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Réponse accompagnée pour tous
L’affaire de chacun

20/12/2017

Depuis le 1er janvier, la « réponse accompagnée pour tous », visant à trouver des solutions aux personnes handicapées en situation complexe, est généralisée. Engagée dès 2015, la Loire-Atlantique pourrait servir de boussole dans d’autres territoires. Passer de la recherche de places à une logique de parcours y implique les établissements et services, les familles, les autorités.

Du fond de son canapé, le petit Léandre a deux jolies perspectives en vue. La première est que l’ogre Schrek passe à la télé. La seconde est qu’il devrait bientôt manquer l’école. Ses parents, du moins, commencent à en caresser l’espoir. Non que la maternelle qu’il fréquente, près de Nantes, soit médiocre – au contraire. « Mais nous voulons un accompagnement plus global et adapté à ses besoins  », justifie son père, Vincent Gorka. Léandre, en effet, a huit ans et une trisomie 21. Le laisser en maternelle nuirait « à son développement personnel  », redoutent ses parents.
Une crainte partagée. Dès 2015, le garçon a obtenu une orientation vers un institut médico-éducatif (IME), mais aucune place ne s’est encore libérée dans le département. Sa mère, Christelle Halbert, a beau relancer les établissements, toutes les deux ou trois semaines, rien n’y fait. « On a même écrit à Emmanuel Macron », soupire-t-elle. Fin novembre, pourtant, s’esquissait un début de solution. « Une réunion est prévue dans le cadre de la “réponse accompagnée pour tous” », explique-t-elle. « Léandre pourrait être accueilli dans un foyer au moins deux jours par semaine », ajoute le père. « Ils n’y seraient que six enfants avec quatre professionnels », sourit sa mère. « Léandre resterait à l’école deux autres jours, mais il aurait enfin un pied dans le médico-social », espère-t-il. « Il ne nous resterait plus qu’à y mettre l’autre ! », conclut-elle.

Premier bilan

En Loire-Atlantique, la « réponse accompagnée pour tous » est déjà bien connue par certaines familles. Et pour cause : le département est l’un des premiers à avoir engagé, dès 2015, cette nouvelle démarche visant « zéro sans solution » [1] parmi les personnes handicapées. Son déploiement y est même « très bien avancé », selon l’agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire. Ainsi, à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), le directeur Simon Favreau peut déjà dresser le bilan d’une année de mise en œuvre. Pour son équipe, ladite « RAPT » a déjà consisté à donner corps à des réponses nouvelles face aux situations dites complexes. Désormais, dès que l’orientation notifiée à une personne s’avère délicate, voire impossible à concrétiser, la MDPH peut être sollicitée, avec une adresse de courriel dédiée.
En dix mois, elle l’a déjà été 78 fois, notamment par des cadres d’établissements et de services médico-sociaux (ESMS), ou par des travailleurs sociaux. « Pour cette année pionnière, nous avons décidé de cibler les adultes avec un handicap psychique, ainsi que les mineurs faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance », précise Simon Favreau. « Nous avons finalement retenu 42 situations  », ajoute Amaryllis Cailleau, chargée de mission pour la RAPT.
Pour y répondre « nous avons fait le choix de ne pas rajouter de l’administratif à de l’administratif, précise le directeur. Les démarches en MDPH sont déjà suffisamment complexes !  » Il est vrai que les acteurs médico-sociaux, ici, « ont déjà la culture de rechercher ensemble des solutions, dès lors qu’ils sont en difficulté avec une situation », ajoute la chargée de mission. L’équipe mise donc d’abord sur ces bonnes relations locales, qu’elle s’efforce de cultiver. Mais désormais, la MDPH peut jouer deux cartes « en dernier recours » : le groupe opérationnel de synthèse (GOS) et le plan d’accompagnement
global (PAG).

Un arsenal « un peu lourd et complexe »

Ces deux outils de la RAPT ont été institués par la loi de modernisation de notre système de santé, en 2016. Le premier est un rassemblement, autour de la personne, de tous les interlocuteurs susceptibles d’apporter leur contribution à une réponse commune, à la fois alternative et transitoire. Quant au second, il s’agit d’un document, qui consigne les
différentes prestations finalement promises, en désignant l’une des parties prenantes comme coordonnateur du parcours. Au total, en dix mois en Loire-Atlantique, 18 situations ont conduit à la constitution de GOS, occasionnant pas moins de 30 réunions, pour aboutir à la signature de 18 PAG.
Ce « dispositif d’orientation permanent » constitue toutefois « un arsenal un peu lourd et complexe, reconnaît Amaryllis Cailleau. Tant mieux si l’on peut s’en passer ! » Pour Clara par exemple, une fillette placée en foyer de l’enfance malgré des troubles autistiques aigus, il aura fallu deux réunions de GOS et « six mois au total pour trouver une solution », rapporte Claude Quelennec, directeur de territoire au sein de l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales de Loire-Atlantique (Adapei 44). « Mais auparavant, face à de telles situations, nous pouvions tourner en rond et perdre beaucoup de temps, au détriment de l’enfant !  » Avec ces deux outils, au moins, la concertation peut être plus fructueuse.

Un changement d’état d’esprit

Du reste, pour mener les professionnels à contractualiser, les rênes s’avèrent plutôt lâches. Pour organiser un GOS, « la loi ne donne à la MDPH qu’un pouvoir de convocation… que nous n’avons, jusqu’ici, jamais utilisé », témoigne ainsi Simon Favreau, qui préfère « inviter » les partenaires. Quant à l’ARS, elle ne brandit pas plus de sanctions pour les récalcitrants : « Pour le moment, nous essayons de faire adhérer à un changement d’état d’esprit  », indique Patricia Salomon, responsable du département de l’accompagnement médico-social.
En revanche, les incitations ne manquent pas, pour convaincre les directeurs d’établissements et services de collaborer. Sur le territoire des Pays de la Loire, des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) ont déjà été conclus « pour plus de 77 % de l’offre de l’accompagnement au handicap », relève Patricia Salomon. « Nous allons y généraliser une “fiche RAPT”, afin de pouvoir évaluer la participation de chacun à la construction de ces réponses alternatives. La démarche ne doit pas toujours reposer sur les mêmes ! »
En outre, pour faciliter les PAG, la loi permet aux autorités de laisser les ESMS déroger à leurs autorisations. L’ Arta, association pour l’aide aux personnes en situation de handicap, a pu, par exemple, contourner la barrière d’âge des 20 ans pour accueillir un jeune encore mineur dans un foyer d’accueil médicalisé (FAM) trois jours par semaine. Plus excentrique encore : la démarche permet des assouplissements financiers. Dans ce même cas, « l’ARS a accepté de financer un poste d’éducateur entièrement dédié durant une année  », relate la directrice de l’association, Cyrille Pastre.

« Chacun met quelque chose dans le panier »

Ces échafaudages collectifs peuvent donc être bien jugés par les équipes de direction des ESMS. Pour la petite Clara, en tout cas, Claude Quelennec a apprécié de voir « chacun conduit autour de la table, et tenu de mettre quelque chose dans le panier, avec un arbitrage et des règles du jeu. Auparavant, certains partaient sur la pointe des pieds ! » À l’Arta, la directrice adjointe Anne Fichet a aussi aimé « rencontrer de nouveaux partenaires, en l’occurrence, un centre social ». Et puis, comme le rappelle Erwann Delepine, directeur général de l’Association pour adultes et jeunes handicapés de Loire-Atlantique (Apajh 44), « les professionnels souffrent lorsque leur accompagnement est mal adapté ».
Voilà pourquoi ses équipes ont elles-mêmes alerté la MDPH, en mai, sur la situation « très préoccupante » de Léandre, suivi seulement 1 h 45 par semaine par un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). « Et puisqu’il ne faisait pas partie des publics prioritaires pour 2017, nous avons pris le dossier en main », raconte Céline Malle,
la directrice du pôle Enfance. L’Apajh 44 a alors organisé elle-même une première concertation en juin, en y invitant trois IME et… la MDPH.
« Nous étions déjà prêts  », sourit Erwann Delepine. Dès 2016, il est vrai, sa fédération avait adopté dix engagements pour contribuer à « offrir une réponse à tous ». Depuis, l’Apajh 44 avait formé ses cadres, informé ses représentants du personnel, affiné sa doctrine… « Désormais, nous ne banalisons plus un refus d’admission, explique le directeur général. Avec le président, nous en alertons la MDPH et nos partenaires, puis nous suivons la situation. »
Pour sa part, Claude Quelennec, à l’Adapei 44, a dû savoir convaincre ses personnels pour accueillir Clara : « Je leur ai d’abord expliqué que nous ne lui cherchions pas une réponse pleine, mais plutôt des adaptations. L’équipe a alors su faire un pas de côté pour définir ce que nous pouvions lui proposer.  » Et pour passer d’une logique de place à celle de parcours, « les plus jeunes avaient davantage envie d’y aller », remarque le directeur territorial…

Encore quelques interrogations

Car la démarche peut encore susciter des interrogations. N’est-elle pas d’abord un bricolage, pour colmater un manque de places ? « Il faut se mobiliser à la fois pour la RAPT, et pour des moyens supplémentaires pour le médico-social, balaie Erwann Delepine. La posture militante est la même ! » Soit, mais pourquoi laisser les bénéficiaires « doubler » d’autres personnes, déjà inscrites sur listes d’attente ? Cette démarche n’est-elle pas d’abord taillée pour les enfants, qui impliquent plusieurs institutions ? Quant aux MPDH, ne vont-elles pas être encore plus débordées ?…
Pour Léandre, la démarche a en tout cas abouti le 1er décembre. Après la réunion de son GOS, un PAG a bien été conclu pour une année… Le petit garçon restera suivi par son Sessad, et ira quatre jours par semaine dans un petit foyer, conçu par l’Adapei 44 pour proposer des solutions temporaires et à la carte au titre de la RAPT. Et à en croire sa mère, dès le deuxième jour dans son nouvel établissement, « Léandre se sentait déjà presque chez lui ».

 

[1] Du titre du rapport de 2014 de Denis Piveteau qui a inspiré la démarche.

Olivier Bonnin. Photos : Armandine Penna

« Un meilleur dialogue est nécessaire »

Stéphane Corbin, directeur de la compensation de la perte d’autonomie à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

« Une diversité d’approches existe parmi les territoires déjà engagés dans la « réponse accompagnée pour tous ». Pour trouver des solutions, la Loire-Atlantique s’est ainsi appuyée sur une bonne dynamique partenariale, à l’image de la Vienne. D’autres départements se sont davantage attachés à la formalisation des PAG, en réunissant des GOS. Certains peuvent s’appuyer sur la pair-aidance…  Dans tous les cas, la démarche nécessite que l’ensemble des acteurs du territoire change de regard, pour une approche plus intégrative. Aujourd’hui, le cloisonnement des rôles entre MDPH, ARS, département et établissements et services, peut provoquer des dysfonctionnements pour les situations les plus complexes. Un meilleur dialogue entre les acteurs est nécessaire afin de construire des parcours plus coordonnés. Les structures ont dès lors un rôle à jouer pour renforcer les partenariats. La RAPT est bien un changement de paradigme, pour individualiser les prestations. »

 

Repères

  • 24 départements engagés dans la « réponse accompagnée pour tous » dès 2015. Rejoints par 66 autres en 2017.
  • 10 millions d’euros environ ont été apportés par la CNSA en appui aux 90 premiers territoires engagés pour 2016 et 2017.
  • 200 plans d’accompagnement global environ conclus à la mi-2017.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 160 - janvier 2018

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