C'est avec cinq mois de retard par rapport à l'injonction du Conseil d'Etat que le décret concernant « la durée d'équivalence de la durée légale du travail » dans les établissements sociaux et médico-sociaux a été enfin publié.
Il fait suite à l'annulation, par la haute juridiction administrative, du décret du 31 décembre 2001, qui avait instauré un régime d'équivalences pour le travail de nuit en chambre de veille.
Cette dernière avait en effet considéré que le texte ne permettait pas le respect des limites communautaires prévues par la directive européenne du 23 novembre 1993 sur l'aménagement du temps de travail. Confirmant ainsi une décision de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 1er décembre 2005 (arrêt « Dellas »). Sans surprise, le nouveau décret se contente d'intégrer ces différents seuils.Pour rappel, le décret de 2001 prévoyait qu'une période de surveillance nocturne était décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et une demi-heure au-delà. Sans remettre en cause le système de pondération de la rémunération, le temps de travail doit dorénavant être décompté « heure pour heure ».
Revoir le déroulé nocturne
Le texte prévoit ainsi que la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés concernés, calculée sur une période de référence - quelle qu'elle soit - de quatre mois consécutifs, ne peut dépasser 48 heures. Un plafond européen supérieur à l'accord de la branche Unifed du 1er avril 1999, qui le fixe à 44 heures... Quant aux travailleurs de nuit, leur durée de travail ne peut pas dépasser 12 heures, sur une période de référence de 24 heures. Et leur période de repos ne peut être inférieure au nombre d'heures effectuées au-delà de la huitième heure. Le temps de pause est également encadré: les salariés en chambre de veille ne peuvent travailler plus de six heures de suite sans un repos de 20 minutes minimum.
Le recours aux chambres de veille est donc sur la sellette car ces nouveaux seuils ne pourront être appliqués qu'au prix de lourds remaniements. « Il faut repenser en effet tout le déroulé nocturne, la même personne ne pouvant plus être présente du dîner au lever », précise le syndicat d'employeurs Snasea. L'Unifed réaffirme donc sa position et prône une réorganisation des structures. « Ce que permettra notamment l'accord sur les astreintes, enfin agréé », ajoute Céline Poulet de la fédération d'employeurs Fegapei.
« Le décret règle la question du fonctionnement des surveillances nocturnes à moindre coût, dans l'attente d'une éventuelle reprise des négociations concernant la directive de 1993 », juge Emmanuel Evieux, de la CFDT Santé-Sociaux. Le syndicat réitère sa demande d'ouvrir des négociations sur le travail de nuit afin de permettre une organisation du travail garantissant la qualité de la prise en charge. Premier pas: l'observatoire de la branche devrait être chargé d'une mission sur la question de l'emploi et des qualifications dans ce cadre. Quant à la Fédération CGT de la Santé et de l'action sociale, qui réclame toujours le paiement heure pour heure, elle réfléchit encore à l'opportunité de saisir la justice : « Les salariés peuvent s'appuyer sur la décision de la cour d'appel de Lyon de mai 2006 pour obtenir des dommages et intérêts au motif du préjudice causé par ces dépassements horaires. »
La France condamnée
Par ailleurs, dans une décision du 20 décembre 2006, le Conseil d'Etat a également annulé le décret du 12 septembre 2002 créant un dispositif d'équivalence dans les établissements de la fonction publique hospitalière. Un projet de texte, conforme à la directive, devait être examiné le 22 février dernier par le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.
A noter: le 9 janvier 2007, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, considérant que l'article 29 de la loi Aubry II qui prévoit la non-recevabilité des demandes d'arriérés de salaires avant 2000 - fondement légal du décret du 31 décembre 2001 - violait la convention européenne.
Décret n˚ 2007-106 du 29 janvier 2007
Noémie Gilliotte