Une semaine par mois depuis septembre 2021, Antoine Dallet quitte son poste de chargé de mission à la direction générale de l’association gestionnaire Unapei 17 pour suivre ses cours à l’institut régional du travail social (IRTS) Nouvelle Aquitaine. Là, le trentenaire retrouve les 14 autres stagiaires. Si tous concilient activité professionnelle et préparation du certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale (Cafdes), lui a une particularité : il est le seul à suivre sa formation par apprentissage. « J’ai découvert l’année dernière que ce mode d’accès était compatible avec le Cafdes, rembobine ce diplômé d’un master en affaires publiques. Comme j’avais alors 29 ans, j’ai sauté sur l’opportunité. » Si, de façon générale, l’apprentissage gagne du terrain dans le champ de la formation, il est pour l’heure assez marginal dans les diplômes menant aux fonctions de directeur. Quelques sites de formation cependant l’expérimentent depuis trois ans. C’est le cas de l’IRTS à Montpellier qui voit, année après année, son nombre d’apprentis augmenter. « Pour nous, ça ne change rien puisque l’alternance intégrative est déjà un principe qui structure le cursus », témoigne Angèle Postolle, sa responsable.
Pas après 30 ans
Accessible aux titulaires d’un diplôme sanctionnant au moins trois ans d’études supérieures, le Cafdes attire essentiellement des professionnels en fonction de directeur d’établissement ou de service dans le champ de l’action sanitaire, sociale et médico-sociale. Des candidats généralement âgés de plus de 30 ans. Trente ans, précisément l’âge couperet pour pouvoir prétendre à une formation en apprentissage [1]. « C’est à mon sens la limite principale de cette modalité. Chez nous, la moyenne de nos stagiaires est plutôt de 40 ans et en sont de fait exclus », argumente Élisabeth Thomasset, responsable d’entités chez Ocellia Grenoble. « 30 ans pour diriger un établissement, avec les responsabilités que cela implique, c’est un peu jeune, estime quant à elle Christine Lorenzi-Coll, responsable pédagogique à l’Institut méditerranéen de formation et recherche en travail social (IMF) Avignon.
Employeurs à convaincre
Outre l’âge, se former par l’apprentissage est soumis à la bonne volonté des employeurs qui, d’une part, s’engagent à verser un salaire à leur apprenti, et de l’autre, leur assurent un encadrement par un tuteur formé et disponible. Or, en pratique, ces conditions ne sont pas toujours réunies. « Il faut encore que cela rentre dans les habitudes de recrutement, regrette Angèle Postolle. À nous, organismes de formation, de les rassurer sur la plus-value de cette modalité en organisant des rencontres pour leur expliquer le parcours, les attendus et les étapes et en étant en soutien pendant toute la durée de la formation. » D’autant que les arguments en faveur de l’apprentissage ne manquent pas. Parmi eux, celui d’ouvrir les fonctions de direction à des profils différents, issus par exemple du monde universitaire. « Ça crée de la diversité dans un contexte où l’offre médico-sociale est appelée à se transformer », poursuit la responsable montpelliéraine. Pour les employeurs, cette voie offre en effet, le vérifie-t-elle de plus en plus souvent, une possibilité supplémentaire de pallier les difficultés de recrutement auxquelles ils sont actuellement confrontés.
Réingénierie du diplôme
Côté certification, la nature des épreuves ne change pas, quel que soit le statut du stagiaire en Cafdes. De même pour les 175 heures de stage pratique qui, contrat d’apprentissage ou pas, doivent être obligatoirement effectuées pour pouvoir valider le diplôme. Un point bloquant ? Pas pour Angèle Postolle : « Avec la réingénierie du Cafdes qui vient de rentrer en vigueur [2], les apprenants pourront faire leurs stages sur le lieu professionnel, à condition que ce soit avec des publics différents. »
[1] Une dérogation sans limite d’âge est prévue pour les travailleurs handicapés.
[2] Décret n° 2022-1190 du 27 août 2022
Carol Eyben
Point de vue
Antoine Dallet, apprenti Cafdesien, en alternance à l’IRTS Nouvelle Aquitaine et à l’Unapei 17
« Avant de trouver un employeur, j’ai envoyé entre 10 et 15 candidatures spontanées et j’ai eu trois réponses, toutes négatives. J’ai décroché mon contrat d’apprentissage via un réseau social professionnel. Pour les employeurs, cette modalité ne tombe pas encore sous le sens car on ne peut pas prendre la place d’un directeur. Je n’ai, pour ma part, pas de responsabilités de direction, mais des missions de management fonctionnel, telles que l’installation d’une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la constitution d’un pool de remplacement et le pilotage d’un appel à projets visant
à la création d’un agrément de 45 places dans un service d’accompagnement pour adultes souffrant de troubles autistiques. Pour avoir expérimenté l’apprentissage une première fois en master, je suis acquis à ce mode de formation. Et si je n’avais pas décroché de contrat, il aurait certainement fallu que je creuse un peu plus la question du financement car la formation coûte quand même 17 500 euros. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 212 - octobre 2022