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QVT : quels prérequis ?

02/02/2022

Avant même d’engager une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT), les organisations doivent réunir plusieurs conditions préalables. Le détail en six points.

Lorsqu’on connaît l’intérêt d’une démarche de qualité de vie au travail (QVT) et ce qu’elle apporte de progrès concerté pour le collectif, l’ambiance et la qualité des prestations aux personnes accompagnées, on a plutôt tendance à avoir envie de la mettre en œuvre sans trop se poser de questions. Et pourtant ! L’enthousiasme ne doit pas l’emporter sur la raison quand on voit tant d'actions qui n’aboutissent pas aux résultats escomptés, ou qui se perdent dans les sables de réunions interminables et d’effets sans cesse reportés. L’expérience amène à distinguer six conditions internes, dont l’examen préalable semble indispensable à la promotion de la QVT.

1 La légitimité

Ce principe peut se formuler ainsi : « Relevant de la stratégie interne, la démarche ne peut pas se déployer sans l’accord tracé dela gouvernance (conseil d'administration, président, bureau…), ni en désaccord avec les autorités institutionnelles (directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, agences régionales de santé, sonseils départementaux…) ». Dans bien des situations, un directeur, convaincu du bien-fondé de la démarche, parfois avec le soutien des syndicats ou du comité social et économique (CSE), lance son établissement dans la QVT sans s’assurer de l’accord de la gouvernance. Le risque existe d’une dissonance ou d’un malentendu ravageur. Car il ne faut jamais oublier que les administrateurs, associés… sont les vrais « patrons » de la structure, les seuls à définir les grands axes stratégiques internes et externes, le directeur étant le premier des professionnels en charge de les appliquer.

2 L’ adhésion

Ce principe peut se formuler ainsi : « Relevant de la négociation sociale, les partenaires sociaux, syndicats-instances représentatives du personnel et direction-management, chacun de leur côté, doivent être en accord minimum avec la démarche ». Ne perdons jamais de vue que l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 a été le fruit d’une négociation soutenue entre les principaux représentants des dirigeants et les syndicats de salariés. Managers et représentants de proximité constituent des « couples infernaux » dans le sens où ils sont obligés de s’entendre pour porter le processus et le garder constructif. Au départ de l’action, il est donc primordial que chacun soit informé des enjeux, et approuve les principes de la QVT, même s'il conserve ses orientations stratégiques.

Il ne s’agit pas dans cette condition préalable que les partenaires soient d’accord sur tout dès le départ de l’opération, ni même que les relations sociales aient toujours été ou soient au beau fixe. Un tel schéma est rare, et pour tout dire, pourrait être assez suspect à certains égards. Très souvent les partenaires arrivent au débat avec des idées derrière la tête, en pensant faire tourner la situation à leur avantage, dans le sens de leurs objectifs. Mais comme dirait Yves Clot, « ce n’est pas grave » Parfois, ce principe reste subordonné et suspendu à une (in)formation complémentaire sur la QVT, ce qui paraît tout à fait recevable à ce stade.

3 La communication

Ce principe peut se formuler ainsi : « Les partenaires sociaux, et à moindre importance les personnels, doivent être en mesure de se parler, d’échanger, et au moins sincèrement disposés à le faire. » Selon l’ANI de 2013, la démarche suppose une élaboration constructive de décisions prises en commun, généralement au sein d’un groupe de projet, et en concertation avec l’ensemble du personnel. La condition sine qua non de départ est donc que les partenaires managériaux et sociaux puissent s’accorder au départ pour se parler, qu’ils acceptent de se confronter, mais aussi de s’écouter, dans la recherche de consensus. Un comité de pilotage QVT va les aider dans cet objectif, mais une position de principe ouverte est indispensable et requise de part et d’autre. Les rapports interpersonnels, qui doivent être au minimum respectueux de part et d’autre, permettant suffisamment à la communication de s’établir.

Il est ainsi difficile d’engager une démarche concertée si la structure rencontre une grave difficulté de communication interne. Par exemple, si les personnels ont été échaudés par tout un historique au cours duquel leur parole n’a pas été prise en compte, n’a pas eu d’effet, voire s’est retournée contre eux, ils peuvent se montrer réticents à participer à une nouvelle démarche qui sollicite leur avis et leur engagement.

Le texte de l’ANI, dans son préambule, indique bien que la démarche doit s’effectuer dans des conditions minimes de confiance et être élargie au plus grand nombre.

4 La santé

Ce principe peut s’énoncer ainsi : « Les personnels ne doivent pas se trouver dans une trop prégnante souffrance au travail (pas de risques psychosociaux – RPS – majeurs, de deuil en cours…), ni les structures fonctionnelles dans un trop grand délitement (pas de carence de manager, pas sous injonction administrative…) ». Le terme de santé est pris dans un sens très général. Il qualifie à la fois la santé physique mentale et sociale des salariés, et la santé de l’organisation et de l’entreprise. Le principe de la santé des salariés concerne leur état physique, psychosocial, et leur vécu au travail au moment où la démarche s’engage. Le principe de santé de l’organisation a trait à l’état des structures internes et leur degré de stabilité à ce moment-là. Une des conditions préalables importantes réside ainsi dans le fait qu’un état individuel et institutionnel trop dégradé ne vienne pas obérer le sens et l’efficacité de la démarche.

5 La fluidité

Ce principe peut s’énoncer ainsi : « La structure doit pouvoir faire circuler suffisamment l’information, les points de blocage individuels ou structurels ne doivent pas être trop importants ». La QVT a pour objectif de faire avancer l’ensemble du système, ce qui suppose un changement de posture chez tous les acteurs de l’entreprise. Il en va ainsi bien sûr :

  • de ceux qui disposent de privilèges, qu’ils sont prêts à défendre par tous les moyens, et notamment par le blocage insidieux du processus sitôt qu’il pourrait les menacer ;
  • de ceux qui ne disposent pas d’avantages matériels particuliers, mais qui ont établi leurs propres organisations de travail d’une façon qui leur convient, et qui peuvent craindre avec la QVT, et parfois à juste titre, une forme quelconque de déstabilisation psychosociale.

Dans l’organisation complexe d’une institution, certains postes se situent plus que d’autres à des passages clés du fonctionnement ou de la production. Il ne s’agit pas toujours de postes d’encadrement ou de responsabilité technique, mais de postes déterminants aux

endroits de régulation, de contrôle, de communication, de validation de clientèle… Dans un certain nombre de cas, des comportement humains peuvent paralyser toute une gestion de projet. La vigilance ici est telle que la condition de fluidité est l’une des conditions majeures de réussite de la démarche, et l’un des points essentiels à valider (ou corriger) avant son lancement.

6 La stabilité

Ce principe peut s’exprimer ainsi : « La structure ne doit pas être en train de rencontrer des changements stratégiques majeurs (fusion, suppression ou absorption de services, restructuration…) ». Il peut être surprenant de voir posée comme condition préalable ce principe, alors même que l’un des objectifs premiers de la QVT est justement de modifier l’organisation pour l’améliorer. L’ ANI du 19 juin 2013 précise même dès le début du préambule que la QVT est indiquée « d’autant plus quand les organisations se transforment ». Qu’entend-on par transformation organisationnelle ? Lorsqu’une organisation gestionnaire affronte des situations vitales pour son avenir, elle est davantage aux prises avec les circonstances de sa relation à son environnement que disposée à étudier les améliorations internes. Ces circonstances peuvent provenir de son développement (fusion-acquisition, diversification de services, plan d’embauches, déménagement dans des locaux plus importants…) ou au contraire de sa contraction (absorption, abandon de services, réduction d’effectif, plan de sauvegarde…). Il n'en va de même dans les cas de carence de postes clés ou encore d’injonction administrative. Le cas est différent s’il s’agit de transformations organisationnelles qui ne mettent pas en jeu les structures vitales ou qui n’engagent pas les fondamentaux de l’organisation. Lors de changements intrasystémiques mesurés, on peut dire que les anciennes habitudes de travail sont provisoirement allégées, et qu’une disponibilité nouvelle peut être sollicitée chez les salariés.

Ces six conditions préalables sont donc à examiner systématiquement avant d’engager une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail. Un regard externe peut aussi aider à éclaircir la  situation.

Jean-Philippe Toutut, consultant et directeur du DU « QVT » à l’université de Toulouse 2

Deux aspects à garder à l’esprit

  • Toutes les conditions énumérées ne sont jamais totalement remplies dans une organisation de travail par définition toujours mouvante, mais il suffit qu’elles le soient suffisamment, de façon à ne pas entraver la dynamique de la QVT.
  • Si l’une de ces conditions paraît trop peu remplie, ou si un doute subsiste, il est beaucoup plus prudent de consolider d’abord les fondamentaux institutionnels nécessaires, afin qu’ensuite la démarche soit rapide et efficace. Par exemple, une démarche de prévention des RPS, ou bien encore de médiation sociale, peut être appropriée, afin de préparer le terrain.

Aller plus loin

La QVT, une démarche pour le secteur social, médico-social et sanitaire, Jean-Philippe Toutut, Séli Arslan, 2021

Investir la qualité de vie au travail, Jean-Édouard Grésy, Philippe Emont, Ricardo Perez Nückel, ESF éd. Les Guides Direction[s], 2018

Publié dans le magazine Direction[s] N° 205 - février 2022






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