Quelle est pour vous la portée de cette décision du juge administratif ?
Thierry Nouvel. Au-delà de l’importante valeur symbolique, elle a une vraie portée juridique car elle reconnaît la responsabilité de l’agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France en matière d’application des droits des personnes handicapées. Les juges indiquent clairement que l’autorité publique ne peut se cantonner à un rôle de planification de l’offre, mais doit exercer un véritable contrôle des établissements. Ainsi s’assurer que les refus d’admission des personnes handicapées sont justifiés. S’ils le sont en raison d’un manque de ressources de l’établissement, l’ARS, investie du pouvoir de tarification, doit alors lui affecter des moyens complémentaires. Il ne s’agit donc pas d’imposer la prise en charge d’une personne à une structure, mais de permettre à cette dernière de l’accepter.
Quels enseignements sur le rôle des directeurs d’établissement ?
T. N. Ce jugement les met face à leurs responsabilités. Il réaffirme leur droit d’accueillir ou non un candidat, au regard de leur agrément, de leur projet d’établissement et des moyens qui leur sont alloués, mais rappelle aussi qu’ils doivent toujours pouvoir justifier un refus. Au-delà, se pose cependant la question de l’harmonisation des rôles entre ARS, établissements et maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il y a un véritable travail à faire pour coordonner le parcours de l’usager qui demeure particulièrement complexe pour les personnes handicapées et leurs familles.
Le gouvernement a fait appel. Comment réagissez-vous ?
T. N. En faisant appel, l’État adresse un message insupportable aux personnes handicapées et à leurs familles. Si le conseil d’État [2] suit le gouvernement, la voie du référé liberté sera fermée. Dans le cas contraire, nous continueront notre stratégie de pression auprès des pouvoirs publics pour les contraindre à assurer une place aux personnes handicapées, le cas échant dans le cadre de recours en justice.
[1] Sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
[2] Le Conseil d’État devait examiner l’affaire le 28 octobre.
Ordonnance n° 1307736 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 7 octobre 2013
Propos recueillis par Élise Brissaud
Publié dans le magazine Direction[s] N° 113 - novembre 2013