Depuis le 1er août, un bouleversement radical de la procédure d'autorisation de création, de transformation ou d'extension des établissements et services, est sur orbite. L'initiative de la réponse aux besoins sociaux et médico-sociaux revient désormais aux financeurs. À eux de lancer, sur la base d'un cahier des charges de leur ressort, des appels à projets pour répondre aux priorités identifiées dans les projets régionaux de santé (PRS) et les différents schémas et programmes. Une commission de sélection, dont les voix délibératives sont réparties, à parité entre les représentants des financeurs et des usagers, classe ensuite les dossiers (1).
Un décret amendé...
Ce renversement de perspectives questionne encore le secteur. Qui craint toujours l'émergence de réponses standardisées. Toutefois, la concertation menée sur le décret est unanimement saluée. "Cela a permis la prise en compte des projets innovants et expérimentaux", note Virginie Hoareau, de la Fédération hospitalière de France. Le délai de réponse des promoteurs a été allongé (entre 60 et 90 jours), et l'audition des candidats réintroduite. Un calendrier prévisionnel des appels sera publié. « Les directeurs devront être vigilants pour avoir un bonne visibilité afin de se préparer. Car le délai de réponse sert à formaliser la candidature, pas à avoir une idée », conseille-t-elle. Quant aux gestionnaires, ils comptent finalement deux représentants au sein de la commission. "Les financeurs, auteurs du cahier des charges, peuvent ne pas suivre l'avis de la commission. Face à eux, les gestionnaires, qui n'ont plus l'initiative, n'ont qu'une voix consultative", nuance Daniel Zielinski, de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale.
...mais encore insuffisant
D'autres inquiétudes demeurent. "Les requalifications de places sont soumises à appels à projets. Le gestionnaire qui veut s'adapter aux besoins n'est pas assuré d'être retenu. Ce qui peut donc freiner ou bloquer l'évolution du secteur", prévient David Causse, de la fédération d'employeurs Fehap. Qui tente un recours auprès du Premier ministre, avec deux organisations du handicap (Fegapei et APF). Celles-ci pointent aussi du doigt des seuils de dérogation trop bas (2). "Il est dommage de prendre le risque d'appels à projets de pure forme pour mener des opérations dont tout le monde s'accorde sur le bien fondé", regrette-t-il.
Sélection par les coûts ?
Promoteurs et financeurs doivent encore s'approprier la réforme. "Les associations doivent raisonner en termes de politique régionale de santé, et non plus qu'à travers le prisme de la structure. Et surtout, intervenir en amont du processus", conseille Philippe Calmette, directeur général de la Fegapei. Ce qui nécessite une concertation sans faille lors de l'élaboration des PRS et autres schémas. "Mais elle n'est pas garantie dans les secteurs de l'asile et de la protection des majeurs. Toute la planification doit d'ailleurs opérer un saut qualitatif", juge Arnaud Vinsonneau, adjoint au directeur général de l'union associative Uniopss. Qui déplore l'absence des candidats potentiels lors de la préparation du cahier des charges. La circulaire d'application pourrait y remédier en invitant les services au dialogue dans cette phase. "Nous veillerons à ce que les financeurs fixent aussi des critères de bonne gestion sociale afin que la qualité de l'emploi ne fasse pas les frais de la mise en concurrence", complète Emmanuel Verny, directeur générale de l'union de l'aide à domicile UNA.
Décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010
1) Lire dans ce numéro p. 32
2) Extension supérieure à 30 % de la capacité initiale ou de 15 places
Noémie Gilliotte
Publié dans le magazine Direction[s] N° 77 - octobre 2010