Ce genre d’affaires est-il fréquent ?
Sarah Subrémon. Outre le secteur des revêtements de sol ou des légumes en conserve, l’Autorité de la concurrence a mis à jour des pratiques anticoncurrentielles dans ceux des médicaments et des prestations d’ambulance. N’importe quel produit ou service peut être concerné. C’est donc un risque constant pour les acheteurs publics qui passent par les appels d’offres. Il est très difficile de l’identifier. S’il est possible de solliciter la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes quand une procédure paraît étrange, la plupart des cas sont révélés lors d’une demande de clémence : Bonduelle a dénoncé l’entente sur les conserves, à laquelle elle a pourtant participé, évitant ainsi une amende de 250 millions d’euros. Ces cartels d’une durée particulièrement longue peuvent entraîner un surprix en moyenne entre 15 % et 30 %. Les dommages sont donc significatifs !
Quelles sont les victimes ?
S. S. Potentiellement, tous les acheteurs publics : le lino et les conserves sont des produits très utilisés et les ententes ont porté sur près de 100 % du marché français. Comment savoir si on est concerné ? L’Autorité de la concurrence communique largement en identifiant régulièrement les potentielles victimes. C’est moins vrai pour la Commission européenne quand elle met au jour une entente car, outre la barrière de la langue, elle cite plus rarement les cibles types. Les structures peuvent se rapprocher de leurs groupements d’achat. Les avocats ont aussi un rôle à jouer.
Y a-t-il une prescription ?
S. S. Oui, cinq ans après la publication des décisions par les autorités de la concurrence. L’affaire du Lino est prescrite mais deux actions en reconnaissance de droits sont en cours avec des fédérations pour permettre à d’autres de réclamer une indemnisation. Nous représentons aussi des acheteurs publics (centres hospitaliers, Ehpad, collectivités...), des structures privées. Ces dossiers sont complexes car peu d’entités conservent des factures datant des années quatre-vingt-dix, sans compter la digitalisation passée par là.
Dans celle des conserves, la prescription sera acquise en décembre 2025. Nous avons introduit des requêtes en référé pour obtenir davantage de données, qui ont été rejetées au motif notamment qu’elles ne revêtaient pas un caractère d’urgence. La prochaine étape est d’engager la procédure au fond ce mois-ci. Cette action est entièrement prise en charge par une société de financement de litige qui sera rémunérée en cas de victoire. Tous les acteurs ayant un service de restauration collective ont donc intérêt à se renseigner.
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 234 - octobre 2024