même, pour être constitué, l’existence d’un intérêt personnel apparent… et que l’on peut fort bien être reconnu coupable de l’infraction sans s’être enrichi à titre personnel !
Source : arrêt de la chambre criminelle de laCour de cassation du 30 janvier 2013, n°11-89224
Laurent Cocquebert, avocat au barreau de Paris