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Etudes et prospectives
Financement de l’aide à domicile : peu de marges de manœuvre

09/03/2011

Face aux difficultés financières du secteur de l’aide à domicile, la mission commune des inspections générales des affaires sociales et des finances propose d’instaurer deux tarifs pour l’aide à la vie quotidienne selon le type d’activité réalisée. Et de cibler la solvabilisation des usagers sur les plus dépendants.

Un certain nombre de services d'aide à domicile sont en difficulté, qu'ils soient ou non en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire. La gravité des situations est variable.[…]

L'examen des comptes des services en difficulté permet néanmoins de dégager quelques grands facteurs explicatifs : 

- un niveau de tarification qui ne couvre pas le coût de revient des services ; 

- une baisse de l'activité qui explique également souvent une baisse des produits d'exploitation alors que les charges se maintiennent ; 

- des frais de personnel excessifs au regard de l'activité et des produits ;

- un nombre d'heures non productives trop important ;

- la fusion ou le rachat d'un autre service. […]

Le poids des frais de personnel

La structure des coûts des services, quelque soit leur statut, est très homogène, avec une part de frais de personnel de l'ordre de 80 à 90 % et des frais de structure dont l'évolution est le plus souvent, d'ores et déjà, sous surveillance. De ce fait, les marges de manœuvre des services pour améliorer leur rentabilité et conserver ou retrouver un équilibre financier, si elles existent, demeurent limitées en dehors du poste « dépenses de personnel ». […]

Dans la plupart des organismes, le taux d'heures « improductives » varie de 20 à 25 % du total des heures rémunérées, et peut aller jusqu'à 30%. Les services ont une maîtrise partielle du volume de ces heures improductives à travers la gestion du planning. Une gestion optimale des plannings doit permettre de limiter les temps de déplacement et les heures perdues liées à la modulation du temps de travail ou les difficultés à réaffecter un intervenant sur un nouvel usager. Cela implique un pilotage au plus près de l'ensemble des interventions et un suivi des situations des bénéficiaires, et une capacité à réaffecter rapidement les salariés sur d'autres missions pour limiter le nombre d'heures perdues. […] L'élaboration du programme d'interventions et l'affectation des intervenants sur chaque mission est l'activité stratégique du service, c'est là que réside l'essentiel des gains d'efficacité à réaliser afin d'assurer la rentabilité de l'activité. […]

Il paraît utile d'aller vers une harmonisation de ces références autour de quelques indicateurs : taux d'encadrement rapporté au nombre d'heures d'intervention, % de frais de structure, taux de qualification, % d'heures rémunérées non facturées, etc. […] L'objectif ne consiste pas à imposer un cadre rigide aux conseils généraux dans la perspective de la tarification, mais à leur donner, ainsi qu'à leurs services, des éléments de comparaison, ainsi d'ailleurs qu'aux usagers s'agissant du niveau des coûts et des tarifs.

Financement direct

Si la question du maintien ou non d'une tarification mérite sans doute d'être posée, la mission estime néanmoins que ce n'est sans doute pas sous cet angle. […] C'est sous celui plus large de l'opportunité du maintien d'un processus d'autorisation et de tarification administrée concomitamment à une procédure d'agrément qualité que la question peut se poser. […] Le fait est que le maintien de deux régimes pour des services intervenant auprès des mêmes publics peut paraître peu compréhensible et que toute simplification en la matière pourrait contribuer à rendre le système plus lisible. La mission constate pourtant que le contexte n'est pas favorable, dans l'immédiat, à la suppression du régime de l'agrément qualité au bénéfice du seul régime de l'autorisation, pas plus qu'à celle de l'autorisation au bénéfice de l'agrément qualité.

Un nouveau changement de cap qui viendrait remettre en cause les efforts d'organisation des conseils généraux pour mettre en œuvre les procédures d'autorisation et tarification et structurer le secteur des services d'aide au domicile des personnes vulnérables, paraît difficilement envisageable, et ne serait pas nécessairement de bonne administration.

C'est pourquoi plutôt que d'opposer, à ce stade, l'agrément et l'autorisation l'un à l'autre, la mission observe que le régime d'autorisation est, en tout état de cause, appelé à évoluer profondément pour satisfaire aux exigences du droit européen, et que cette circonstance devrait être utilisée pour faire évoluer les règles internes de tarification vers une plus grande corrélation entre les obligations de service public contractées par les établissements et les financements publics perçus par eux.

Le nouveau régime d'autorisation conduirait à distinguer deux catégories de serices d'aide à domicile (SAAD) :

- ceux qui auront souhaité être mandatés par le conseil général en répondant à l'appel d'offres, et que celui-ci aura retenus comme partenaires. Pour ceux-là, la mission préconise le passage à une contractualisation budgétaire dans le cadre de contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.

- ceux qui n'auront pas souhaité contracter avec le département, ou que le département n'aura pas souhaité retenir comme partenaires contractuels. Les tarifs de ces services pourront être librement fixés : dès lors, dans la mesure où ils excéderaient le tarif standard de prise en charge (« tarif de responsabilité ») fixé par le conseil général pour le calcul des plans d'aide des bénéficiaires individuels recourant aux prestations des services non contractualisés, la différence resterait facturable aux bénéficiaires individuels. […]

Plutôt que de partir de la qualification des intervenants, il faudrait partir de la personne aidée, de ses besoins et de la nature des interventions. Il pourrait être envisagé de différencier deux approches tarifaires : l'une concernant les aides à la personne stricto sensu, l'autre les aides à son environnement. Les plans d'aide pourraient ainsi être valorisés en deux grandes catégories d'activité et laisser une certaine latitude au prestataire dans le déroulement même de son intervention.

Mieux cibler les efforts de solvabilisation

Face à la contrainte financière, il ne paraît plus possible de prétendre assurer sur fonds publics la solvabilisation indifférenciée des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les services les plus qualifiés et les plus coûteux. Les propositions de la mission sont de faire évoluer les structures actuelles des tarifs de prise en charge vers une plus grande différenciation, selon deux axes :

- en distinguant pour les structures autorisées un tarif pour les aides à la personne et un tarif pour les aides à l'environnement ;

- en modulant le niveau de prise en charge des services à la personne en fonction d'une part, du niveau de dépendance et du niveau de ressources du bénéficiaire d'autre part.

Cette modulation du tarif de prise en charge en fonction du degré de dépendance pourrait s'inscrire dans le cadre de la réponse des structures prestataires aux appels à projet que devront lancer les départements en matière d'aide à domicile pour se conformer aux obligations issues de la mise en œuvre de la directive européenne sur les services. […] S'agissant des coûts de la prise en charge, la mission relève bien sûr des marges d'amélioration et de progrès. Mais le coût du service ne peut fondamentalement être réduit de beaucoup. Faut-il tarifer tous les services autorisés, auquel cas la reconnaissance de la réalité du coût impliquera une poursuite de l'augmentation des dépenses, ou faut-il considérer que cette tarification, qui assure la prise en charge la plus complète par la collectivité, doit être davantage ciblée ? C'est la proposition que fait la mission […].

Les recommandations de la mission

  •  Aucune intervention réalisée par les SAAD hors garde itinérante ne devrait être d'une durée inférieure à une demi-heure.
  • Développer les formes de coopération entre SAAD au sein de groupements de coopération sociale et médico-sociale, etc.
  • Réserver la procédure de tarification aux services retenus dans le cadre de la procédure d'autorisation par appel à projets, formalisée par un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens entre le conseil général et les SAAD.
  • Cibler les appels à projets sur les populations les plus vulnérables.
  • Faire évoluer rapidement les procédures avec une procédure d'autorisation/tarification pour les seuls services ayant été retenus suite à un appel à projets, et une procédure simplifiée unique, hors tarification.
  • Pour l'aide à la vie quotidienne, [… instaurer] deux tarifs selon le type d'activité réalisée au domicile du bénéficiaire, en fonction de son besoin : un tarif « aide à la personne » et un tarif « aide à l'environnement ».
  • Mieux corréler la tarification des prestataires autorisés à la nature des besoins en ciblant une solvabilisation des personnes les plus dépendantes par leur degré de dépendance et leur niveau de ressources.
  • Développer au profit des autres bénéficiaires les interventions en mode mandataire.
  • Aller vers le chèque emploi-service universel (Cesu) préfinancé, dématérialisé, pour l'emploi direct ; opter pour la télégestion pour le mode prestataire, ou le Cesu préfinancé […].
  • Inciter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à soutenir la démarche en contribuant au financement de la mise en place d'outils par le biais des conventions qu'elle signe avec les conseils généraux.

Carte d'identité

Auteurs. Anne Bruant-Bisson, Jacques-Bertrand de Reboul, inspecteurs généraux des affaires sociales et Philippe Aube-Martin, inspecteur général des finances. 

Titre du rapport. Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d'aide à domicile en direction des publics fragiles.

Téléchargeable surwww.ladocumentationfrancaise.fr

Publié dans le magazine Direction[s] N° 83 - avril 2011






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