Christian Gatard, secrétaire général du CH-FO
Le mécontentement va crescendo du côté des syndicats représentant les directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S). Amorcées en avril dernier, les négociations sur la revalorisation du régime indemnitaire menées avec la Direction générale de l'organisation des soins (DGOS) et le Centre national de gestion (CNG) sont toujours au point mort. L'objet de crispation pour le Syncass-CFDT, le CH-FO, le SNCH et l'Ufmict-CGT ? Les conditions de mise en œuvre de la prime de fonction et de résultats (PFR). Ce dispositif indemnitaire, déjà en vigueur dans la fonction publique d'État, est composée d'une part fixe relative au poste et au niveau de responsabilités et une part variable liée à l'atteinte des objectifs individuels. L'enjeu de ces négociations est majeur : la PFR a vocation à se substituer, à partir de 2011, à l'ensemble des primes existantes pour les D3S. Une perspective qui a suscité les grincements de dents des organisations syndicales plutôt partisanes d'une revalorisation du traitement indiciaire.
Face à la DGOS et au CNG, les représentants des D3S adoptent une position commune : le refus catégorique d'une « transposition mécanique », d'un « copier coller » des modalités retenues pour la PFR dans la fonction publique d'État. « Le logement de fonction ne doit pas entrer en ligne de compte dans le calcul de la part fixe. Il ne s'agit pas d'un avantage en nature comme pour les fonctionnaires d'État, mais d'une attribution en raison de la nécessité absolue de service », insiste Isabelle Sarciat-Lafaurie, secrétaire nationale D3S au Syncass-CFDT. Un autre point de blocage persiste. Dans la fonction publique d'État, les plafonds indemnitaires sont différenciés selon les corps et les grades. Les syndicats refusent que cette logique soit adoptée pour la définition de la PFR pour les directeurs de l'hospitalière. « C'est le référentiel métier D3S qui doit servir de base de travail pour fixer la part fonction car c'est le meilleur outil pour décrire un poste, analyser le niveau de responsabilité ou de délégation et définir ainsi le régime indemnitaire qui s'y rattache », insiste Michel Rosenblatt, secrétaire général du Syncass-CFDT.
Arbitrages interministériels
Depuis plusieurs mois, les réunions se succèdent sans avancée notable sur ce dossier. « La ministre de la Santé est aux abonnés absents. Seuls la DGOS et le CNG assurent la continuité du dialogue qui ne débouche sur rien faute d'arbitrages interministériels suffisants », s'impatience Christian Gatard, secrétaire général du CH-FO. Une exaspération partagée par Jean-Pierre Oulhen, secrétaire général adjoint du syndicat. « On nous mène en bateau. Dix mois après le début de la mission DGOS/CNG, la revalorisation de la fonction de direction n'a pas avancé d'un iota », rappelle-t-il. Le statu quo sur le dossier PFR, à l'issue de la réunion du 25 octobre, a alimenté davantage encore la grogne syndicale. « Une fois de plus, ça coince du côté de Bercy. Les arbitrages interministériels qui nous sont proposés sont plus que modestes et laissent entrevoir des perspectives assez sombres », déplore Michel Rosenblatt. « La mission DGOS/CNG arrive bientôt à son terme et nous n'avons toujours rien pour signer un protocole d'accord à l'exception du référentiel métier », s'insurge Jean-Luc Gibelin, responsable du collectif de directeurs de l'Ufmict CGT.
Relation D3S/ARS
Autre sujet d'irritation pour les syndicats : certains « dysfonctionnements » dans les relations entre les D3S et les agences régionales de santé (ARS). En ligne de mire notamment : les conditions des évaluations des directeurs. « Les procédures ne sont pas toujours respectées. Certains D3S sont évalués par des inspecteurs et non par les délégués départementaux des ARS. Des interlocuteurs "pas avertis", qui méconnaissent le secteur médico-social, le fonctionnement des établissements, les missions des directeurs, regrette Christine Khani, déléguée nationale permanente au SNCH. Notre syndicat a été le seul à soutenir la loi Hôpital, santé, patients et territoires. Malgré ses imperfections, elle était nécessaire à la fonction publique hospitalière. L'esprit de la loi est dévoyé sur le terrain. » De son côté, le CH-FO condamne sévèrement des « dérives ». « Dans certaines ARS, on a tendance à confondre l'évaluation du directeur avec celle de la situation financière de l'établissement. On assigne aux chefs d'établissements des objectifs à atteindre de façon unilatérale. Les ARS jouent de leur double casquette d'évaluateur et de tarificateur », critique Jean-Pierre Oulhen. Face à la salve de critiques, la DGOS et le CNG ont tenu une réunion, le 14 octobre, avec la Direction générale de la cohésion sociale et les directeurs généraux des ARS. Objectif : rectifier le tir.
Comparabilité DH/D3S
Dans ce contexte de morosité, un point de satisfaction pour les syndicats de directeurs. Dans un courrier en date du 17 septembre, la DGOS a apporté des précisions – très attendues – sur la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique du 3 août 2009. « Seules les demandes de détachement des directeurs des établissements de santé, sociaux et médico-sociauxdans le corps des directeurs des établissements hospitaliers [DH] peuvent être admises au regard des critères prévus par la loi », indique la Direction générale. Deux « critères alternatifs » ont été retenus pour apprécier la comparabilité DH/D3S: les conditions de recrutement et la nature des missions. « En juillet dernier, certains dossiers de D3S présentés au comité de sélection DH ont été jugés recevables », précise Michel Rosenblatt.
D'aucuns y voient également la perspective de réouvrir le débat sur la création d'un corps de direction unique. « Si la comparabilité est totale entre D3S et DH, alors il n'y a plus de raison d'avoir deux corps », considère Jean-Luc Gibelin. Et d'argumenter : « La complexité du poste de certains directeurs d'établissements publics d'hébergement pour personnes âgées n'est pas aussi éloignée de celle qu'un directeur d'hôpital. Les D3S ont de fortes responsabilités, ils sont seuls avec un staff administratif réduit et des équipes pas toujours suffisamment formées. » De son côté, Christian Gatard fait montre de plus de scepticisme : « Cette loi est un effet d'aubaine pour les D3S, mais il n'y a aucune volonté du ministère de la Santé de fusionner ou de rendre comparable la gestion DH/D3S. » Sur ce sujet, le SNCH campe sur ses positions : « Cette loi sur la mobilité ouvre un plus grand champ d'action pour les D3S, cela rend caduc le débat de la fusion D3S/DH. Un directeur à la tête d'un établissement de 60 lits ne pourra jamais espérer un statut comparable à celui d'un DH qui gère 4000 agents, avertit Christine Khani. L'évolution du régime indemnitaire et de la grille statutaire des D3S ne dépend pas de la fusion, mais du regroupement des établissements. Les ARS doivent donner l'impulsion pour les regroupements, les directions communes. Cela rendra les postes plus attractifs, permettra aux chefs d'établissements de monter des projets ou de recruter du personnel qualifié. » Enfin, pour le Syncass-CFDT, la reconnaissance de la comparabilité DH/D3S doit être prise en considération dans les négociations du régime indemnitaire, puis dans la gestion des emplois et des carrières comme des statuts.
Nadia Graradji
Élèves directeurs : une liste des postes… avec du retard
« La promotion de 82 élèves directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux en fin de formation à l'École des hautes études en santé publique a reçu la liste des postes vacants », a confirmé, fin octobre, Christian Rivalle, chef de l'unité gestion des D3S au CNG. La publication de la liste au Journal officiel, prévue pour la mi-octobre, a été retardée en raison d'un manque de postes. Un retard qui n'a pas échappé aux syndicats de directeurs. Pour le Syncass-CFDT, l'anticipation est essentielle dans la procédure de recensement des postes vacants ou susceptibles d'être vacants.« La procédure est à revoir si l'expérience montre qu'elle ne donne pas satisfaction », juge-t-il.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 79 - décembre 2010