Dans un arrêt du 3 novembre 2016, la Cour de cassation a reconnu qu'était illicite et abusive la clause du contrat de séjour proposé aux résidents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) public conventionné prévoyant la restitution du dépôt de garantie dans un délai de 2 mois suivant le départ du résident. Une décision à retenir par l'ensemble des gestionnaires d'Ehpad, tant publics que privés.
13 clauses sur la sellette
A l'origine de cette affaire : l'action menée par une association de consommateurs qui a assigné l'association gestionnaire de l'Ehpad public en justice aux fins de voir juger abusives ou illicites 13 clauses du contrat de séjour. Au final, la Cour de cassation ne lui a donné gain de cause que sur une seule. Celle qui était rédigée ainsi, en parfaite méconnaissance de la réglementation : "à son arrivée, un montant correspondant à 30 jours d'hébergement sera demandé au résidant à titre de dépôt de garantie. Celui-ci a pour objet de couvrir les dégradations éventuelles dont il est prouvé qu'il en est l'auteur relevant du fait du résidant, autre que la vétusté et la force majeure lors de la libération de la chambre, le résidant étant tenu de la restituer dans l'état où elle a été mise à sa disposition, ainsi que le défaut de paiement de factures. Ce dépôt sera rendu dans sa totalité ou partiellement dans les deux mois suivant le départ du résidant, au vu des états des lieux établis contradictoirement par écrit à l'entrée et à la sortie et de la facturation finale".
Délai de restitution de la caution
Cette clause du contrat de séjour est illicite en ce qu'elle contrevient aux dispositions de l'article R. 314-149 du code de l'action sociale et des familles (CASF), qui s'impose également aux établissements d'hébergement pour personnes handicapées. La réglementation prévoit en effet que la caution doit être restituée à la personne hébergée ou à son représentant légal dans les 30 jours qui suivent sa sortie de l'établissement, déduction faite de l'éventuelle créance de ce dernier.
Le gestionnaire de l'Ehpad devra donc modifier en conséquence son contrat de séjour pour l'avenir mais aussi ceux déjà conclus avec les résidents, par le biais d'un avenant.
Des clauses validées
Trois autres clauses du contrat de séjour étaient soumises à la Cour de cassation qui les a validées. Il s'agit des clauses :
- prévoyant un prix forfaitaire pour les prestations de gîte, couvert et entretien ;
- ne prévoyant pas de réduction pour les prestations non servies en cas d'absence pendant 72 heures, la Haute juridiction considérant que les établissements "sont libres de fixer le montant des déductions qu'ils accordent aux résidents hospitalisés ou absents sur le tarif hébergement" ;
- stipulant un délai de préavis de 1 mois en cas de départ du résident pendant lequel ce dernier est tenu de régler les frais d'hébergement, sous déduction du coût alimentaire, sauf occupation de sa chambre par un nouveau résident dans ce délai.
Sur ce dernier point, la Cour de cassation écarte le caractère abusif de la clause pour deux motifs : d'une part, le préavis est "légitime" s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, d'autre part, à titre de réciprocité, un préavis de 1 mois est prévu en cas de résiliation par l'établissement. Ce faisant, aurait pu ajouter l'arrêt, la clause n'avait ni pour objet ni pour effet de créer, au détriment du consommateur, un "déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat" caractéristique des clauses abusives (article L. 212-1 du code de la consommation).
Source : Cour de cassation, 1re chambre civile, 3 novembre 2016 (pourvoi n° 15-20621).
Sybilline Chassat-Philippe