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Cafdes/Caferuis
Ajustements imminents

18/05/2022

À la rentrée 2022, une nouvelle copie des deux certificats professionnels pour les cadres et directeurs de la filière sociale et médico-sociale, le Cafdes et le Caferius, entrera en vigueur. Pas de révolution, mais des adaptations aux nouvelles réalités des métiers.

Remise des diplômes à l’IRTS Montpellier © Faire ESS

Simple toilettage ou marche-pied pour une meilleure attractivité des postes de direction [1] ? La réingénierie des deux principaux diplômes du secteur menant aux fonctions de directeur (le Cafdes) et de responsable d’unité d’intervention sociale (le Caferuis) sera enfin opérationnelle à la rentrée 2022. Lancée début 2020 puis bousculée par la crise, la réflexion a abouti à une validation des nouveaux référentiels en avril dont la publication est attendue avant l’été.

Une réforme guidée par un premier impératif : celui de rentrer dans les clous de la loi dite Avenir pro de 2018 qui a imposé de revisiter les diplômes en y intégrant un fonctionnement par blocs de compétence. « Cette révision était d’autant plus nécessaire que le dernier toilettage du Cafdes datait de 2007 et que le Caferius n’avait jamais été modifié depuis sa création en 2004 », pointe Manuel Pélissié, directeur général de l’Institut régional du travail social (IRTS) Paris Île-de-France et président de la Commission paritaire consultative (CPC) du travail social. L’occasion aussi de prendre en compte les évolutions récentes du secteur marqué par la crise.

Quels directeurs pour demain ?

L’occasion, aussi, de prendre en compte les évolutions récentes du secteur, marqué par la crise. « Nous avons besoin de cadres ouverts aux changements du métier. Ce n’est pas qu’une réforme technique puisqu’elle acte le profil des directeurs d’aujourd’hui et de demain, ainsi que leurs valeurs », souligne ainsi Marcel Jaeger, président de l’union nationale des acteurs de formation et de recherche Unaforis. Ce, dans un champ traversé par de fortes difficultés de recrutement et d’attractivité. « Ce contexte met en avant l’importance de l’encadrement dans la rénovation des pratiques du travail social, et du rôle managérial dans la réorganisation des services, par exemple dans le secteur du grand âge », expose la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Une mise à jour liée enfin à la plus grande diversité des profils à l’entrée du Cafdes, avec une part croissante de candidats venus du privé. Mais « l’économie générale des deux diplômes reste la même avec un volume de formation pratique et théorique similaire, notamment pour que les régions acceptent la poursuite des agréments en cours », assure la DGCS. Concrètement, côté Cafdes, il y a donc toujours quatre domaines, en partie révisés : participer à l’élaboration de projets stratégiques en lien avec la mise en œuvre de politiques publiques, définir et piloter le projet d’établissement et de service, manager les ressources humaines et gérer les volets économiques et financiers.

Place des usagers et communication

Parmi les nouveautés toutefois ? Une montée en compétences en matière de veille professionnelle et de travail prospectif, mais aussi de négociation avec les partenaires sociaux ou du territoire. « Autre renforcement important : un module d’enseignements dédié à la place des personnes accompagnées et de leur entourage », illustre Christine Dutrieux, directrice de pôle Formations supérieures et continues et Prospective à l’IRTS Nouvelle-Aquitaine Bordeaux. « Le pouvoir d’agir des usagers, mais aussi des professionnels eux-mêmes est ainsi au programme : comment cultiver l’initiative des collaborateurs et mieux prendre en compte l’évolution de leurs pratiques ? Avec une attention portée aux thématiques de qualité de vie et de sécurité au travail », détaille la DGCS. À relever encore, une compétence transversale autour de la communication ainsi que la suppression des épreuves binaires. Le contrôle continu est remplacé par des épreuves ponctuelles, dont les modalités seront définies avec l’Unaforis et l’EHESP. « Une proposition serait de transformer deux des quatre examens en épreuves collectives pour renforcer les softskills des stagiaires, compétences attendues sur le terrain. Nous pourrions aussi nous en saisir pour faire vivre la compétence “communication” en travaillant avec des établissements et les personnes accompagnées qui pourraient être évaluateurs », se réjouit Christine Dutrieux.

Quelles passerelles ?

Côté Caferuis, le diplôme passe de six blocs de compétences à quatre : piloter l’activité d’une unité d’intervention sociale, manager ses ressources humaines, gérer ses volets administratifs, logistiques et budgétaires et contribuer au projet d’établissement. « Cette simplification est une bonne chose ! La notion de contribution des cadres intermédiaires dans l’équipe de direction est aussi beaucoup plus présente. C’est important car le métier a fortement évolué en ce sens », souligne Christine Dutrieux. La gestion administrative et budgétaire donnera lieu ainsi à une note d’aide à la décision, « à la place d’un écrit sur table sans grand intérêt », glisse la directrice de pôle.

Des évolutions guidées par la volonté de mieux différencier les deux diplômes. « Nous avons choisi de réorienter le Caferuis davantage vers l’animation de l’équipe en proximité, quand le Cafdes a été repositionné sur des enjeux de pilotage stratégique en lien avec la complexité des lieux d’exercice », souligne la DGCS. Un enjeu face à l’érosion des candidatures au Cafdes quand le Caferuis est l’un des diplômes les plus financés par l’opérateur de compétences (Opco) Santé, notamment depuis l’obligation de qualification donnée en 2007 [2] aux professionnels de direction, selon Manuel Pélissié. Et qui soulève la question des passerelles entre ces diplômes. À conserver et à travailler, plaide l’Unaforis, pour assurer une continuité des parcours et l’attractivité. Si leur suppression a été évoquée, l’heure serait désormais à une conservation des allégements de formation, mais aussi à une dispense sur un des blocs de compétences. Une étude pour faciliter l’accès à des titulaires d’autres diplômes est également en cours.

Pas de grade master

« Un autre sujet mérite un suivi attentif, c’est celui de la connexion du Cafdes avec les masters 2 pour des directeurs qui ont souvent un riche parcours », poursuit Marcel Jaeger. C’est l’une des nouveautés de la réforme : dès la rentrée 2023, l’École des hautes études en santé publique (EHESP) proposera une passerelle avec un de ses masters. Une marque que les stagiaires pourront mettre en avant, mais qui ne doit pas empêcher les IRTS de travailler avec les universités en conservant leur double diplomation existante, pointe l’Unaforis.

En effet, le master reste un des points sensibles. « Les diplômes de niveau 6 [ancien niveau I] sont désormais accolés au grade licence. Un élément de reconnaissance important et nous espérions la même chose pour le Cafdes avec le grade de master », explique Manuel Pélissié. Une demande non exaucée car, selon la DGCS, « l’appareil de formation n’est pas encore structuré pour répondre sereinement aux exigences du grade malgré de solides liens avec le monde de l’enseignement supérieur dans les IRTS de grande taille ».

Un sujet d’autant plus délicat qu’il en cache un autre : le lien entre la formation et la recherche avec le doctorat. « C’est le troisième étage de la fusée, si l’on veut réellement construire une filière du travail social, argumente Manuel Pélissié. Bien sûr, le salaire est primordial face à la problématique de l’attractivité, mais quand est-ce que l’on fera rêver ? » Une question de temps ? « Le travail sur l’attractivité des formations annoncé à l’issue de la Conférence des métiers peut être l’occasion de la création d’une discipline du travail social. Cela peut aussi laisser le temps aux établissements régionaux de se perfectionner et de reposer la question du grade », commente la DGCS.

Une vision systémique ?

Le temps aussi de régler les points encore en suspens comme la sélection. « Nous réfléchissons notamment à la place de l’écrit pour ceux qui n’ont pas de master : y a-t-il des biais de sélection ?, détaille Elsa Boubert, animatrice du réseau Cafdes à l’EHESP. Ce qui est important c’est la posture du futur directeur, sa vision stratégique et sa capacité à progresser. » Enfin, quelles seront les conséquences de l’introduction des blocs de compétence sur la manière dont les stagiaires construisent leur cursus ? « Les parcours de formation seront-ils plus étalés dans le temps ? », interroge la responsable. « Passer en blocs de compétence validés sur plusieurs années et auprès de plusieurs organismes ne va-t-il pas nuire à la cohérence des contenus de la formation et à la nécessaire vision systémique des directeurs ? », questionne pour sa part Jean-Claude Bernadat, consultant et formateur. Un concept qui, selon lui, participe d’un mouvement plus vaste de déconstruction générale. « L’apprentissage d’un métier suppose notamment l’appropriation de savoirs, de méthodes et de techniques qui ne s’additionnent pas mais qui fonctionnent en synergie », juge-t-il.   

[1] Lire Direction[s] n° 207, p. 30

Laura Taillandier

« Il manque un véritable service de coaching »

Éric Fregona, directeur adjoint de l’association de directeurs AD-PA

« Si le nouveau volet transversal sur la communication, au sens noble du terme, est une bonne chose, nous aurions préféré que l’éthique soit le fil conducteur. Il n’y a pas que les sujets financiers et de gestion qui ont leur importance. Cette question est primordiale et la crise l'a bien prouvé. Un directeur est très isolé et confronté à des pressions multiples, que ce soit de la part des familles ou au regard des normes à appliquer. Pour gérer ces situations d’inconvenance, il faut être extrêmement solide et se rattacher au sens du métier qui est celui d’accompagner dignement des personnes. Sur ce point, il manque un véritable service de coaching avec des psychologues armés et reconnus intervenant dans les formations. »

Repères

  • 794 : c'est le nombre d'inscrits au Cafdes en 2020 contre 856 en 2019 et 899 en 2018, selon la Direction de la statistique Drees. 
  • 2 707 candidats au Caferuis en 2020, contre 3 072 en 2018.
  • « Il faut des gestionnaires, mais ce n’est pas l’essentiel. Le réseau, les ressources humaines, le lien avec les familles… Le directeur ne peut pas tout déléguer. Il faut un pilote dans l’avion », pour Daniel Carasco, président de l’association de directeurs ADC.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 209 - juin 2022






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