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Campagne budgétaire 2010
Sous le joug de la rationalisation

28/06/2010

Lancée avec six mois de retard, la campagne vise la réduction des excédents de la CNSA. Le secteur espère que l’objectif sera atteint grâce à une meilleure consommation. Non à de nouveaux débasages.

Juin 2010. La campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées et handicapées peut enfin commencer (1). Mais cette campagne - la première conduite sous l'égide des agences régionales de santé (ARS) - recèle quelques nouveautés. En effet, et c'est ce qui explique en grande partie son retard, les pouvoirs publics ont fait en sorte d'appliquer les préconisations de la mission des inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) rendues en... février dernier (2). Leur rapport, dont l'objectif était d'expliquer les raisons de la sous-consommation récurrente des crédits, et donc des excédents de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), mettait en exergue un certains nombre de failles dans le système d'allocation des ressources. La mission préconisait donc de revoir la procédure budgétaire de préparation et de répartition de l'objectif global de dépenses (OGD). Message reçu. « Cela nous a conforté dans notre volonté d'améliorer l'ensemble de la chaîne qui va de la budgétisation en loi de financement de la Sécurité sociale à l'attribution des crédits. Les sommes budgétées doivent correspondre, le plus finement possible, au rythme d'engagement des mesures nouvelles », expliquait Nora Berra, secrétaire d'État en charge des Aînés, devant la commission des comptes de la Sécurité sociale, le 9 juin. Objectif ? Éviter toute sous-consommation en améliorant le mode d'allocation des moyens en fonction de la dépense prévisionnelle de l'année, tout en renforçant le mécanisme des enveloppes anticipées.

Débasages en série

L'été dernier, la CNSA a donc mené l'enquête auprès des ex-services déconcentrés. Résultat ? Un débasage définitif de 150 millions d'euros fin 2009 (3), soit la restitution à l'assurance maladie de crédits libres d'emploi. Quant aux crédits non employés, mais gagés par des projets dont l'installation effective n'est pas prévue avant 2011, ils ont été temporairement retirés des bases régionales. « Cela correspond à 307 millions d'euros, dont 146 millions pour le secteur des personnes âgées et 161 millions dans le champ du handicap », détaille Laure-Marie Issanchou, responsable du pôle allocation budgétaire à la CNSA. « Ces sommes seront réintégrées au fur et à mesure de l'installation des places à partir de 2011 », assure-t-elle. « Cette mise à plat nous a permis de nous assurer que les ARS avaient les crédits pour financer le fonctionnement de l'existant, l'installation effective en 2010 des places autorisées, et de supprimer temporairement les crédits délégués trop tôt », complète Sabine Fourcade, adjointe au directeur général de la cohésion sociale (DGCS).
Mais dans un contexte de déficits abyssaux de la Sécurité sociale et de rigueur budgétaire, le secteur craint la systématisation de la reprise des fonds non consommés. Inquiétudes ravivées par l'annonce de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, d'un gel préventif de 180 millions d'euros. Ces crédits seront délégués « ultérieurement » aux établissements de santé et médico-sociaux en fonction de l'évolution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie 2010. Explication du cabinet de Nora Berra : pour le médico-social, ce gel correspondrait à l'affichage de la réserve nationale constituée, chaque année, par la CNSA. « Nous sommes face à une menace évidente d'un nouveau débasage en 2011 », estime toutefois Alain Villez, conseiller technique de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss).

Encadrement strict

En réponse à la mission Igas-IGF, d'autres mesures ont été prises sans délai, comme l'encadrement strict de l'utilisation des crédits non reconductibles (CNR). Priorité est donnée à l'installation de places, les « disponibilités résiduelles » ne pourront donc être utilisées qu'exceptionnellement. Et uniquement pour trois types d'action (investissement, soutien à la formation du personnel et aide à la coopération/contractualisation). « Cela se traduira par la fin de l'octroi de ces CNR pour financer les dépassements budgétaires », indique l'Uniopss.
« Un taux d'évolution (1,2 %) nettement inférieur à 2009, un débasage conséquent et un encadrement strict des crédits non reconductibles... Le garrot est puissant », pointe Thierry Nouvel, directeur général de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Cette campagne constitue un rappel à l'ordre pour les services déconcentrés devenus ARS. Mais aussi une réduction drastique des marges de manœuvre des gestionnaires. « Les ressources pour financer les dépenses en reconduction permettent à peine de couvrir l'inflation et le glissement vieillesse technicité. Les directeurs vont devoir trouver en interne des moyens à redéployer pour la qualité de l'accompagnement », prévient Philippe Calmette, directeur général de la fédération d'employeurs Fegapei.
Au-delà du risque de systématisation de reprise des excédents, certains dénoncent l'organisation de la non-dépense. « Le budget prévisionnel pour la médicalisation ne permettra pas à tous les établissements concernés de signer des conventions de seconde génération. Les pouvoirs publics anticipent le fait que tout le monde ne la renouvellera pas en 2010 », s'indigne Didier Sapy, directeur de la fédération Fnaqpa. « De plus, le lancement de la campagne intervient en milieu d'année, hypothéquant la bonne exécution des enveloppes. Les pouvoirs publics préparent la reprise des crédits sans nous laisser la possibilité de les dépenser », s'affole Florence Arnaiz-Maumé, délégué générale du syndicat Synerpa.

Manque de précisions

Du côté des personnes âgées, la circulaire budgétaire réserve une autre surprise : le report à la campagne 2011 de la tarification à la ressource. Les modalités d'application de la convergence tarifaire d'ici à 2016 sont aussi précisées. « Fin 2009, un peu moins de 600 établissements étaient concernés, livre Sabine Fourcade. Nous demandons aux ARS de passer au maximum par des conventions afin d'éviter une application stricte de la réduction d'un septième de l'écart par an », complète-t-elle. Mais, si en 2009, les structures concernées ont vu leur dotation soins progresser de 0,5 %, à compter de cette année, il s'agit d'un maximum pouvant bénéficier uniquement à ceux dont le dépassement est inférieur ou égal à 10 % du tarif plafond. Pour les autres, reste l'accueil de populations plus dépendantes, le choix du tarif global et/ou la mise en place d'unité Alzheimer. « Parler de convergence pour des structures qui ne sont pas au niveau du plan Solidarité grand âge reste un non-sens », fustige Claudy Jarry, directeur de la fédération de directeurs Fnadepa.
Du côté des personnes handicapées, les frais de transport des usagers accueillis de jour doivent être intégrés dans les dépenses d'exploitation des maisons d'accueil spécialisées (MAS) et des foyers d'accueil médicalisé (FAM) à compter du 1er juillet. Une enveloppe de 18 millions d'euros est bien prévue, mais jugée insuffisante par le secteur. Autre sujet sensible : celui de la garantie d'un minimum de ressources pour les résidants des MAS. « Les gestionnaires ne savent pas quelle sont les ressources à prendre en compte. Et nous n'avons aucune précision sur la compensation de cette diminution des recettes du groupe II », pointe Cécile Chartreau, conseillère technique de l'Uniopss. Philippe Calmette prévient : « Nous serons très attentifs à ce que les programmes de créations de places annoncées soient bien réalisés. Nous serons également vigilants sur la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique qui doit permettre le redéploiement de moyens sanitaires vers le médico-social ».

 

(1) Circulaire interministérielle n°DGCS/5C/DSS/1A/2010/179 du 31 mai 2010 (2) Lire Direction(s) n° 73, p. 8 (3) Lire Direction(s) n° 68, p. 4
Noémie Gilliotte

Bérengère Poletti, députée UMP des Ardennes, rapporteure de la mission sur la CNSA

« Afin d'améliorer la procédure budgétaire, la mission d'information sur l'utilisation des fonds de la CNSA (1) préconise de supprimer les dépenses encadrées, de répartir l'OGD dès le mois de janvier et de passer à un système ascendant partant des besoins des établissements. Nous demandons la mise en place d'un financement pérenne de l'aide à l'investissement (pour l'heure issu des excédents), ainsi que l'identification claire dans l'OGD des crédits non reconductibles. Du côté de la gouvernance, il faudrait clarifier les rôles entre la CNSA et la DGCS, et que la première participe activement à l'animation du réseau des ARS. De même qu'une meilleure coopération est souhaitable entre la Caisse et l'assurance maladie. Elle pourrait passer par une communication mensuelle par type de paiements, mais aussi par la présence de l'assurance maladie au conseil de la CNSA. Enfin, nous demandons que les conseils généraux assurent une des vice-présidences du conseil. »

(1) La commission des affaires sociales devait adopter le rapport le 30 juin.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 76 - août 2010






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