Une fois en poste, les anciens étudiants Erasmus peuvent mener des projets d’échanges européens.
Depuis sa création en 1987, le programme Erasmus a permis à deux millions d'étudiants de profiter de la coopération européenne en matière d'enseignement supérieur. 34 pays sont actuellement éligibles à ce programme : les 27 États membres de l'Union européenne, 4 pays participant à l'espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) et enfin les pays candidats à l'adhésion, la Croatie, la Macédoine et la Turquie.
En moyenne, chaque année, seuls 15 étudiants d'instituts régionaux de travail social (IRTS) s'envolent pour un pays doté d'un programme Erasmus. «C'est très peu !, reconnaît Jenny Molina, responsable de l'international à l'IRTS de Bretagne. Surtout au regard des autres mobilités internationales : 64 étudiants partent poursuivre leurs études ou suivre un stage dans un pays étranger, hors programme Erasmus. ». Plusieurs raisons à cela.
Tout d'abord, les étudiants français sont particulièrement frileux en matière de langues étrangères. Ils choisissent donc en priorité des destinations francophones (Québec ou certains pays d'Afrique), ces derniers ayant une longue tradition d'accueil d'étudiants en travail social. Ensuite, pas facile de financer un voyage d'études avec la bourse Erasmus très réduite : de 150 euros par mois pour un cycle de cours et 300 euros pour un stage ! Mais peu à peu les choses changent. La plupart des IRTS viennent de signer des chartes Erasmus emboîtant ainsi le pas aux instituts précurseurs – Strasbourg, Rennes et Lille.
Expériences transposables
Intérêt de la démarche pour les employeurs? Une fois en poste, ces anciens étudiants Erasmus peuvent apporter un « plus » à la structure en menant des projets d'échanges ou de partenariats à l'international ou, grâce à leur pratique d'une langue étrangère, en suivant la scolarité de jeunes étrangers placés en institution. Certains se font aussi travailleurs sociaux « traducteurs », par exemple, dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et les centres d'accueil des demandeurs d'asile accueillant des migrants qui ne parlent pas français.
L'ouverture à d'autres pratiques sociales permet également d'analyser ses propres approches et de se remettre en cause. Des expériences de terrain qui peuvent être parfois transposables dans une autre structure sociale ou médico-sociale.
« Je ne vois que des avantages à ce programme, indique Daniel Lemoine, chargé de mission sur les programmes internationaux au Groupement national des IRTS. D'un point de vue pédagogique, voir ce qui se fait ailleurs permet de s'interroger sur ses propres pratiques.C'est très enrichissant. Les étudiants et formateurs qui font cette démarche d'échanges avec d'autres pays ont ensuite une approche plus ouverte et plus imaginative que les autres. Ils sont moins ancrés dans la routine. Mais les motivations doivent être très clairement définies, sinon attention à la déception ! »
Il reste, néanmoins, un frein à lever pour que l'Europe s'ouvre totalement aux étudiants en travail social. À ce jour, les IRTS traduisent en ECTS – crédits européens (1) toutes leurs formations, en accord avec les institutions européennes, mais en désaccord avec le ministère de l'Éducation nationale qui ne les reconnaît pas à ce jour. En effet, ce dernier estime qu'une formation de niveau III ne peut se voir octroyer 180 ECTS correspondant à une licence dans le système LMD. « La mise en place pour 2012 du cadre européen des certifications permettra de dépasser ce débat. En effet, les niveaux de formation iront de I à VIII et nos diplômes de niveau III seront à VI, soit l'équivalent d'une licence. »
(1) European Credits Transfer System ou Système européen de transfert et d'accumulation de crédits
Estelle Nouel
Point de vue
Jenny Molina, responsable de l'international à l'IRTS de Bretagne (Ile-et-Vilaine)
« L'IRTS de Bretagne, situé à Rennes, existe depuis 1976. Il forme à 23 diplômes et certifications dans le secteur social. Notre charte Erasmus date de 2005 et a été renouvelée en 2009. Tous nos programmes d'études de niveau II et III sont désormais en ECTS et notre catalogue de formation sera prochainement traduit en anglais. Pour notre établissement, institut de formation supérieure, participer à la mise en place de programmes Erasmus est une ouverture aux problématiques sociales européennes. Les futurs professionnels français de l'action sociale se doivent d'être au contact de la mise en œuvre du droit social européen dans d'autres pays de l'Union. D'autre part, nous avons pu remarquer que les étudiants qui avaient observé des pratiques sociales à l'étranger étaient, une fois en poste, plus attentifs au changement et prêts à promouvoir l'innovation. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 79 - décembre 2010